by Francis Jammes (1868 - 1938)
Ô grand vent qui soulèves la voile des...
Language: French (Français)
I Ô grand vent qui soulèves la voile des vaisseaux et les anémones à la lisière des forêts ; vent qui as soulevé l'âme du grand René, lorsqu'il criait des mots amers aux grandes eaux ; vent qui faisais trembler la case de Virginie, et qui désoles les cours d'Automne du Sacré-Cœur; vent qui viens me parler à ma petite table : je t'ai aimé toujours, que tu filtres le sable, ou que tu envoies la pluie de droite à gauche, en face. Berce-moi doucement. Sois pour mon pauvre cœur l'ami que tu étais lorsque j'étais enfant. Il y avait un grenier où j'allais souvent t'écouter siffler sous les portes et par les fentes. Et puis, je me mettais sur une caisse. De là, je regardais la neig-e bleue de la montagne. Mon cœur sautait. J'avais un petit tablier blanc. Pleurer, mon Dieu ? Je ne sais plus. J'avais quatre ans. Oh! La contrée natale... Qu'elle était transparente... Ô vent, veux-tu, me-dis, que gardien de chèvres, je donne ton baiser à ma flûte légère, assis comme un poète au milieu des fougères ? Veux- tu faire se pencher vers moi comme des roses toutes les bouches de toutes les jeunes filles ? Dans quel pays mènes-tu mon rêve?... Dans quel pays?.. Des mules sont passées dans la neige d'aurore qui portaient des vins noirs, du tabac et des filles. II Ô vent où se défont les Angelus légers, ainsi que les ponmmiers fleuris dans les vergers ; qui argentés et fais remuer la pelouse; qui fais sonner le pin et froisses l'arbousier; qui gonfles le nuage et le traînes. O vent, tu fais encore plus mcn âme solitaire quand je t'entends du fond de ma petite chambre. Quand j'ai pleuré ou ri, ta voix m'accompagnait. Lorsque je lis Jean-Jacques, c'est toi qui agites dans les vieilles gravures les cimes forestières. Je laisse aller mon âme. Je me dis : Je médite, quand ma pensée se meurt à t'écouter parler. C'est toi qui as conduit par l'océan verdâtre mon aïeul s'en allant aux Antilles en fleurs. Tu soufflais en tempête au sortir de la France. La pluie, les grêlons rebondissants venaient battre le hublot. Les cloisons craquaient. On avait peur. Mais quand on approcha des heureuses Antilles la voix sourde se lut et tu éclatas de rire en voyant, anxieuses, attendant sur le môle, ainsi que des mouettes, les cousines créoles, Oh ! Que je le revois, ce jour d'une autre vie. Mon Dieu, y étais-je, dites, je vous en prie ? Oui, je revois l'aïeul des cousines suivi, montant la grand'rue de Saint-Pierre-de-Martinique. Vent, tu avais soufflé dans les corolles vives des tabacs, et soulevais les douces mousselines qui étaient les calices légers des cousines. C'est pour ça, vent qui souffles, que tu es mon ami. Je sais ce que tu sais. Je t'aime comme un frère. Je souhaite ton bonheur d'errer dans les ormeaux. Je sais que tes milliers de cœurs sont les oiseaux. Je sais que je comprends le sens de tes paroles. Je sais que les baisers des cousines créoles sont passés avec toi aux roses du jardin, parmi la rosée rose et bleue de ce matin.
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Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), "Élégie douzième", written 1899, appears in Le Deuil des Primevères, in Élégies, no. 12 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Raymond Bonheur (1861 - 1939), "Élégie première", 1902 [ high voice and piano or orchestra ], Ed. Rouart, Lerolle (Salabert) [sung text not yet checked]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2014-08-31
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