by Cécile Sauvage (1883 - 1927)
Dors dans le nid douillet de ma chair...
Language: French (Français)
Dors dans le nid douillet de ma chair maternelle Dors sans émoi, sans rêve et sans larmes encor ; Demain tu connaîtras ce que pèse ton aile Et ton cœur tremblera de pressentir la mort. Sous le baiser mordant et glacé de la vie Demain tu raidiras tes membres potelés, Tu goûteras le vent, ta candeur éblouie Rira de voir le jour traverser les volets, Une mouche qui vole, un merle qui sifflotte Étonneront longtemps tes jeux contemplatifs Et moi je chercherai dans mon âme plus haute Ce qui rend ton jeune âge et tes regards pensifs. * * * Un soir, le vent soufflait sur la montagne triste, Le soleil s’éloignait hâtant sa barque d’or Et du ciel descendait une ombre d’améthyste Où des clartés de feu se diluaient encor. Un troupeau clochetait autour d’une herbe avare ; Le berger promenait sa bure et son ennui, Oubliant un instant la bête qui s’égare Et se courbant deux fois sous l’âge et sous la nuit. À l’écart du troupeau, près d’un buisson d’épine, Une brebis sanglante et morne avait mis bas. Debout et grelottant de frissons sur l’échine Le petit mal léché titubait sur ses pas Sur le fond lumineux son mufle et son oreille Brillaient d’un rose ardent avivé par le froid Et le cordon, lambeau naïf de chair groseille, Tenait encore au ventre et pendait flasque et droit. Or, ce nouvel agneau humait le vent rapide, Il ne s’étonnait pas de l’ombre autour de lui, Bravement il fouillait du naseau l’herbe aride, Paraissant fait à l’heure, à la détresse, au bruit. La lune l’ignorait, assise sur un chêne, Ronde, grasse, joufflue, enveloppant le soir, Lui si frêle, vêtu d’un court duvet de laine Et plein de confiance entre les ajoncs noirs. Parfois d’un front tenace il fouillait la mamelle, Mais la mère, souffrante et brusque, l’écartait ; Il sautillait alors gauchement devant elle Pour dérouiller ses pieds de bois blanc mal sculpté. Déjà se blottissant contre la solitude Que traîneraient ses jours au milieu du troupeau, Il acceptait le vent comme une langue rude Qui ferait vaciller, l’hiver, son corps d’agneau. Il était là, tragique et petit sous l’espace, Un bélier qui venait s’enfuit en l’effleurant ; Et ce mauvais baiser sans tendresse ni grâce Lui mit au cœur l’effroi d’un monde indifférent. Puis le berger siffla, la halte étant finie, Un chien hargneux tenait les moutons en éveil. Il fallut bien se joindre au courant de la vie… Ô mon petit enfant à cet agneau pareil !
C. Delbos sets stanza 1
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Confirmed with Cécile Sauvage, Tandis que la terre tourne, Mercure de France, 1910, pages 151-154.
Authorship:
- by Cécile Sauvage (1883 - 1927), "L'Agneau", written 1908, appears in Tandis que la terre tourne, poèmes, in 4. L'Âme en bourgeon, no. 10, Paris, Éd. Mercure de France, first published 1910 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Claire Louise Delbos (1906 - 1959), "Dors...", 1936, published 1937, first performed 1937, stanza 1 [ medium voice and piano ], from L'Âme en bourgeon, huit mélodies avec accompagnement de piano, no. 1, Éd. Fortin [sung text not yet checked]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2021-09-29
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