by Jean-Baptiste Rousseau (1671 - 1741)
Près de l’humide empire où Vénus prit...
Language: French (Français)
Près de l’humide empire où Vénus prit naissance, Dans un bois consacré par le malheur d’Atys, Le Sommeil et l’Amour, tous deux d’intelligence, A l’amoureux Pélée avoient livré Thétis. Qu’eût fait Minerve même, en cet état réduite ? Mais, dans l’art de Protée en sa jeunesse instruite, Elle sut éluder un amant furieux : D’un ardente lionne elle prend l’apparence : Il s’émeut ; et, tandis qu’il songe à sa défense, La Nymphe, en rugissant, se dérobe à ses yeux. Où fuyez-vous, Déesse inexorable, Cruel lion de carnage altéré ? Que craignez-vous d’un amant misérable, Que vos rigueurs ont déjà déchiré ? Il ne craint point une mort rigoureuse ; Il s’offre à vous sans armes, sans secours ; Et votre fuite est pour lui plus affreuse Que les lions, les tigres, et les ours. Où fuyez-vous, Déessë inexorable, Cruel lion de carnage altéré ? Que craignez-vous d’un amant misérable, Que vos rigueurs ont déjà déchiré ? Ce héros malheureux exprimoit en ces mots Sa honte et sa douleur extrême, Quand tout à coup, du fond des flots, Protée apparoissant lui-même : Que fais-tu, lui dit-il, foible et timide amant ? Pourquoi troubler les airs de plaintes éternelles ? Est-ce d’aujourd’hui que les belles Ont recours au déguisement ? Répare ton erreur. La nymphe qui te charme Va rentrer dans le sein des mers ; Attends-lasur ces bords ; mais que rien ne t’alarme, Et songe que tu dois Achille à l’univers. Le guerrier qui délibère Fait mal sa cour au dieu Mars : L’amant ne triomphe guère, S’il n’affronte les hasards. Quand le péril nous étonne, N’importunons point les Dieux : Vénus, ainsi que Bellone, Aime les audacieux. Le guerrier qui délibère Fait mal sa cour au dieu Mars : L’amant ne triomphe guère, S’il n’affronte les hasards. Pélée, à ce discours, portant au loin sa vue, Voit paroître l’objet qui le tient sous ses lois : Heureux que, pour lui seul, l’occasion perdue Renaisse une seconde fois Le cœur plein d’une noble audace, Il vole à la déesse ; il l’approche, il l’embrasse. Thétis veut se défendre ; et, d’un prompt changement Employant la ruse ordinaire, Redevient, à ses yeux, lion, tigre, panthère : Vains objets, qui ne font qu’irriter son amant. [Ses désirs ont vaincu sa crainte : Il la retient toujours d’un bras victorieux ; Et, lasse de combattre, elle est enfin contrainte De reprendre sa forme, et d’obéir aux Dieux.]1 Amants, si jamais quelque belle, Changée en lionne cruelle, S’efforce à vous faire trembler, Moquez-vous d’une image feinte ; C’est un fantôme que sa crainte Vous présente pour vous troubler. Elle peut, en prenant l’image D’un tigre ou d’un lion sauvage, Effrayer les jeunes Amours ; Mais, après un effort extrême, Elle redevient elle-même, Et ces dieux triomphent toujours.
A. Wormser sets stanza 6
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View original text (without footnotes)Confirmed with Œuvres de J. B. Rousseau, Chez Lefèbvre, Libraire, 1820, Tome I, pages 423-427.
1 omitted by Wormser.Authorship:
- by Jean-Baptiste Rousseau (1671 - 1741), "Thétis" [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by André Wormser (1851 - 1926), "Ariette, tirée de la cantate Thétis", stanza 6 [sung text checked 1 time]
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