by Augusta Mary Anne Holmès (1847 - 1903)
Ode triomphale : en l'honneur du centenaire de 1789
Language: French (Français)
La cérémonie commence par de longs appels de trompettes se répondant des quatre points de la voûte, d'autres appels répondent à ceux-ci, de loin d'abord, puis de plus en plus rapprochés. Enfin l'orchestre éclate en un prélude en forme de marche triomphale. Aux dernières mesures, le rideau s'ouvre et tes vignerons entrent en scène. LES VIGNERONS, précédés par le Vin, porté sur un pavois où s'écroulent des raisins et des pampres Evohé ! Soleil ! Evohé ! La vigne a fleuri ! La grappe a mûri ! Dans les cuves, le vin bouillonne Ce soir, vignerons, Nous reposerons, Car le vin rougeoie et rayonne. C'est le vin joyeux Le vin des aïeux, Qui rend la vie et l'espérance, C'est le vin pur et glorieux, Evohé ! C'est le vin de France! LES MOISSONNEURS, précédés par la Moisson portée sur des gerbes de blé et de fleurs des champs. Evohé ! Soleil ! Evohé ! Le baiser vermeil De l'ardent soleil A gonflé les épis superbes, Et, toujours, encor, En lourds monceaux d'or S'entasse la gloire des gerbes. Soleil ! Evohé ! C'est le pain sacré Que nous tirons des blondes plaines, Que les bœufs dorment dans le pré, Moissonneurs, les granges sont pleines ! LES VIGNERONS. Ce vin, c'est le sang Chaud et rubescent De la terre qui nous fit naître ! LES MOISSOUNEURS. Ce pain, c'est la chair Du sol trois fois cher, Que le soc déchire et pénètre ! LES DEUX CHŒURS. Forts et rénovés Mangez et buvez, Fils du Rire et de la Vaillance, Le pain et le vin Sans qui tout est vain, La chair et le sang de la France! LES SOLDATS, précédés la Guerre, portée sur des boucliers. L'arme au bras, l'épée au côté, Le front haut, le cœur sans colère, Nous en qui la Patrie espère, Nous attendons sa volonté. A l'heure où, d'une voix sonore, Le Coq de guerre chantera, Le Maître de la nuit fuira Devant les soldats de l'Aurore ! Et nous célébrerons ton nom, France, ô mère des épopées, Au cliquetis clair des épées, Aux rugissements du canon. Entends-nous Notre âme te crie « Nous voulons mourir en t'aimant » Car c'est vivre immortellement Que de mourir pour la Patrie ! LES MARINS, précédés par la Mer, portée sur des monceaux de coraux et de plantes marines. Sur les flots gris de l'Océan sans bornes, Sous les vents ruisselants, Depuis les mers aux rivages brûlants Jusqu'aux neiges mornes Où veillant les Nornes, Voguent nos vaisseaux aux beaux flancs ! La vague est terrible et profonde ; L'éclair brille et la foudre gronde. Mais dans le danger Pour nous protéger Nous t'invoquons, France la blonde ! Et nous semons, vermeilles fleurs, Les pavillons aux trois couleurs Aux pays lointains où nous mène l'onde ! A toi, la conquête féconde A toi, l'or et la perle ronde! Qu'importent les morts Si, par nos efforts, La France obtient les richesses du Monde ! LES TRAVAILLEURS. 1er groupe précédé par le Travail. 2e groupe précédé par l'industrie. 1er CHŒUR Tope, frère ! et dis-moi ton nom ! 2e CHŒUR. Je suis enfant de Salomon. Dites vos noms qu'on les redise 1er CHŒUR. Enfant de Jacque et de Soubise. A qui dois-je donner mon cœur ? 2e CHŒUR. A ton frère, le travailleur. A qui dois-je donner mon âme? 1er CHŒUR. A ton pays qui la réclame. A quoi dois-je employer mes bras ? 2e CHŒUR. Le Temple tu reconstruiras ! LES DEUX CHŒURS. Avec la pioche et la truelle, Avec l'équerre et le compas, Cimente, égalise et nivelle Compagnon, ne t'arrête pas ! Construis le Temple de justice, Le cœur tranquille et plein de foi Il faut que l'ordre s'accomplisse Frère ! l'Avenir est à toi ! Avec le levier et l'é Et la truelle et le compas Construis le Temple de Lumière ; 0 sauveur, ne t'arrête pas ! LES ARTS. précédés par LE GÉNIE. Peuple, lève les yeux vers la Lyre immortelle! Regarde! c'est elle Qui dit à l'univers ta gloire et tes travaux; Écoute avec ferveur et plein d'un saint délire La voix auguste de la Lyre Qui t'appelle en chantant à des destins nouveaux ! Vois les pinceaux trempés dans l'azur et l'aurore Où rayonne encore, Malgré le temps cruel, le prisme aux sept couleurs Le maillet, le ciseau qui, dans le cœur des arbres, Sur l'onyx, le bronze et les marbres, Ont gravé pour toujours ta joie et tes douleurs ! 0 peuple, sois doux au Génie Qui, par l'image ou l'harmonie, Enseigne le divin à ton humanité ! Si l'Art ne t'aide point, tu bâtis sur le sable ; Et le plus pur renom est encor périssable Si nous ne l'avons pas chanté ! LES SCIENCES, précédées par LA RAISON. Du fond de l'Océan jusqu'au delà des astres, Nous avons frayé le chemin, Qu'oublieux de la mort, des guerres, des désastres, Tu graviras, ô genre humain ! Nous avons déchiré les voiles de mystère Dont se couvrait la Vérité Le feu dévorateur, l'onde, l'air et la terre Sont soumis à ta volonté. Nous avons arraché de leur ciel illusoire Les faux dieux à l'homme pareil Et la vie a jailli de l'immensité noire En myriades de soleils ! Homme, debout! Bientôt l'Aurore va paraître Du jour sans fin et sans milieu Marche ! et perçois en toi l'Esprit, le Verbe et l'Être, Homme, qui par nous, seras dieu ! LES JEUNES GENS, précédés par L'AMOUR. Vers Elles ! Amour, conduis-nous en battant des ailes ! Vers Elles ! Les blondes, les blanches, les belles... Plus loin, là-bas, plus loin encor Vers Elles ! Vers les vierges aux cheveux d'or ! LES JEUNES FILLES, précédées par LA JEUNESSE. Je rêve Qu'un soleil très doux à mes yeux se lève... Je rêve Qu'une voix m'appelle sans trêve... Je rêve d'un regard vainqueur... Je rêve Que l'Amour m'a blessée au cœur ! LES JEUNES GENS. Succombe ! Le vautour divin a pris la colombe. Succombe A l'amour plus fort que la tombe. Livre ton âme, ouvre tes bras, Succombe A l'amour par qui tu vivras ! Orchestre. Les deux chœurs se rejoignent au milieu de la scène. LES JEUNES FILLES offrent des branches et des palmes aux jeunes gens. Avec ces tendres roses blanches Prends, ma pure fidélité. LES JEUNES GENS offrent des branches de laurier et des palmes aux jeunes filles. Avec ces glorieuses branches Reçois ma force et ma fierté. LES JEUNES FILLES. Je jure de donner mon âme A celui qui reçut ma foi ! LES JEUNES GENS. Je jure une éternelle flamme, Et pour toujours je suis à toi! LES DEUX CHŒURS se groupant sur les deux côtés de l'escalier. Je t'aime ! Et te donnerai ma vie elle-même Je t'aime ! 0 lever d'aurore ! 0 poème ! 0 roses du premier baiser ! Je t'aime D'un amour qu'on ne peut briser. L'Amour et la Jeunesse se rejoignent devant l'autel et demeurent debout, enlacés. LES ENFANTS. 1er Chœur tenant sur un char des bêtes féroces liées par des chaînes de fleurs.- 2e Chœur portant des épées entourées de feuillages. LES DEUX CHŒURS. Nous venons saluer notre mère chérie Avec de très belles chansons, Que répétaient dans la prairie Les merles bleus et les pinsons Et tous les oiseaux des buissons 1er CHŒUR. Le rossignol chantait : « La France est éternelle ! » 2e CHOEUK. L'alouette a crié : « Sa Gloire va fleurir ! » 1er CHŒUR La mésange disait: « II faut vivre pour elle ! » 2e CHŒUR Le moineau gazouillait : « Pour elle, il faut mourir ! » 1er CHŒUR Nous avons enchainé les méchantes panthères Et les tigres, avec des fleurs ; Car les oiseaux ont dit : « Tous les hommes sont frères ; Plus de guerres ! Assez de pleurs ! » 2e CHŒUR. Nous avons apporté les cruelles épées Bien enveloppées De houblons et de pampres verts ; Les oiseaux nous ont fait entendre Que notre mère est tendre Et qu'elle renverra la haine et les hivers ! LES DEUX CHŒURS. Accueille-nous, mère chérie, Nous avons des fleurs plein ]es mains: Toutes les roses des chemins, Tous les bluets de la prairie Et l'avenir de la patrie ! Les enfants se groupent en avant de l'escalier. A ce moment, la scène s'obscurcit. Un long murmure se fait entendre dans l'orchestre, plein de grondements farouches et une marche funèbre monte et grandit. Devant l'orchestre surgit une figure voilée de noir, chargée de chaînes, aux longs cheveux blonds dénoués. Elle se dirige à pas lents vers l'autel, en tendant désespérément les bras aux groupes divers échelonnés sur le théâtre. Les enfants s'écartent en lui montrant l'autel avec leurs épées entourées de fleurs. Elle monte les degrés. L'Amour et la Jeunesse se séparent pour la laisser passer. TOUS LES CHŒURS, à voix basse. A travers les cités et les sombres forêts Ont retenti des cris funèbres. Le soleil s'est éteint ! Un voile de ténèbres Répand le deuil sur nos apprêts ! Long crescendo à l'orchestre. La femme voilée tombe à genoux en embrassant l'autel. Apparais, déesse, apparais ! Apparais et console, apparais et délivre ! L'espoir de ta présence auguste nous enivre, Et notre cœur est plein de tes nobles attraits ! LES ENFANTS Toi qui protèges notre mère, TOUS. Apparais, déesse, apparais ! LES JEUNES GENS ET LES JEUNES FILLES. Toi qui vaincras la haine amère, TOUS. Apparais, déesse,apparais ! LES SCIENCES. Toi, par qui l'ignorance expire, TOUS. Apparais, déesse, apparais ! LES ARTS. Toi, que chante la grande Lyre, TOUS. Apparais, déesse, apparais ! LES TRAVAILLEURS, 1er CHŒUR. Toi, la juste libératrice, TOUS. Apparais, déesse, apparais ! LES TRAVAILLEURS, 2e CHŒUR. Toi qui veux que le mal périsse, TOUS. Apparais, déesse,apparais ! LES MARINS. Toi, pour qui s'enfle notre voile, TOUS. Apparais, déesse, apparais ! LES SOLDATS. Toi, notre égide et notre étoile, TOUS. Apparais, déesse, apparais ! LES MOISSONNEURS. Toi, que la neuf des blés couronne, TOUS. Apparais, déesse, apparais ! LES VIGNERONS. Toi, pour qui la vigne fleuronne, TOUS. Apparais, déesse, apparais ! Viens ! approche ! Sois là ! Surgis dans la lumière ! Ton peuple t'invoque à genoux ! 0 terrible, ô clémente, ô triomphante, ô fière, 0 République, apparais-nous ! Un éclair sillonne l'obscurité. Le voile d'or se déchire et tombe, et la République apparaît au-dessus de l'autel, dans une clarté fulgurante. Elle porte le péplum d'azur, la tunique blanche et le bonnet phrygien cerclé d'une couronne d'épis d'or. L'étoile brille sur son front. Un glaive au fourreau pend à sa ceinture. D'une main, elle s'appuie sue le sceptre souverain, de l'autre, elle tient des rameaux d'olivier. Le peuple tombe à genoux. LA RÉPUBLIQUE. 0 peuple, me voici ! du haut de l'Empyrée Où je règle à jamais les destins glorieux, Je viens à ton appel, et, de flamme entourée, J'apparais a tes yeux. LE PEUPLE. Gloire à toi, Liberté sacrée, Déesse qui vainquis les dieux ! LA RÉPUBLIQUE. Venez à moi, vous qui souffrez pour la justice ! Pauvres, déshérites, martyrs, suivez ma loi ; Il faut,que le clairon terrible retentisse... La Justice, c'est moi ! LE PEUPLE. 0 guerrière, ô libératrice, 0 rédemptrice, gloire à toi ! LA RÉPUBLIQUE. Accourez à ma voix des confins de la terre, Mortels affamés d'équité ! J'élève sur vos fronts l'olivier salutaire, Symbole de concorde et de fraternité. A la source de vérité Que l'homme délivré du mal se désaltère ; Car la nuit est vaincue et le monde s'éclaire Au soleil de la Liberté ! LE PEUPLE, debout Gloire à toi, fille de la Gloire ! Que nos cris triomphants ébranlent l'univers ! Que les cités et les déserts Retentissent de ta victoire ! Trompettes, emportez jusqu'aux cieux grands ouverts L'hymne de Joie et de Victoire ! Gloire à toi, fille de la Gloire ! LA RÉPULIQUE étend sur la foule les rameaux d'olivier, en une geste de bénédiction. La figure en deuil arrache ses chaînes et ses voiles et apparaît vêtue des couleurs de la France. Une gerbe de blé incandescente croit et grandit au pied de l'autel. Toute la foule tend vers la déesse des bras chargés d'attributs comme pour lui consacrer les forces de la Patrie, avec un grand cri de suprême enthousiasme. Gloire à toi, Liberté, soleil de l'univers !!
Authorship:
- by Augusta Mary Anne Holmès (1847 - 1903) [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Augusta Mary Anne Holmès (1847 - 1903), "Ode triomphale : en l'honneur du centenaire de 1789", published 1889 [alto, SATB chorus, and piano], Paris : V. Durdilly et Cie. [ sung text checked 1 time]
Researcher for this page: Guy Laffaille [Guest Editor]
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