by Émile Souvestre (1806 - 1854)
La Nacelle
Language: French (Français)
Vogue, vogue, barque légère ; Tout dort, l'air est tranquille et pur ; Emporte-moi loin de la terre, Berce-moi sous des cieux d'azur. Déjà le bruit confus expire Au sein des lointaines vapeurs, Et du brouillard qui se retire La lune sort comme un sourire A travers un voile de pleurs. La barque repose, et ma tête Se penche sur le flot qui dort ; Sous ma rame une fleur s'arrête... Faible débris que la tempête Comme moi lança loin du bord. Peut-être une amante pensive Hier s'assit au bord des mers, Et, d'une main inattentive L'arrachant à sa douce rive, Livra sa tige aux flots amers ; Ou bien peut-être qu'au rivage Un jeune voyageur assis, Dans l'ennui de son long voyage, L'effeuilla sur le roc sauvage En rêvant à son doux pays. Ainsi quelque main ennemie Détruit chaque fleur tour à tour, Et sur la terre notre vie Tour à tour se trouve flétrie Par l'indifférence ou l'amour ! Vogue, vogue, barque légère ; Tout dort, l'air est tranquille et pur ; Emporte-moi loin de la terre, Berce-moi sous des cieux d'azur. Ah ! si, couché dans ma nacelle, Respirant son souffle adoré Et bercé sur son cœur fidèle, Je pouvais toucher avec elle A quelque rivage ignoré ! Si, loin d'un vulgaire en délire Trouvant un facile bonheur, J'avais un vallon pour empire, Des fruits, des baisers, son sourire, Un chaume rustique et son coeur ! Si mes jours alors pleins de charmes, Partagés entre elle et mon Dieu, Trouvaient des voluptés sans larmes, Des espérances sans alarmes, Des réunions sans adieu ! Alors, ô nacelle rapide, Tu t'arrêterais sans effort, Et, repliant ta voile humide, Désormais inactive et vide, Tu flotterais plus près du bord !... Mais maintenant, barque légère, Vogue, l'air est tranquille et pur ; Emporte-moi loin de la terre, Berce-moi sous des cieux d'azur. Le matin blanchit le nuage, La lune fuit en pâlissant, Retournons, ô barque volage, Retournons : là-bas, au rivage, Un jour de douleur nous attend. Sur cette grève qui soupire Le flot vient briser sa fureur, Et son murmure semble dire Que là recommence l'empire Du tumulte et de la douleur ! Vogue encore, ô barque légère ; Tout dort, l'air est tranquille et pur ; Quelques instants, loin de la terre, Berce-moi sous des cieux d'azur.
A. Gédalge sets stanzas 2, 8, 10, 13
Confirmed with La Lune de Miel par Émile Souvestre, Paris, Michel Lévy Frères, 1861, pages 115-119. The poem is preceded by the following epigram, a quote by Planard: "Et vogue ma nacelle".
Text Authorship:
- by Émile Souvestre (1806 - 1854), "La Nacelle", appears in La lune de miel [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by André Gédalge (1856 - 1926), "La Nacelle", subtitle: "Barcarolle", 1884, stanzas 2,8,10,13 [ medium voice and piano ] [sung text not yet checked]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2022-11-26
Line count: 71
Word count: 371