by Victor Hugo (1802 - 1885)
Mais hélas ! juillet fait sa gerbe
Language: French (Français)
Mais hélas ! juillet fait sa gerbe ; L'été, lentement effacé, Tombe feuille à feuille dans l'herbe Et jour à jour dans le passé. Puis octobre perd sa dorure ; Et les bois dans les lointains bleus Couvrent de leur rousse fourrure L'épaule des coteaux frileux. L'hiver des nuages sans nombre Sort, et chasse l'été du ciel, Pareil au temps, ce faucheur sombre Qui suit le semeur éternel ! Le pauvre alors s'effraie te prie. L'hiver, hélas ! c'est Dieu qui dort ; C'est la faim livide et maigrie Qui tremble auprès du foyer mort ! Il croit voir une main de marbre Qui, mutilant le jour obscur, Retire tous les fruits de l'arbre Et tout les rayons d'azur. Il pleure, la nature est morte ! O rude hiver ! ô dure loi ! Soudain un ange ouvre sa porte Et dit en souriant : C'est moi ! Cet ange qui donne et tremble, C'est l'aumône aux yeux de douceur, Au front crédule, et qui ressemble A la foi dont elle est la sœur ! Je suis la Charité, l'amie Qui se réveille avant le jour, Quand la nature est rendormie, Et que dieu m'a dit : A ton tour ! "Je viens visiter ta chaumière Veuve de l'été si charmant ! Je suis fille de la prière. J'ai des mains qu'on ouvre aisément. "J'accours, car la saison est dure, j'accours, car l'indigent a froid" J'accours, car la tiède verdure Ne fait plus d'ombre sur le toit ! "je prie, et jamais je n'ordonne. Chère à tout homme quel qu'il soit, Je laisse la joie à qui donne Et je l'apporte à qui reçoit." O figure auguste et modeste, Où le Seigneur mêla pour nous Ce que l'ange a de plus céleste, Ce que la femme a de plus doux ! Au lit du vieillard solitaire Elle penche un front gracieux, et rien n'est plus beau sur la terre Et rien n'est plus grand sous les cieux, Lorsque, réchauffant leurs poitrines Entre ses genoux triomphants, Elle tient dans ses mains divines Les pieds nus des petits enfants ! Elle va dans chaque masure, Laissant au pauvre réjoui Le vin, le pain frais, l'huile pure, Et le courage épanoui ! Et le feu ! le beau feu folâtre, A la pourpre ardente pareil, Qui fait qu'amené devant l'âtre L'aveugle croit rire au soleil ! Puis elle cherche au coin des bornes, Transis par la froide vapeur, Ces enfants qu'on voit nus et mornes Et se mourant avec stupeur. Oh ! voilà surtout ceux qu'elle aime ! Faibles fronts dans l'ombre engloutis ! Parés d'un triple diadème, Innocents, pauvres et petits ! Ils sont meilleurs que nous ne sommes ! Elle leur donne en même temps, Avec le pain qu'il faut aux hommes, Le baiser qu'il faut aux enfants ! Tandis que leur faim secourue Mange ce pain de pleurs noyé, Elle étend sur eux dans la rue Son bras de passants coudoyé. Et si, le front dans la lumière, Un riche passe en ce moment, Par le bord de sa robe altière Elle le tire doucement ! Puis pour eux elle prie encore La grande foule au cœur étroit, La foule qui, dès qu'on l'implore, S'en va comme l'eau qui décroît ! "- Oh ! malheureux celui qui chante Un chant joyeux, peut-être impur, Pendant que la bise méchante Mord un pauvre enfant sous son mur ! Oh ! la chose triste et fatale, Lorsque chez le riche hautain Un grand feu tremble dans la salle, Reflété par un grand festin, De voir, quand l'orgie enrouée Dans la pourpre s'égaie et rit, A peine une toile trouée Sur les membres de Jésus-Christ ! Oh ! donnez-moi pour que je donne ! J'ai des oiseaux nus dans mon nid. Donnez, méchants, Dieu vous pardonne ! Donnez, ô bons, Dieu vous bénit ! Heureux ceux que mon zèle enflamme ! Qui donne au pauvres prête à Dieu. Le bien qu'on fait parfume l'âme ; On s'en souvient toujours un peu ! Le soir, au seuil de sa demeure, Heureux celui qui sait encor Ramasser un enfant qui pleure, Comme un avare un sequin d'or ! Le vrai trésor rempli de charmes, C'est un groupe pour vous priant D'enfants qu'on a trouvés en larmes Et qu'on a laissés souriant ! Les biens que je donne à qui m'aime, Jamais Dieu ne les retira. L'or que sur le pauvre je sème Pour le riche au ciel germera !"
E. Boulanger sets stanzas 8, 11, 27
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Text Authorship:
- by Victor Hugo (1802 - 1885), no title, appears in Les voix intérieures, in 5. Dieu est toujours la, no. 2 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Ernest Henri Alexandre Boulanger (1815 - 1900), "La Charité", published 1861, stanzas 8,11,27 [ medium voice and piano ], in Magasin des demoiselles [sung text not yet checked]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
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