by Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz (1877 - 1939)
Je dis : ma Mère. Et c’est à vous que je...
Language: French (Français)
Je dis : ma Mère. Et c’est à vous que je pense, ô Maison ! Maison des beaux étés obscurs de mon enfance, à vous Qui n’avez jamais grondé ma mélancolie, à vous Qui saviez si bien me cacher aux regards cruels, ô Complice, douce complice ! Que n’ai-je rencontré Jadis, en ma jeune saison murmurante, une fille À l’âme étrange, ombragée et fraîche comme la vôtre, Aux yeux transparents, amoureux de lointains de cristal, Beaux, consolants à voir dans le demi-jour de l’été ! Ah ! j’ai respiré bien des âmes, mais nulle n’avait Cette bonne odeur de nappe froide et de pain doré Et de vieille fenêtre ouverte aux abeilles de juin ! Ni cette sainte voix de midi sonnant dans les fleurs ! Ah ces visages follement baisés ! ils n’étaient pas Comme le vôtre, ô femme de jadis sur la colline ! Leurs yeux n’étaient pas la belle rosée ardente et sombre Qui rêve en vos jardins et me regarde jusqu’au cœur Là-bas, au paradis perdu de ma pleureuse allée Où d’une voix voilée l’oiseau de l’enfance m’appelle, Où l’obscurcissement du matin d’été sent la neige. Mère, pourquoi m’avez-vous mis dans l’âme ce terrible, Cet insatiable amour de l’homme, oh ! dites, pourquoi Ne m’avez-vous pas enveloppé de poussière tendre Comme ces très vieux livres bruissants qui sentent le vent Et le soleil des souvenirs et pourquoi n’ai-je pas Vécu solitaire et sans désir sous vos plafonds bas, Les yeux vers la fenêtre irisée où le taon, l’ami Des jours d’enfance, sonne dans l’azur de la vieillesse ? Beaux jours ! limpides jours ! quand la colline était en fleur, Quand dans l’océan d’or de la chaleur les grandes orgues Des ruches en travail chantaient pour les dieux du sommeil, Quand le nuage au beau visage ténébreux versait La fraîche pitié de son cœur sur les blés haletants Et la pierre altérée et ma sœur la rose des ruines ! Où êtes-vous, beaux jours ? où êtes-vous, belle pleureuse, Tranquille allée ? aujourd’hui vos troncs creux me feraient peur Car le jeune Amour qui savait de si belles histoires S’est caché là, et Souvenir a attendu trente ans, Et personne n’a appelé : Amour s’est endormi. — Ô Maison, Maison ! pourquoi m’avez-vous laissé partir, Pourquoi n’avez-vous pas voulu me garder, pourquoi, Mère, Avez-vous permis, jadis, au vent menteur de l’automne, Au feu de la longue veillée, à ces magiciens, Ô vous qui connaissiez mon cœur, de me tenter ainsi Avec leurs contes fous, pleins d’une odeur de vieilles îles Et de voiliers perdus dans le grand bleu silencieux Du temps, et de rives du Sud où des vierges attendent ? Si sage vous saviez pourtant que les vrais voyageurs, Ceux qui cherchent la Baie du Sincère et l’Île des Harpes Et le Château Dormant ne reviennent jamais, jamais ! Mon cœur est tout seul dans la froide auberge et l’insomnie Debout dans le vieux rayon contemple mon vieux visage Et nul, nul avant moi n’avait compris de quelles morts Sourdes, irrémédiables sont faits ces jours de la vie !
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About the headline (FAQ)
Confirmed with Oscar Vladislas de Lubicz Milosz, Poèmes 1895-1927, Fourcade, 1929, pages 79-80.
Text Authorship:
- by Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz (1877 - 1939), "Insomnie", appears in Symphonies, no. 4, Paris, Éd. Figuière, first published 1915 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by André-François Marescotti (1902 - 1995), "Je dis : ma Mère", published 1965, lines 1-20 [ high voice and piano or orchestra ], from Insomnies, 3 pièces pour chant et piano sur un poème de O. V. de Milosz, no. 1, Éd. Jean Jobert [sung text not yet checked]
- by André-François Marescotti (1902 - 1995), "Mère, pourquoi m'avez-vous mis dans l'âme", published 1965, lines 21-39 [ high voice and piano or orchestra ], from Insomnies, 3 pièces pour chant et piano sur un poème de O. V. de Milosz, no. 2, Éd. Jean Jobert [sung text not yet checked]
- by André-François Marescotti (1902 - 1995), "Ô maison, maison", published 1965, lines 40-54 [ high voice and piano or orchestra ], from Insomnies, 3 pièces pour chant et piano sur un poème de O. V. de Milosz, no. 3, Éd. Jean Jobert [sung text not yet checked]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2021-10-23
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