by Charles Dovalle (1807 - 1829)
La chasse invisible
Language: French (Français)
— « Loys, Loys, mon petit page, « Ce que j'entends, est-ce l'orage « Oui gronde en passant sur les bois ?... — « Me semble, dame châtelaine, « Que j'ouïs, là-bas, dans la plaine, « Un cor, des limiers et des voix. — « Un cor, lorsque la nuit est close ! « Des voix, quand tout dort à l'entour ! « Des limiers, quand le chien repose « En attendant le point du jour ! « Des voix, des limiers, une trompe, « Cela ne s'entend à minuit; « Beau Loys !... la frayeur vous trompe... « Pourtant... quel peut être ce bruit ?... « Dis-moi, dis-moi, mon petit page, « Ce que j'entends, est-ce l'orage « Oui gronde en passant sur les bois ?... — « Me semble, dame châtelaine, « Que j'ouïs, là-bas, dans la plaine, « Un cor, des limiers et des voix. — « Bel enfant, on dit que dans l'ombre « D'horribles fantômes en deuil, « Des larves, des esprits sans nombre, « En hurlant sortent du cercueil. « De sons confus ô quel mélange !... « Mon Dieu ! comme le ciel est noir !... » Et le bruit était plus étrange, Et la peur entrait au manoir. — « Loys, Loys, mon petit page, « Ce que j'entends, est-ce l'orage « Oui gronde en passant sur les bois ? — « Me semble, dame châtelaine, « Que j'ouïs, là-bas, dans la plaine, « Un cor, des limiers et des voix. » Et tout-à-coup une fanfare, De longs et rauques aboîmens, Un bruit de meute qui s'égare, Des ris, des pleurs, des hurlemens, Ainsi qu'une horrible tempête, Roulèrent au-dessus des cours Et firent trembler jusqu'au faîte Les donjons et les vieilles tours. — « Dis-moi, dis-moi, mon petit page, « Ce que j'entends, est-ce l'orage « Qui gronde en passant sur les bois ?... — « Me semble, dame châtelaine, « Que j'ouïs, là-bas, dans la plaine, « Un cor, des limiers et des voix. » Les chiens ont retrouvé la voie Du gibier qui fuit devant eux, Et, vers leur invisible proie, Se précipitent plus joyeux ; Et déjà leur rumeur lointaine Se perd en d'immenses déserts. Et ne trouble plus qu'incertaine Le calme renaissant des airs. — « Loys, Loys, mon petit page, « Ce que j'entends, est-ce l'orage « Oui gronde en passant sur les bois ? — « Me semble, dame châtelaine, « Que j'ouïs, là-bas, dans la plaine, « Un cor, des limiers et des voix. — « Pauvre Loys, ta voix tremblante « Arrive à peine jusqu'à moi : « J'ai peur !... Ma lampe vacillante « Ajoute encor à mon effroi. « Sais-tu que mon seigneur et maître « Au camp marche avec tous les preux ? « Si je t'ouvrais, Loys ?... peut-être « On a moins frayeur, étant deux. « Dis-moi, dis-moi, mon petit page, « Ce que j'entends, est-ce l'orage « Oui gronde en passant sur les bois ?. — « Me semble, dame châtelaine, « Que j'ouïs, là-bas, dans la plaine, « Un cor, des limiers et des voix. — « Allons donc, enfant, entrez vite, « Asseyez-vous près du foyer : « C'est moi, Loys, qui vous invite, « Pourquoi rougir et bégayer ?... « Là, bien, là !... sur cette escabelle, « Près de moi... Non, jamais ne vis « Aussi timide jouvencelle « Qu'est peureux ce pauvre Loys ! « Loys, Loys, mon petit page, « Ce que j'entends, est-ce l'orage « Oui gronde en passant sur les bois ?. — « Me semble, dame châtelaine, « Que j'ouïs, là-bas, dans la plaine, « Un cor, des limiers et des voix. » Et la fanfare plus bruyante Revient, roule sous les arceaux, Et soudain la meute aboyante Fait trembler le plomb des vitraux. — « Sainte Vierge ! le bruit redouble... « Que je voudrais être à demain !... « Je meurs !... la nuit, un rien me trouble. « Approche !... donne-moi ta main !... « Dis-moi, dis-moi, mon petit page, « Ce que que j'entends, est-ce l'orage « Qui gronde en passant sur les bois?,.. — « Me semble, dame châtelaine, « Que j'ouïs, là-bas, dans la plaine, « Un cor, des limiers et des voix. » La lampe est éteinte, et dans l'àtre S'efface un reste de clarté Que la cendre chaude et rougeâtre Sur le mur noir avait jeté. Puis, il se fait un grand silence ; Puis, la nuit achève son cours, Et puis enfin, le jour commence Et du castel blanchit les tours. — « Loys, Loys, mon petit page, « Ce que j'entends, est-ce l'orage « Qui gronde en passant sur les bois ?... — « Me semble, dame châtelaine, « Que j'ouïs, là-bas, dans la plaine, « Un cor, des limiers et des voix. » Lors, autour du foyer paisible, Les varlets, en propos divers, Parlaient du chasseur invisible Qui la nuit chasse dans les airs : — « C'est vrai !... » leur dit la noble dame ; Loys souriant à demi : — « C'est bien vrai, dit-il, sur mon âme.
A. Rousseau sets stanzas 1-3, 10-13, 18-19
Text Authorship:
- by Charles Dovalle (1807 - 1829), "La chasse invisible", subtitle: "Ballade", appears in Le Sylphe, Poésies de Feu, Paris, Éd. Ladvocat, first published 1830 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Amédée Louis Joseph Rousseau (1790 - 1853), as Amédée de Beauplan, "La chasse invisible ", stanzas 1-3,10-13,18-19 [ medium voice and piano ], in the journal Le Ménestrel, journal de musique, September 28, 1834 [sung text not yet checked]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
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