Je veille, et nuit et jour mon front rêve enflammé Ma joue en pleurs ruisselle, Depuis qu'Albaydé dans la tombe a fermé Ses beaux yeux de gazelle. Car elle avait quinze ans, un sourire ingénu, Et m'aimait sans mélange, Et quand elle croisait ses bras sur son sein nu, On croyait voir un ange ! Un jour, pensif, j'errais au bord d'un golfe, ouvert Entre deux promontoires, Et je vis sur le sable un serpent jaune et vert, Jaspé de taches noires. La hache en vingt tronçons avait coupé vivant Son corps que l'onde arrose, Et l'écume des mers que lui jetait le vent Sur son sang flottait rose. Tous ses anneaux vermeils rampaient en se tordant Sur la grève isolée, Et le sang empourprait d'un rouge plus ardent Sa crête dentelée. Ces tronçons déchirés, épars, près d'épuiser Leurs forces languissantes, Se cherchaient, se cherchaient, comme pour un baiser Deux bouches frémissantes ! Et comme je rêvais, triste et suppliant Dieu Dans ma pitié muette, La tête aux mille dents rouvrit son œil de feu, Et me dit : "O poëte ! "Ne plains que toi ! ton mal est plus envenimé, Ta plaie est plus cruelle ; Car ton Albaydé dans la tombe a fermé Ses beaux yeux de gazelle. "Ce coup de hache aussi brise ton jeune essor. Ta vie et tes pensées Autour d'un souvenir, chaste et dernier trésor, Se traînent dispersées. "Ton génie au vol large, éclatant, gracieux, Qui, mieux que l'hirondelle, Tantôt rasait la terre et tantôt dans les cieux Donnait de grands coups d'aile, "Comme moi maintenant, meurt près des flots troublés ; Et ses forces s'éteignent, Sans pouvoir réunir ses tronçons mutilés Qui rampent et qui saignent."
Trois mélodies , opus 7
by Charles Tournemire (1870 - 1939)
1. Albaÿdé  [sung text checked 1 time]
Language: French (Français)
Authorship:
- by Victor Hugo (1802 - 1885), "Les Tronçons du serpent", written 1828, appears in Les Orientales, no. 26
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]2. Le charme des bois  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Que j'aime ces bois solitaires ! Aux bois se plaisent les amants ; Les nymphes y sont moins sévères, Et les bergers plus éloquents. Les gazons, l'ombre, et le silence, Inspirent les tendres aveux ; L'amour est aux bois sans défense ; C'est aux bois qu'il fait des heureux. Ô vous qui, pleurant sur vos chaînes, Sans espoir servez sous ses lois, Pour attendrir vos inhumaines, Tâchez de les conduire aux bois ! Venez aux bois, beautés volages ; Ici les amours sont discrets : Vos sœurs visitent les ombrages, Les Graces aiment les forêts. Que ne puis-je, aimable Glycère, M'y perdre avec vous quelquefois ! Avec la beauté qu'on préfère Il est si doux d'aller aux bois ! Un jour j'y rencontrai Thémire, Belle comme un printemps heureux Ou son amant, ou le zéphyre Avoit dénoué ses cheveux. Je ne sais point quel doux mystère Ce galant désordre annonçoit; Mais Lycas suivoit la bergère, Et la bergère rougissoit. Doucement je l'entendis même Dire au berger, plus d'une fois : O mon bonheur ! ô toi que j'aime! Allons toujours ensemble aux bois.
Authorship:
- by Nicolas Joseph Florent Gilbert (1750 - 1780), "Le charme des bois", subtitle: "Stances"
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]3. L'amant désespéré  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Forêts solitaires et sombres, Je viens, dévoré de douleurs, Sous vos majestueuses ombres Du repos qui me fuit respirer les douceurs. Recherchez, vains mortels, le tumulte des villes ; Ce qui charme vos yeux aux miens est en horreur : Ce silence imposant, ces lugubres asiles, Voilà ce qui peut plaire au trouble de mon cœur. Arbres, répondez-moi... Cachez-vous ma Sylvie ? Sylvie, ô ma Sylvie!... Elle ne m'entend pas. Tyrans de ces forêts, me l'auriez-vous ravie ? Hélas ! je cherche en vain la trace de ses pas. O feuillages chéris, voluptueux feuillages, Combien de fois vos noirs ombrages Nous ont aux yeux jaloux l'un et l'autre voilés, Et que ces doux instants se sont vite écoulés ! Toi qui me répétois les chants de ma Sylvie, Quand, seule, elle vantoit les douceurs de sa vie, L'entends-tu ? parle, écho ; dis, me la rendra-t-on ? Hélas ! il semble qu'il dit non. Mais quel son a frappé mon oreille éperdue ? Peut-être est-ce un soupir de ma divinité, Qui dit à mon cœur agité : Viens, elle te sera rendue. C'est elle! ô doux retour! hâtons-nous d'approcher. J'entends ses pieds fouler les feuilles gémissantes; Mais non... c'est ce ruisseau qui va contre un rocher Briser, en murmurant, ses ondes blanchissantes. Ce ruisseau murmurer?... Il gémit sur mon sort. Ces arbres attristants et voués à la mort Qui couronnent ces rives, Ces sapins, ces cyprès, leur morne majesté, Ces bois silencieux, leur vaste obscurité, Tout semble prendre part à mes douleurs plaintives. Ah! revînt-elle encore, il ne sera plus temps. Ses yeux, au lieu de moi, retrouveront ma cendre; Et les pleurs que sur elle on la verra répandre, Ses regrets douloureux, ses longs gémissements, Viendront au tombeau même éveiller mes tourments.
Authorship:
- by Nicolas Joseph Florent Gilbert (1750 - 1780), "L'amant désespéré"
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]