by Robert de Bonnières (1850 - 1905)
La tentation de Saint Martin
Language: French (Français)
Notre bon évêque de Tours Était alors le Saint de France, Sur qui Satan de préférence Essayait ses plus méchants tours. Il fit mieux que les fois dernières Ce soir-là, Chrétiens, car il prit La figure de Jésus-Christ Et ce qu'il put de ses manières. Il s'était mis royalement : Pourpre d'or brodée et fleurie, Diadème d'orfèvrerie Avec un gros, gros diamant. Presqu'aussi gros qu'un œuf d'autruche, Mais dont l'éclat, en vérité, N'éclaira que la pauvreté Du Saint, son petit lit, sa cruche. A ce jeu dédamné pourtant, Comme le Saint fermait la bouche Et ne bougeait plus qu'une souche, Le trompeur n'était pas content : « Pourquoi gardes-tu le silence, N'est-ce pas ton Dieu que tu vois ? » Dit-il, adoucissant la voix Et comptant sur la ressemblance. « Allons, adore ton Sauveur, Rends lui grâce, au lieu de te taire, De ce qu'en passant sur la terre Il t'accorde cette faveur. » Avant d'en faire un peu de cendre, Comme il fit, d'un signe de croix, Le Saint dit : « Insensé qui crois Qu'ainsi je vais m'y laisser prendre ! Est-ce que, même dans les cieux, Notre Seigneur a ces dorures Et toutes ces fausses parures Que tu fais reluire à mes yeux ? Non, ce n'est point dans cette mise Que mon Dieu se fût présenté, Mais le coup de lance au côté, Et comme un pauvre sans chemise. » Et le changeant, comme j'ai dit, En un petit tas de poussière, D'un pan de sa robe grossière Le Saint balaya le Maudit. Rusé comme il est, l'on devine Que Satan, dès le lendemain, Se trouva nu, sur le chemin, Avec la blessure divine. Que fit le Saint ? Bien mieux que nous, Il s'aperçut de l'imposture ; Mais, pour soutenir l'aventure, Il prit Satan sur ses genoux, Et prodiguant au misérable Tous les soins que vous auriez eus Pour le corps même de Jésus, Il baisa la plaie adorable ! Ce que voyant du Paradis, Les Saints se voilèrent la face : « Et que vouliez-vous donc qu'il fasse ? » Dit Jésus aux Saints interdits, « Sachez que pour celui qui m'aime Et qui veut me demeurer cher, Toute chair qui saigne est ma chair, Fût-ce celle du diable même. »
Text Authorship:
- by Robert de Bonnières (1850 - 1905), "La tentation de Saint Martin", first published 1889 [author's text not yet checked against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Xavier Perreau (1856 - 1939), "La tentation de Saint Martin", subtitle: "Comment par deux fois, afin de se faire adorer, le Diable apparut à Saint Marin, sous la figure de Jésus-Christ", published 1894 [ baritone and piano ], from Cinq mélodies avec accompagnement de piano, no. 3, Paris, Éd. Librairie de l'Art indépendant [sung text checked 1 time]
Researcher for this page: Johann Winkler
This text was added to the website: 2020-09-11
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