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11O! que j'aime la solitude !Oh ! que j’aime la solitude !
22Que ces lieux sacrés à la nuit, Que ses lieux sacrés à la nuit,
33Eloignés du monde et du bruit, Éloignés du monde et du bruit,
44Plaisent à mon inquiétude!Plaisent à mon inquiétude !
55Mon Dieu! Que mes yeux sont contentsMon Dieu ! que mes yeux sont contents
66De voir ces bois qui se trouvèrentDe voir ces bois qui se trouvèrent
77A la nativité du temps,A la nativité du temps,
88Et que tous les Siècles révèrent, Et que tous les siècles révèrent,
99Etre encore aussi beaux et verts, Être encore aussi beaux et verts
1010Qu'aux premiers jours de l'Univers!Qu’aux premiers jours de l’univers !
1111
1212Un gai zéphyr les caresse Un gai zéphyre les caresse
1313D'un mouvement doux et flatteur. D’un mouvement douce et flatteur.
1414Rien que leur extrême hauteur Rien que leur extrême hauteur
1515Ne fait remarquer leur vieillesse.Ne fait remarquer leur vieillesse,
1616Jadis Pan et ses demi-dieux Jadis Pan et ses demi-dieux
1717Y vinrent chercher du refuge, Y vinrent chercher du refuge,
1818Quand Jupiter ouvrit les cieuxQuand Jupiter ouvrit les cieux
1919Pour nous envoyer le Déluge, Pour nous envoyer le déluge,
2020Et se sauvant sur leurs rameaux, Et se sauvent sur leurs rameaux,
2121A peine virent-ils les eaux. A peine virent-ils les eaux.
2222
2323Que sur cette épine fleurie,Que, sur cette épine fleurie,
2424Dont le printemps est amoureux, Dont le printemps est amoureux,
2525Philomèle au chant langoureux Philomèle au chant langoureux,
2626Entretient bien ma rêverie! Entretient bien ma rêverie !
2727Que je prends de plaisir à voir Que je prends de plaisir de voir
2828Ces monts pendants en précipices, Ces monts pendant en précipices,
2929Qui, pour les coups du désespoir Qui pour les coups du désespoir
3030Sont aux malheureux si propices,Sont aux malheureux si propices,
3131Quand la cruauté de leur sort,Quand la cruauté de leur sort
3232Les force à rechercher la mort!Les force à rechercher la mort.
3333
3434Que je trouve doux le ravage Que je trouve doux le ravage
3535De ces fiers torrents vagabonds,De ces fiers torrents vagabonds,
3636Qui se précipitent par bonds Qui se précipitent par bonds
3737Dans ce vallon frais et sauvage! Dans ce vallon vert et sauvage,
3838Puis glissant sous les arbrisseaux,Puis glissant sous les arbrisseaux,
3939Ainsi que des serpents sur l'herbe, Ainsi que des serpents sur l’herbe,
4040Se changent en plaisants ruisseaux,Se changent en plaisants ruisseaux,
4141Où quelque Naïade superbeOù quelque Naïade superbe
4242Règne comme en son lit natal, Règne comme en son lit natal,
4343Dessus un trône de cristal!Dessus un trône de crystal !
4444
4545Que j'aime ce marais paisible! Que j’aime ce marais paisible !
4646Il est tout bordé d'alisiers,Il est tout bordé d’aliziers,
4747D'aulnes, de saules et d'osiers, D’aulnes, de saules et d’oziers,
4848A qui le fer n'est point nuisible. A qui le fer n’est point nuisible.
4949Les Nymphes y cherchant le frais, Les nymphes, y cherchant le frais,
5050S'y viennent fournir de quenouilles, S’y viennent fournir de quenouilles,
5151De pipeaux, de joncs et de glais;De pipeaux, de joncs et de glais ;
5252Où l'on voit sauter les grenouilles, Où l’on voit sauter les grenouilles,
5353Qui de frayeur s'y vont cacher Qui de frayeur s’y vont cacher
5454Sitôt qu'on veut s'en approcher.Sitôt qu’on veut s’en approcher.
5555
5656Là, cent mille oiseaux aquatiques Là, cent mille oiseaux aquatiques
5757Vivent, sans craindre en leur repos, Vivent sans craindre, en leur repos,
5858Le giboyeur fin et dispos,Le giboyeur fin et dispos,
5959Avec ses mortelles pratiques, Avec ses mortelles pratiques.
6060L'un, tout joyeux d'un si beau jour,L’un, tout joyeux d’un si beau jour,
6161S'amuse à becqueter sa plume;S’amuse à becqueter sa plume ;
6262L'autre alentit le feu d'amourL’autre alentit le feu d’amour
6363Qui dans l'eau même se consume, Qui dans l’eau même se consume,
6464Et prennent tout innocemmentEt prennent tout innocemment
6565Leur plaisir en cet élément.Leur plaisir en cet élément.
6666
6767Jamais l'été, ni la froidure Jamais l’été ni la froidure
6868N'ont vu passer dessus cette eau N’ont vu passer dessus cette eau
6969Nulle charrette ni bateau,Nulle charrette ni bateau,
7070Depuis que l'un et l'autre dure;Depuis que l’un et l’autre dure ;
7171Jamais voyageur altéré Jamais voyageur altéré
7272N'y fit servir sa main de tasse;N’y fit servir sa main de tasse ;
7373Jamais chevreuil désespéré Jamais chevreuil désespéré
7474N'y finit sa vie à la chasse; N’y finit sa vie à la chasse ;
7575Et jamais le traître hameçon Et jamais le traître hameçon
7676N'en fit sortir aucun poisson.N’en fit sortir aucun poisson
7777
7878Que j'aime à voir la décadenceQue j’aime à voir la décadence
7979De ces vieux châteaux ruinés,De ces vieux châteaux ruinés,
8080Contre qui les ans mutinésContre qui les ans mutinés
8181Ont déployé leur insolence! Ont déployé leur insolence !
8282Les sorciers y font leur sabbat; Les sorciers y font leur sabbat ;
8383Les démons follets s'y retirent,Les démons follets s’y retirent,
8484Qui d'un malicieux ébat Qui d’un malicieux éat
8585Trompent nos sens et nous martyrent; Trompent nos sens et nous martyrent ;
8686Là se nichent en mille trous Là se nichent en mille trous
8787Les couleuvres et les hiboux.Les couleuvres et les hiboux.
8888
8989L'orfraie, avec ses cris funèbres, L’orfraie, avec ses cris funèbres,
9090Mortels augures des destins, Mortels augures des destins,
9191Fait rire et danser les lutinsFait rire et danser les lutins
9292Dans ces lieux remplis de ténèbres.Dans ces lieux remplis de ténèbres.
9393Sous un chevron de bois maudit Sous un chevron de bois maudit
9494Y branle le squelette horrible Y branle le squelette horrible
9595D'un pauvre amant qui se pendit D’un pauvre amant qui se pendit
9696Pour une bergère insensible, Pour une bergère insensible,
9797Qui d'un seul regard de pitié Qui d’un seul regard de pitié
9898Ne daigna voir son amitié.Ne daigna voir son amitié …
9999
100100Aussi le Ciel juge équitable, Tantôt, sortant de ces ruines,
101101Qui maintient les lois en vigueur, Je monte au haut de ce rocher,
102102Prononça contre sa rigueur Dont le sommet semble chercher
103103Une sentence épouvantable:En quel lieu se font les bruines ;
104104Autour de ces vieux ossementsPuis je descends tout à loisir
105105Son ombre, aux peines condamnée,Sous une falaise escarpée,
106106Lamente en longs gémissements D’où je regarde avec plaisir
107107Sa malheureuse destinée,L’onde qui l’a presque sapée,
108108Ayant pour croître son effroi Jusqu’au siège de Palémon
109109Toujours son crime devant soi.Fait d’éponges et de limon.
110110
111111Là, se trouvent sur quelques marbres Que c’est une chose agréable
112112Des devises du temps passé; D’être sur le bord de la mer,
113113Ici, l'âge a presque effacé Quand elle vient à se calmer
114114Des chiffres taillés sur les arbres; Après quelque orage effroyable,
115115Le plancher du lieu le plus haut Et que les chevelus Tritons,
116116Est tombé jusque dans la cave, Hauts, sur les vagues secouées,
117117Que la limace et le crapaud Frappent les airs d’étranges tons
118118Souillent de venin et de bave;Avec leurs trompes enrouées,
119119Le lierre y croît au foyer, Dont l’éclat rend respectueux
120120A l'ombrage d'un grand noyer.Les vents les plus impétueux !
121121
122122Là dessous s'étend une voûteTantôt l’onde, brouillant l’arène,
123123Si sombre en un certain endroit,Murmure et frémit de courroux,
124124Que, quand Phébus y descendrait,Se roulant dessus les cailloux
125125Je pense qu'il n'y verrait goutte;Qu’elle apporte et qu’elle rentraîne.
126126Le sommeil aux pesants sourcils,Tantôt elle étale en ses bords,
127127Enchanté d'un morne silence,Que l’ire de Neptune outrage,
128Y dort, bien loin de tous soucis,
129Dans les bras de la Nonchalance,
130Lâchement couché sur le dos
131Dessus des gerbes de pavots.
132
133Au creux de cette grotte fraîche
134Où l'Amour se pourrait geler,
135Écho ne cesse de brûler
136Pour son amant froid et revêche;
137Je m'y coule sans faire bruit,
138Et par la céleste harmonie
139D'un doux luth, aux charmes instruit,
140Je flatte sa triste manie,
141Faisant répéter mes accords
142A la voix qui lui sert de corps.
143
144Tantôt, sortant de ces ruines,
145Je monte au haut de ce rocher,
146Dont le sommet semble chercher
147En quel lieu se font les bruines;
148Puis je descends tout à loisir,
149Sous une falaise escarpée,
150D'où je regarde avec plaisir
151L'onde qui l'a presque sapée
152Jusqu'au siège de Palemon,
153Fait d'éponges et de limon.
154
155Que c'est une chose agréable
156D'être sur le bord de la mer,
157Quand elle vient à se calmer
158Après quelque orage effroyable!
159Et que les chevelus Tritons,
160Hauts, sur les vagues secouées,
161Frappent les airs d'étranges tons
162Avec leurs trompes enrouées,
163Dont l'éclat rend respectueux
164Les vents les plus impétueux.
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166Tantôt l'onde, brouillant l'arène,
167Murmure et frémit de courroux,
168Se roulant dessus les cailloux
169Qu'elle apporte et qu'elle r'entraîne.
170Tantôt, elle étale en ses bords,
171Que l'ire de Neptune outrage,
172128Des gens noyés, des monstres morts,Des gens noyés, des monstres morts,
173129Des vaisseaux brisés du naufrage, Des vaisseaux brisés du naufrage,
174130Des diamants, de l'ambre gris, Des diamants, de l’ambre gris
175131Et mille autres choses de prix. Et mille autres choses de prix.
176132
177133Tantôt, la plus claire du monde,Tantôt, la plus claire du monde,
178134Elle semble un miroir flottant,Elle semble un miroir flottant,
179135Et nous représente à l'instantEt nous représente l’instant
180136Encore d'autres cieux sous l'onde.Encore d’autres cieux sous l’onde.
181137Le soleil s'y fait si bien voir,Le soleil s’y fait si bien voir,
182138Y contemplant son beau visage,Y contemplant son beau visage,
183139Qu'on est quelque temps à savoirQu’on est quelque temps à savoir
184140Si c'est lui-même, ou son image,Si c’est lui-même, ou son image,
185141Et d'abord il semble à nos yeuxEt d’abord il semble à nos yeux
186142Qu'il s'est laissé tomber des cieux.Qu’il s’est laissé tomber des cieux.
143
144Bernières, pour qui je me vante
145De ne rien faire que de beau,
146Reçois ce fantasque tableau
147Fait d’une peinture vivante.
148Je ne cherche que les déserts,
149Où, rêvant tout seul, je m’amuse
150A des discours assez diserts
151De mon génie avec la muse ;
152Mais mon plus aimable entretien
153C’est le ressouvenir du tien.
154
155Tu vois dans cette poésie
156Pleine de licence et d’ardeur
157Les beaux rayons de la splendeur
158Qui m’éclaire la fantaisie:
159Tantôt chagrin, tantôt joyeux,
160Selon que la fureur m’enflamme
161Et que l’objet s’offre à mes yeux,
162Les propos me naissent en l’âme,
163Sans contraindre la liberté.
164Du démon qui m’a transporté.
165
166Oh ! que j’aime la solitude !
167C’est l’élément des bons esprits,
168C’est par elle que j’ai compris,
169L’art d’Apollon sans nulle étude ;
170Je l’aime pour l’amour de toi,
171Connaissant que ton humeur l’aime ;
172Mais, quand je pense bien à moi,
173Je la hais pour la raison même ;
174Car elle pourrait me ravir
175L’heur de te voir et te servir.

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