Pas de musique de janissaires !
Silence à Vous, lourdes cadences !
Silence, au diable, violoneux !

Les tcherkesses, les tcherkesses,
Ne faites entrer qu'elles !
Elles danseront sur leurs tendres petits pieds
sur la musique lente
de guitares exotiques.
Notes bourdonnantes, roucoulantes, caressantes,
Notes souriantes, reposantes, murmurantes,
douceurs sensuelles :
Fandango !

Lueur de rouge cramoisi sur la danse gracile,
longs voiles luisants pareils au passage de nuées argentées,
bras courbés s'enlaçant avec tant de souplesse
dans la danse !
Une petite oreille rouge, un petit doigt blanc,
et des pieds qui sans bruit, prompts comme l'éclair trottinent
sous des cheveux de soie noire de zibeline.
Et le cliquetis des bijoux et des pierreries.
Et les joues. Et les yeux.
Fandango !

Zerlina, mon hirondelle, ta gorge est si douce,
tes yeux sont si noirs,
mais tes yeux sont mouillés, Zerlina.

Zerlina, mon hirondelle, ta lèvre est rouge,
ton menton est si rond,
mais ta joue est si blême, Zerlina.

Zerlina, mon hirondelle, ta peau est si suave
ta bouche est si fraîche.
Mais -- pourquoi ta bouche tremble-t-elle, Zerlina ?

« Hélas, seigneur, l'automne approche,
et les roses de Perse fanent.
Et la rosée pleure sur la bouche des œillets
et la feuille se flétrit, ô seigneur. »

Zerlina, mon hirondelle, merci pour ta danse
et tes paroles. Maintenant laisse moi seul.

Se faner. Se faner,
se faner, se faner,
le monde se fane, et les roses, et les femmes,
mon corps et chaque nerf vibrant
se fanent !

Et le temps se glisse lentement près de moi,
et les heures vont creuser ma tombe.
Je n'ose pas penser, je n'ose pas vivre.
Je n'ose pas mourir !

Et dans le calme profond de la nuit de ces morts,
sans  fin s'écoule comme un chant de pluvier :

Se faner, se faner,
Se fa...
Musique, musique, musique de janissaires,
le grand tambour chinois !