by Jean Richepin (1849 - 1926)
Le Secret
Language: French (Français)
Bonne aïeule douloureuse Qui souris dans les sanglots, Toujours ta face se creuse De rides qui sont tes flots. Dans ton giron de nourrice Tout chagrin meurt envolé ; Mais toi, la consolatrice, Ton cœur reste inconsolé. Quel est ton secret, grand’mère ? Fais-nous enfin cet aveu. La peine la plus amère, Dite, se soulage un peu. Toi qui tends si bien l’oreille À nos désespoirs geignant, Nous te rendrons la pareille, Pauvre chère, en te plaignant. Pourquoi pleurer toujours seule, Sans te confier à nous ? Ouvre ton âme d’aïeule. Nous y lirons à genoux. Caressant d’une main tendre Tes cheveux de goëmons, Nous saurons te faire entendre Des mots doux, nous qui t’aimons. Quelle que soit ta chimère, J’ai de ces mots triomphants Faits pour ton cœur de grand’mère. Étant ton petit enfant. Parle donc, consolatrice. Qu’on te console à ton tour, Qu’on apaise et qu’on guérisse Ta douleur par notre amour. Mais non, non, fous que nous sommes ! Jamais rien tu ne diras. Depuis le temps que les hommes Se font bercer dans tes bras, Qu’il soit savant ou poëte, Nul ne connaît ton tourment. Pourtant tu n’es pas muette. Tu parles même en dormant. Tu parles au roc, au sable. À n’importe qui, toujours, Et ton conte intarissable Tu le contes même aux sourds Tu le contes à l’espace, Vide et désert cependant. Le moindre souffle qui passe, Tu le prends pour confident. Mais tes lèvres si bavardes Parlent de tout, excepté Du grand secret que tu gardes Malgré ta loquacité. Garde-le donc, cachottière, Sous tes flux et tes reflux, Comme dans un cimetière D’où les morts ne sortent plus. Garde ce mot de ton être ; Et que les faibles esprits T’adorent sans te connaître Comme un mystère incompris ! Garde-le ! C’est bien. Mais sache Que nous, les mauvais garçons, À voir comment il se cache C’est du mal que nous pensons. Pardonne, ô mer vénérable ! Mais parfois il nous paraît. Devant cet impénétrable Et sempiternel secret, Qu’en somme tout le mystère Tient peut-être en ce seul point : Que tu sais si bien le taire Parce qu’il n’existe point. Nous disons que de notre âme C’est nous qui t’ensemençons, Que tes bruits sont une trame Canevas de nos chansons, Que ton aspect de nourrice Au giron tendre et berceur. C’est notre verve inventrice Qui t’en donne la douceur, Que ta longue cantilène Et tes soupirs musicaux Te viennent de notre haleine Qui se brise à tes échos, Que ta tristesse et ses charmes, C’est nos chagrins exhalés, Que peut-être c’est nos larmes Qui rendent tes flots salés. Que ta gloire est un mensonge De nos hymnes louangeurs, Et que ta vie est un songe Dont nous sommes les songeurs ; Car ta voix sans interprète N’est que du son, et tes vœux N’ont que le sens qu’on leur prète, Et pas celui que tu veux, Et ton eau toujours en fuite Ne prononce dans son cours Que des paroles sans suite Dont l’homme fait un discours.
D. Dihau sets stanzas 1-3, 6-8, 17
Confirmed with Jean Richepin, La Mer, Paris, G. Charpentier et E. Fasquelle, 1894, pages 262-266.
Text Authorship:
- by Jean Richepin (1849 - 1926), "Le Secret", written 1886, appears in La Mer, in 7. Les Grandes Chansons, no. 3, Paris, Éd. Maurice Dreyfous, first published 1886 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Désiré Hippolyte Dihau (1833 - 1909), "Le Secret", published [1886], stanzas 1-3,6-8,17 [ medium voice and piano ], Paris, Éd. Bathlot et Héraud [sung text not yet checked]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2021-11-10
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