Il fera longtemps clair ce soir, les jours allongent, La rumeur du jour vif se disperse et s'enfuit, Et les arbres, surpris de ne pas voir la nuit, Demeurent éveillés dans le soir blanc, et songent... Les marronniers, dans l'air plein d'or et de splendeur, Répandent leurs parfums et semblent les étendre ; On n'ose pas marcher ni remuer l'air tendre De peur de déranger le sommeil des odeurs. De lointains roulements arrivent de la ville... La poussière, qu'un peu de brise soulevait, Quittant l'arbre mouvant et las qu'elle revêt, Redescend doucement sur les chemins tranquilles. Nous avons tous les jours l'habitude de voir Cette route si simple et si souvent suivie, Et pourtant quelque chose est changé dans la vie, Nous n'aurons plus jamais notre âme de ce soir.
Trois poèmes d'Anna de Noailles
Song Cycle by Jacques Guillaume de Sauville de la Presle (1888 - 1969)
1. Il fera longtemps clair ce soir
Language: French (Français)
Text Authorship:
- by Anna Elizabeth Mathieu, Comtesse de Noailles (1876 - 1933)
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Researcher for this page: Ferdinando Albeggiani2. L'empreinte  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Je m'appuierai si bien et si fort à la vie, D'une si rude étreinte et d'un tel serrement, Qu'avant que la douceur du jour me soit ravie Elle s'échauffera de mon enlacement. La mer, abondamment sur le monde étalée, Gardera, dans la route errante de son eau, Le goût de ma douleur qui est âcre et salée Et sur les jours mouvants roule comme un bateau. Je laisserai de moi dans le pli des collines La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir, Et la cigale assise aux branches de l'épine Fera vibrer le cri strident de mon désir. Dans les champs printaniers la verdure nouvelle, Et le gazon touffu sur le bord des fossés Sentiront palpiter et fuir comme des ailes Les ombres de mes mains qui les ont tant pressés. La nature qui fut ma joie et mon domaine Respirera dans l'air ma persistante ardeur, Et sur l'abattement de la tristesse humaine Je laisserai la forme unique de mon coeur...
Text Authorship:
- by Anna Elizabeth Mathieu, Comtesse de Noailles (1876 - 1933), "L'empreinte"
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Researcher for this page: Ferdinando Albeggiani3. Le pays  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Ma France, quand on a nourri son cœur latin Du lait de votre Gaule, Quand on a pris sa vie en vous comme le thym La fougère et le saule, Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux, L'odeur de vos feuillages, La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux, Dès l'aube de son âge. Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons Chaudes comme la laine, On a fixé son âme et bâti sa maison Au bord de votre Seine, Quand on n'a jamais vu se lever le soleil Ni la lune renaître Ailleurs que sur vos champs, que sur vos blés vermeils, Vos chênes et vos hêtres, Quand jaloux de goûter le vin de vos pressoirs, Vos fruits et vos châtaignes, On a bien médité dans la paix de vos soirs Les livres de Montaigne, Quand pendant vos étés luisants, où les lézards Sont verts comme des fèves. On a senti fleurir les chansons de Ronsard Au jardin de son rêve, Quand on a respiré les automnes sereins Où coulent vos résines, Quand on a senti vivre et pleurer dans son sein Le cœur de Jean Racine, Quand votre nom, miroir de toute vérité, Émeut comme un visage, Alors on a conclu avec votre beauté Un si fort mariage Que l'on ne sait plus bien, quand l'azur de votre œil Sur le monde flamboie, Si c'est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil Qu'on a le plus de joie...
Text Authorship:
- by Anna Elizabeth Mathieu, Comtesse de Noailles (1876 - 1933), "Le Pays", written 1901, appears in Le Cœur innombrable, Paris, Éd. Calmann-Lévy, first published 1901
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