by Jean Racine (1639 - 1699)
Que c'est une chose charmante
Language: French (Français)
Que c'est une chose charmante De voir cet étang gracieux Où, comme en un lit précieux, L'onde est toujours calme et dormante ! Mes yeux, [contemplons]1 de plus près Les inimitables portraits De ce miroir humide ; Voyons bien les charmes puissants Dont sa glace liquide Enchante et trompe tous les sens. Déjà je vois sous ce rivage La terre jointe avec les cieux, Faire un chaos délicieux Et de l'onde et de leur image. Je vois le grand astre du jour Rouler dans ce flottant séjour Le char de la lumière ; Et, sans offenser de ses feux La fraîcheur coutumière, Dorer son cristal lumineux. Je vois les tilleuls et les chênes, Ces géants de cent bras armés, Ainsi que d'eux-mêmes charmés, Y mirer leurs têtes hautaines ; Je vois aussi leurs grands rameaux Si bien tracer dedans les eaux Leur mobile peinture, Qu'on ne sait si l'onde, en tramblant, Fait trembler leur verdure, Ou plutôt l'air même et le vent. Là, l'hirondelle voltigeante, Rasant les flots clairs et polis, Y vient, avec cent petits cris, Baiser son image naissante. Là, mille autres petits oiseaux Peignent encore dans les eaux Leur éclatant plumage : L'œil ne peut juger au dehors Qui vole ou bien qui nage De leurs ombres et de leurs corps. Quelles richesses admirables N'ont point ces nageurs marquetés, Ces poissons aux dos argentés, Sur leurs écailles agréables ! Ici je les vois s'assembler, Se mêler et se démêler Dans leur couche profonde ; Là, je les vois (Dieu ! quels attraits !) Se promenant dans l'onde, Se promener dans les forêts. Je les vois, en troupes légères, S'élancer de leur lit natal ; Puis tombant, peindre en ce cristal Mille couronnes passagères. L'on dirait que, comme envieux De voir nager dedans ces lieux Tant de bandes volantes, Perçant les remparts entr'ouverts De leurs prisons brillantes, Ils veulent s'enfuir dans les airs. Enfin, ce beau tapis liquide Semble enfermer entre ses bords Tout ce que vomit de trésors L'Océan sur un sable aride : Ici l'or et l'azur des cieux Font de leur éclat précieux Comme un riche mélange ; Là, l'émeraude des rameaux, D'une agréable frange, Entoure le cristal des eaux. Mais quelle soudaine tourmente, Comme de beaux songes trompeurs, Dissipant toutes les couleurs, Vient réveiller l'onde dormante ? Déjà ses flots entre-poussés Roulent cent monceaux empressés De perles ondoyantes, Et n'étalent pas moins d'attraits Sur leurs vagues bruyantes Que dans leurs tranquilles portraits.
J. Leguerney sets stanza 1
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View original text (without footnotes)1 Leguerney: "regardons"
Text Authorship:
- by Jean Racine (1639 - 1699), "Ode IV", subtitle: "L'étang", appears in Le Paysage, ou Promenade de Port-Royal-des-Champs, no. 4 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Jacques Leguerney (1906 - 1997), "L'étang", 1952, published 1988, first performed 1953, stanza 1 [mezzo-soprano or baritone and piano], from Le Paysage ou La Description de Port-Royal-des-Champs, no. 4, Paris, Max Eschig [text verified 1 time]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2013-05-27
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