Avez-vous vu le long du môle,
Où dorment les flots de la mer,
Une barquette à banderole
Qui lorsqu’au loin la brise vole
Gémit à son anneau de fer ?
Elle est à moi ! Sur sa couronne
On ne voit point de nom écrit,
Elle a pourtant une patronne
Quelque grand nom du Paradis !
Ah ! ce doux nom, moi seul au monde
Je le connais, je le connais !
Hormis le Ciel, la brise et l'onde,
Ah ! ce doux nom, personne au monde
Ne le saura jamais, jamais !

Avez-vous vu quelque dimanche,
Quand sur l'azur brille un beau soir,
Se glisser ma barquette blanche
Sous le grand vaisseau qui se penche
Pour la mieux voir, pour la mieux voir !
Ces beaux rubans, qui donc les noue
A ses avirons si coquets,
Et quelle main a sur sa proue
Jeté du Ciel tous ces bouquets ?
Ah ! cette main, moi seul au monde
Je la connais, je la connais !
Hormis le Ciel, la brise et l'onde,
Ah ! cette main, personne au monde
Ne le verra jamais, jamais !

N'entendez-vous pas à la brune,
Comme une voix qui bien souvent
Murmure un chant quand sur la dune
De son manteau la blanche lune 
Sème les perles et l'argent ?
Ô chant divin ! voix douce et tendre,
Le marinier qui part gaiment
Revient pensif et, pour l'entendre,
Laisse sa barque au gré du vent !
Ah ! cette voix, moi seul au monde
Je la connais, et je voudrais
Qu'hormis le Ciel, la brise et l'onde,
Ah ! cette voix, personne au monde
Ne l'entendit jamais, jamais !