by Pierre de Ronsard (1524 - 1585)
Ainsi que cette eau coule et s'enfuit...
Language: French (Français)
Le premier Ainsi que cette eau coule et s'enfuit parmi l'herbe, Ainsi puisse couler en cette eau le souci Que ma belle Maîtresse, à mon mal trop superbe, Engrave dans mon coeur sans en avoir merci. Le second Ainsi que dans cette eau de l'eau même je verse, Ainsi de veine en veine Amour, qui m'a blessé Et qui tout à la fois son carquois me renverse, Un breuvage amoureux dans le coeur m'a versé. Le premier Je voulais de ma peine éteindre la mémoire; Mais Amour, qui avait en la fontaine beu, Y laissa son brandon, si bien qu'au lieu de boire De l'eau pour l'étancher, je n'ai bu que du feu. Le second Tantôt cette fontaine est froide comme glace, Et tantôt elle jette une ardente liqueur; Deux contraires effets je sens, quand elle passe, Froide dedans ma bouche et chaude dans mon coeur. Le premier Vous qui rafraîchissez ces belles fleurs vermeilles, Petits frères ailés, Favones et Zéphyrs, Portez de ma Maîtresse aux ingrates oreilles, En volant parmi l'air, quelqu'un de mes soupirs. Le second Vous, enfants de l'Aurore, allez baiser ma Dame; Dites-lui que je meurs, contez-lui ma douleur, Et qu'Amour me transforme en un rocher sans âme, Non comme il fit Narcisse en une belle fleur. Le premier Grenouilles qui jasez quand l'an se renouvelle, Vous, Gressets qui servez aux charmes, comme on dit, Criez en autre part votre antique querelle; Ce lieu sacré vous soit à jamais interdit. Le second Philomèle en Avril ses plaintes y jargonne Et tes bords sans chansons ne se puissent trouver: L'Arondelle l'Eté, le Ramier en Automne, Le Pinson en tout temps, la Gadille en Hiver. Le premier Cesse tes pleurs. Hercule, et laisse ta Mysie! Tes pieds de trop courir sont jà faibles et las; Ici les Nymphes ont leur demeure choisie, Ici sont tes Amours, ici est ton Hylas. Le second Que ne suis-je ravi comme l'enfant Argive! Pour revancher ma mort, je ne voudrais sinon Que le bord, le gravois, les herbes et la rive Fussent toujours nommés d'Hélène et de mon nom. Le premier Dryades, qui vivez sous les écorces saintes, Venez, et témoignez combien de fois le jour Ai-je troublé vos bois par le cri de mes plaintes, N'ayant autre plaisir qu'à soupirer d'Amour. Le second Echo, fille de l'Air, hôtesse solitaire Des rochers, où souvent tu me vois retirer, Dis quantes fois le jour, lamentant ma misère, T'ai-je fait soupirer en m'oyant soupirer. Le premier Ni cannes ni roseaux ne bordent ton rivage, Mais le gai Poliot, des bergères ami. Toujours au chaud du jour le Dieu de ce bocage, Appuyé sur sa flûte, y puisse être endormi. Le second Fontaine, à tout jamais ta source soit pavée, Non de menus gravois, de mousses ni d'herbis, Mais bien de mainte Perle à bouillons enlevée, De Diamants, Saphyrs, Turquoises et Rubis. Le premier Le Pasteur en tes eaux nulle branche ne jette, Le Bouc de son ergot ne te puisse fouler; Ains comme un beau Cristal, toujours tranquille et nette, Puisses-tu parles fleurs éternelle couler. Le second Les Nymphes de ces eaux et les Hamadryades, Que l'amoureux Satyre entre les bois poursuit, Se tenant main à main, de sauts et de gambades Aux rayons du Croissant y dansent toute nuit. Le premier Si j'étais un grand Prince, un superbe édifice Je voudrais te bâtir, où je ferais fumer Tous les ans à ta fête autels et sacrifice, Te nommant pour jamais la Fontaine d'aimer. Le second Il ne faut plus aller en la forêt d'Ardenne Chercher l'eau, dont Renaud était tant désireux. Celui qui boit à jeun trois fois cette fontaine, Soit passant ou voisin, il devient amoureux. Le premier Lune, qui as ta robe en rayons étoilée, Garde cette fontaine aux jours les plus ardents, Défends-la pour jamais de chaud et de gelée, Remplis-la de rosée, et te mire dedans. Le second A dvienne, après mille ans, qu'un Pastoureau dégoise Mes amours, et qu'il conte aux Nymphes d'ici près Qu'un Vendômois mourut pour une Saintongeoise, Et qu'encor son esprit erre entre ces forêts. Le tiers Garçons, ne chantez plus. Jà Vesper nous commande De serrer nos troupeaux; les Loups sont jà dehors. Demain à la fraîcheur avec une autre bande Nous reviendrons danser à l'entour de tes bords. Fontaine, cependant de cette tasse pleine Reçois ce vin sacré que je verse dans toi; Sois dite pour jamais la Fontaine d'Hélène, Et conserve en tes eaux mes amours et ma foi.
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Beneath the title is written: "Pour chanter ou réciter à trois personnes" (To be sung or recited by three people).Text Authorship:
- by Pierre de Ronsard (1524 - 1585), "Stances de la Fontaine d'Hélène" [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Monique Gabus (1924 - 2012), "Stances à la Fontaine d'Hélène", 1963, published 1984 [medium voice and piano], Éd. Henry Lemoine [ sung text not verified ]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2017-02-09
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