by Jean-François-Victor Aicard (1848 - 1921)
Le forgeron
Language: French (Français)
À Abel de Valait Un forgeron forgeait une poutre de fer, Et les dieux, les esprits invisibles de l'air, Ces témoins inconnus des actions humaines, (Tandis qu'autour de lui, bruissant par centaines. Les ét'incelles d'or faisaient comme un soleil,) Les dieux voyaient son cœur, à la forge pareil, Palpiter, rayonnant, plein de bonnes pensées, Étincelles d'amour en tous sens élancées ! Or, tout en martelant le fer, de ses bras nus. Le brave homme songeait aux frères inconnus A qui son bon travail serait un jour utile... Et donc en martelant la poutre qui rutile, Il chantait le travail qui rend dure la main, Mais qui donne un seul cœur à tout le genre humain. Tout à coup, la chanson du forgeron s'arrête : « Ah ! dit-il tristement, en secouant la tête. Mon travail est perdu, la barre ne vaut rien: Une paille est dedans ; recommençons. C'est bien. » Car le bon ouvrier est scrupuleux et juste ; Il ne plaint pas l'effort de son torse robuste ; Il sait que ce qu'il doit c'est un travail bien fait, Qu'une petite cause a souvent grand effet, Que le mal sort du mal, le bien du bien, qu'en somme Un ouvrage mal fait peut entraîner mort d'homme. Les étincelles d'or faisaient comme un soleil ; Et de ce cœur vaillant, à la forge pareil, Étincelles d'amour en tous sens élancées, Jaillissaient le courage et les bonnes pensées. Et la poutre de fer, dont l'ouvrier répond, Sert un beau jour, plus tard, aux charpentes d'un pont Et sur le pont hardi qui fléchit et qui tremble, Voici qu'un régiment — six cents hommes ensemble — Passe, musique en tête, et le beau régiment Sent sous ses pieds le pont fléchir affreusement... Le pont fléchit, va rompre... et les six cents pensées Vont aux femmes, aux sœurs, aux belles fiancées, Et dans le cœur des gens qui voient cela des bords, La patrie a déjà pleuré les six cents morts ! Chante, chante dès l'heure où ta forge s'allume ! Frappe, bon ouvrier, gaîment, sur ton enclume : Le pont ne rompra pas, le pont n'a pas rompu ! Car le bon ouvrier a fait ce qu'il a pu, L'homme n'a jamais su, l'homme ne saura pas Combien d'hommes il a soutenus de ses bras Au-dessus du grand fleuve et de la mort certaine ! Et pas un seul soldat, et pas un capitaine Ne saura qu'il lui doit la vie et le retour Au village oii l'attend le baiser de l'amour. Nul ne dira: « Merci, brave homme », à l'homme juste Qui fit un travail fort avec son bras robuste... Mais peut-être qu'un jour, quand ses fils pleureront En rejetant le drap de son lit sur son front, Quand la mort lui dira le secret à l'oreille, Peut-être il entendra tout à coup, ô merveille ! Il verra les esprits invisibles de l'air Lui conter le destin de sa poutre de fer, Et lorsqu'on croisera ses pauvres mains glacées, Lui, vivant immortel dans ses bonnes pensées, Laissant sa vie à tous, en exemple, en conseil, Sentira rayonner son cœur comme un soleil !
Confirmed with La Poésie de Jean Aicard : Portrait Littéraire et Choix de Poèmes, Paris, Librairie A. Hatier, 1909, pages 196-198.
Text Authorship:
- by Jean-François-Victor Aicard (1848 - 1921), "Le forgeron" [author's text checked 1 time against a primary source]
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2015-04-17
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