ÉROS Mais la nuit vient. Au fond de la voûte azurée L'aile sombre du soir s'étend démesurée, L'ombre cache en croissant les pieds des arbrisseaux, Et je vois à la fois au ciel et sur les eaux Dont sa courbe brillante argenté la surface, L'arc de ma bien-aimée étendu sur l'espace! Je te conjure, ô nuit suave, qui descends Sur les coteaux parmi les feux incandescents! Vous, lacs transis, moirés de sinistres lumières, [Je vous conjure]1, et toi qui ris dans les clairières, Grande nature, abri du chasseur indompté, Obéis-moi! Qu'un air chargé de volupté Vole, et répande avec de magiques paroles Le même embrasement, des ailes aux corolles! [Que tout aime!]2 Silène, heureux magicien, Assembla ces roseaux selon son art ancien. La nymphe que les bois nomment avec mystère Accourra par l'effet d'un charme involontaire Au son de cette flûte. Éveillons ses accords. Rien. Là-bas c'est le bruit faible et mourant des cors. [Je l'entendrai venir dans la nuit calme et douce, Et je me coucherai là sur ce tas de mousse, Car elle ne doit voir qu'un enfant endormi Sur ces gazons jonchés de roses, et parmi L'agreste paysage au reflet poétique.]3 L'astre pâle apparaît; sa lueur magnétique Scintille, et, comme l'aube au mur d'une prison, Blanchit ce cachot noir qu'ils nomment l'horizon! Un parfum d'ambroisie inonde la ravine. C'est elle. Contiens-toi, mon àme!
Diane au bois
Opera by Claude Achille Debussy (1862 - 1918)
1. Mais la nuit vient  [sung text checked 1 time]
Authorship:
- by Théodore Faullin de Banville (1823 - 1891), no title, appears in Diane au bois, comédie héroïque en deux actes, en vers, Paris, Michel Lévy Frères, first published 1864
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View original text (without footnotes)Confirmed with Théodore de Banville, Diane au bois, comédie héroïque en deux actes, en vers, Paris: Michel Lévy Frères, 1864, Act II, scene iii, pages 47-48.
1 this phrase was repeated by Debussy as "je t'en conjure"2 repeated by Debussy
3 omitted by Debussy
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2. La divine musique!  [sung text checked 1 time]
DIANE La divine Musique! Ravissant les monts aériens, Malgré moi ce doux bruit m'attirait, et je viens! Personne. Ai-je rêvé? Que la nuit est brûlante! D'où vient que regardant la nue étincelante, Je soupire? D'où vient que mes yeux furieux S'épouvantent de voir les étoiles des cieux, Que je m'égare seule, ayant laissé mes armes, Et que, pâle d'horreur, je bois l'eau de mes larmes? Je pleure ton parjure, infidèle Glaucé! Le poison que je bois, c'est toi qui l'as versé. La haine est dans mon sein. Le feu qui me dévore C'est le courroux. Hélas! pourquoi mentir encore? Non, ce n'est pas la haine! toi, qui me poursuis, Quel es-tu? Connais-tu ma peine et mes ennuis! Celle dont le glacier vierge était le royaume Tremble, pâle victime éprise d'un fantôme. La vision, toujours! [Un enfant! Qu'il est beau! Doux incarnat de rose! Oh! jamais le flambeau De la nuit n" éclaira des formes si divines! C'était lui, c'était lui, mon cœur, tu le devines, Que me montrait toujours la blanche vision! Ce fantôme charmant de mon illusion Était là, près de moi, dormant dans la ravine, Et c'est pourquoi tu bats si fort dans ma poitrine!]1 Il est là, radieux, apaisé, triomphant. Oh! donner un baiser chaste à ce front d'enfant, Et mourir! Mon secret dans le bois qui frissonne Restera. Qui jamais peut le savoir? Personne. Quant à lui, mon pouvoir empêche, si je veux, Qu'il ne s'éveille. O dieux! sur l'or de ses cheveux Poser ma lèvre, et puis... Ah! qu'ai-je dit! ruisselle Encor, source des pleurs, je suis une immortelle! Fuyons. Je n'irai pas. Je ne veux pas. [Je suis La divinité morne et farouche des nuits, Qui teint ses mains de sang en son mâle délire! Fuyons. Je ne peux pas.]1 Non, mon cœur se déchire! Eh bien, voile-toi donc, lumière! Voilez-vous, Flammes, clartés, flambeaux, regards du ciel jaloux! [Astres qui de l'azur brûlant fixez en foule Sur moi vos yeux railleurs, éteignez- vous! Je foule Aux pieds ma froideur sainte et ma divinité,]2 Et pour me repentir j'aurai l'éternité! Sur son visage l'ombre errante du platane Rit. Ne t'éveille pas, divin enfant!
Authorship:
- by Théodore Faullin de Banville (1823 - 1891), no title, appears in Diane au bois, comédie héroïque en deux actes, en vers, Paris, Michel Lévy Frères, first published 1864
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View original text (without footnotes)Confirmed with Théodore de Banville, Diane au bois, comédie héroïque en deux actes, en vers, Paris: Michel Lévy Frères, 1864, Act II, scene iv, pages 49-51.
1 omitted by Debussy2 repeated by Debussy, with "et ma divinité" omitted the second time
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3. Diane, je t'adore!  [sung text checked 1 time]
ÉROS Diane, Je t'adore! DIANE Ah! perdue! ÉROS Écoute-moi! DIANE Pleurez, Solitudes! Maudis tes attributs sacrés, Chasseresse! Pour toi la neige était impure! Et, vierge, tu trouvais au lys une souillure, Foulant avec mépris Féther surnaturel! Et l'aigle est moins rapide à monter vers le ciel Qu'à monter à ton front la rougeur n'était prompte Alors ! nymphe orgueilleuse, à présent bois ta honte! ÉROS Diane! DIANE Laisse-moi. Va! laisse-moi pleurer! [Laisse mon sein gémir et mon cœur s'ulcérer. Homme, ne trouble pas mon angoisse suprême. Maudite, désolée, en horreur à moi-même, Blessée enfin d'un mal que rien ne peut guérir,]1 Je me hais. Que peux-tu d'ailleurs? ÉROS Je puis mourir. Mais, nymphe, sur le pauvre enfant que tu détestes Tourne encor sans courroux ces deux astres célestes! Approche, et sous l'éclair enivrant de tes yeux Je mourrai... sans regret! DIANE Mourir! Toi! [Justes dieux!]1 ÉROS Mais sache auparavant quelle flamme dévore Le printemps de ma vie, et combien je t'adore! Je suis Endymion, un berger fils de roi. Diane, le soleil de mon âme, c'est toi! [La nuit, lorsque ton char de diamant s'élance Dans l'infini, je cours au bois plein de silence. Dans les plis des rochers hideux, où se suspend La ronce, je me glisse et j'avance en rampant. Je suis ta chasse errant sous les blancheurs de lune. Tes nymphes au hallicr sauvage ou sur la dune Te précèdent. Enfin, sur le gazon naissant Tu parais, jeune et svelte et le pied bondissant. Je cherche dans tes yeux le vol' de tes pensées Noires d'ombre et d'azur. Les étoiles glacées Admirent en fuyant l'héroïque rougeur De ton front virginal ; et moi, pâle, songeur, Ébloui de rayons, sentant croître la fièvre Qui me brûle, je vois de loin briller ta lèvre Dédaigneuse, aux clartés de ton astre changeant. Cette lumière rose et ces flammes d'argent Se confondent ensemble et m'emplissent de joie. Mon regard allangui dans tes cheveux se noie. Sur tes pas, épiant alors chaque délour, Je marche déchiré d'épouvante et d'amour, Et je te suis!]1 DIANE Fuis-moi, cruel enfant. Oublie Tout, mes pleurs, mes sanglots, mon crime et ta folie! [Une autre, quelque reine, enfant thessalien, T'aimera, jeune, libre, hélas ! de tout lien, Et plus belle que moi. ÉROS Toi seule es à la taille De mon cœur! Où te fuir, dis? Où veux-tu que j'aille Pour oublier? Quels pleurs de la nue éteindront Le feu de ton baiser, qui brûle encor mon front Tout parfumé du souffle adoré de ta bouche? Dis, quel antre assez noir et quel désert farouche Éteindra dans son ombre où nul n'a pénétré L'ardente soif d'amour dont tu m'as altéré? DIANE Eh bien, je quitterai ces forets, mon asile. Ces chers abris sacrés, c'est moi qui m'en exile!]1 ÉROS Non, où tu t'en iras, je m'en irai! Je suis L'ombre de ta pensée avide, et je le suis! [Je te suis! Si tu vas sous les vagues humides Au fond des palais verts où sont les néréides, Je te suivrai dans l'onde où les gouffres amers Se plaignent! Si tu vas jusque dans les enfers, J'irai, tenant la lyre, et pour le roi barbare Mêlant ma strophe en pleurs aux sanglots du Tartare! Et si, lançant dans l'air ton vol démesuré, Tu t'en vas jusqu'au fond de l'éther azuré Où ruissellent, parmi l'immensité perdues, Les étoiles, comme un lait divin répandues,]1 J'irai devant les dieux enivrés de nectar Me coucher sous la roue ardente de ton char! Tu vois que je suis fou; tu m'entends, je blasphème! Frappe. Venge-toi. DIANE Non, malheureuse, je t'aime! ÉROS Diane! DIANE Mais je veux étouffer dans mon sein L'hydre qui le déchire et l'amour assassin! [Aimer! Qui? Moi la nymphe auguste aux bras d'ivoire! Moi la guerrière, ô dieux! je flétrirais ma gloire! O Thessalie en deuil, j'ai tant de fois juré Par le Cnémis où gronde un vent désespéré, Et par la grande nuit où le Titan se cache, Et par l'OEta couvert d'une neige sans tache,]1 [J'ai juré tant de fois]2 de garder endormi Le soupir de mon cœur, [et de rester]1 parmi Les noirs Olympiens, en proie aux bacchanales, Pure et blanche au milieu des splendeurs virginales! [Et que de fois au ciel errant et voltigeant, Ma pensée a juré par les astres d'argent Calmant à leur douceur mes peines assoupies, De rester un lys, froid comme eux!]1 ÉROS Serments impies! [Entends les rossignols qui chantent leurs amours! Entends: l'herbe et la mousse ont de charmants discours!]1 Vois dans l'immensité souriante et sereine Les astres, c'est l'amour vivant qui les entraîne. C'est par lui que la rose, âme des nuits d'été, Ouvre son grand calice ivre de volupté. [Vois sur le ruisseau clair et sur les eaux stagnantes S'agiter par essaim des ailes frissonnantes; Elles savent pourquoi tout s'embrase, et l'amour Leur a dit que le mois des fleurs est de retour. Vois briller la rosée, et sur les herbes folles Étinceler le corps doré des lucioles Qui rhythment les sillons de leurs ailes de feu.]1 [Une lueur d'argent enveloppe l'air bleu, Et tout te dit d'aimer et tout te dit de vivre. Et cette ombre et l'odeur des feuilles qui t'enivre, Et la rose qui trône au milieu de sa cour, Ces pleurs, ces bruits, ces voix, ces parfums, c'est l'amour! Je t'aime!]3 DIANE Endymion, ne me dis plus ces choses! ÉROS Je t'aime!4 Ce baiser qui de tes lèvres roses Voltigea sur mon front tandis que je dormais, Chère âme, laisse-moi te le rendre! DIANE Jamais! Je ne veux pas. ÉROS L'amour pour l'éternité lie Nos âmes. DIANE Laisse-moi partir, je t'en supplie. Dis, par pitié! ÉROS Vois-tu, l'amour seul est divin, Et gloire, autels, rayons, lauriers, le reste est vain. DIANE Non, tais-toi. ÉROS L'amour seul est doux, ma bien-aimée. Tu soupires! [DIANE Adieu. ÉROS Vois, ta main désarmée Brûle et tremble; ton sein frémit; tes yeux errants S'alanguissent, voilés de larmes et mourants; Tu te sens défaillir et le sang abandonne Ta lèvre pâlissante. fille de Latone, Ta voix harmonieuse est comme un chant d'oiseau; Ton col penche, lassé; ta taille de roseau Sur mon bras glisse et ploie ainsi qu'une liane: C'est l'amour!]1 DIANE Non, tais-toi! ÉROS C'est l'amour! Ma Diane! DIANE Mon Endymion!
Authorship:
- by Théodore Faullin de Banville (1823 - 1891), no title, appears in Diane au bois, comédie héroïque en deux actes, en vers, Paris, Michel Lévy Frères, first published 1864
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1 omitted by Debussy2 Debussy: "J’ai tant de fois juré"
3 extracted by Debussy and placed at the end of his composition
4 Debussy: "Diane!"
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4. Une lueur d'argent  [sung text checked 1 time]
Une lueur d'argent enveloppe l'air bleu, Et tout [te]1 dit d'aimer et tout [te]1 dit de vivre. Et cette ombre et l'odeur des feuilles qui t'enivre, Et la rose qui trône au milieu de sa cour, Ces pleurs, ces bruits, ces voix, ces parfums, c'est l'amour ! Je t'aime !
Authorship:
- by Théodore Faullin de Banville (1823 - 1891), no title, appears in Diane au bois, comédie héroïque en deux actes, en vers, Paris, Michel Lévy Frères, first published 1864
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1 Debussy: "nous"Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Garrett Medlock [Guest Editor]