L’eau, pour qui souffre, est une sœur de charité Que n’a pu satisfaire aucune joie humaine Et qui se cache, douce et le sourire amène, Sous une guimpe et sous un froc d’obscurité ; Son amour du repos, son dégoût de la vie Sont si contagieux que plus d’un l’a suivie Dans la chapelle d’ombre, au fond pieux des eaux, Où, tranquille, elle chante au pied des longs roseaux Dont l’orgue aux verts tuyaux l’accompagne en sourdine. Elle chante ! Elle dit : « Les doux abris que j’ai Pour ceux de qui le cœur est trop découragé... » Ah ! La molle attirance et quelle voix divine ! Car, pour leur fièvre, c’est la fraîcheur d’un bon lit ! Et beaucoup, aimantés par cet appel propice, Perclus, entrent dans l’eau comme on entre à l’hospice, Puis meurent. L’eau les lave et les ensevelit Dans ses courants aussi frais que de fines toiles ; Et c’est enfin vraiment pour eux la bonne mort. Ce pendant que, le soir, autour du corps qui dort, L’eau noire allume un grand catafalque d’étoiles.
Le Cœur de l'eau
by Jean Jules Aimable Roger-Ducasse (1873 - 1954)
1. Le cœur de l’eau  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Text Authorship:
- by Georges Rodenbach (1855 - 1898), no title, written 1891, appears in Le Règne du Silence, Poème, in 2. Le Cœur de l’eau, no. 11, Paris, Éd. Bibliothèque Charpentier, first published 1891
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Researcher for this page: Joost van der Linden [Guest Editor]2. Les pièces d’eau  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Les pièces d’eau, songeant dans les parcs taciturnes, Dans les grands parcs muets semés de boulingrins, S’aigrissent ; et n’ont plus pour tromper leurs chagrins Qu’un décalque de ciel avant les deuils nocturnes ; Une fête galante en nuages mirés, En nuages vêtus de satin soufre et rose Qui s’avancent noués de rubans et parés Pour quelque menuet ou quelque apothéose : Nuages du couchant en souples falbalas ; Atours bouffants, paniers sur des hanches aiguës, Tout se mire parmi les vasques exiguës ; Et le siècle défunt revit dans le cœur las, Dans le cœur las de l’eau qui soudain se colore Et croit revoir de belles dames sur ses bords Le cœur de l’eau des pièces d’eau se remémore, Lui qui songeait : « Ah ! Qu’il est loin le temps d’alors, Le joli temps des fins corsages à ramages ! » Or ce temps recommence et l’eau revoit encor Mais pour un court instant, l’ancien et cher décor, Souvenir qui repasse au hasard des nuages... Car c’est tout simplement cela, le souvenir : Un mirage éphémère-une pitié des choses Qui dans notre âme vide ont l’air de revenir ; Tel, dans les pièces d’eau, le ciel en robes roses !
Text Authorship:
- by Georges Rodenbach (1855 - 1898), written 1891?, appears in Le Règne du Silence, Poème, in 2. Le Cœur de l’eau, no. 10, Paris, Éd. Bibliothèque Charpentier, first published 1891
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