La maison serait pleine de roses et de guêpes. On y entendrait, l'après-midi, sonner les vêpres ; et les raisins couleurs de pierre transparente sembleraient dormir au soleil sous l'ombre lente. Comme je t'y aimerais ! Je te donne tout mon cœur qui a vingt-quatre ans, et mon esprit moqueur, mon orgueil et ma poésie de roses blanches ; et pourtant je ne te connais pas, tu n'existes pas. Je sais seulement que, si tu étais vivante, et si tu étais comme moi au fond de la prairie, nous nous baiserions en riant sous les abeilles blondes, près du ruisseau frais, sous les feuilles profondes. On n'entendrait que la chaleur du soleil. Tu aurais l'ombre des noisetiers sur ton oreille, puis nous mêlerions nos bouches, cessant de rire, pour dire notre amour que l'on ne peut pas dire ; et je trouverais, sur le rouge de tes lèvres, le goût des raisins blonds, des roses rouges et des guêpes.
Huit Poésies de Francis Jammes
Song Cycle by Raymond Bonheur (1861 - 1939)
1. La maison serait pleine de roses  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), no title, written 1888-1897, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]2. Le paysan  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Le paysan, le soir, vient de la foire et toutes ses brebis marchent avec lui le long des routes. Il y a des veaux qui ne veulent pas marcher et il est obligé, pour les faire avancer, de les tirer par le cou avec une corde. Mais les veaux aux museaux blancs et morveux la mordent. Les brebis se mettent à courir fort parfois et le chien de l'homme, qui a l'air d'être en bois, qui est jaune, les poursuit, aboie en arrière, et sur la route cela fait de la poussière. Il y a la haie après la route — et les champs après la haie et après des prés — on entend le gave de là; plus loin les coteaux paraissent avec de grands carrés verts, jaunes, roux. Où cessent les coteaux, par-dessus eux, mais bien plus loin, des montagnes, puis, après elles, l'air sans fin.
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), written 1888, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]3. Le village à midi  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Le village à midi. La mouche d'or bourdonne entre les cornes des bœufs. Nous irons, si tu le veux, si tu le veux, dans la campagne monotone. Entends le coq... Entends la cloche... Entends le paon... Entends là-bas, là-bas, l'âne... L'hirondelle noire plane. Les peupliers au loin s'en vont comme un ruban. Le puits rongé de mousse ! Écoute sa poulie qui grince, qui grince encor, car la fille aux cheveux d'or tient le vieux seau tout noir d'où l'argent tombe en pluie. La fillette s'en va d'un pas qui fait pencher sur sa tête d'or la cruche, sa tête comme une ruche, qui se mêle au soleil sous les fleurs du pêcher. Et dans le bourg voici que les toits noircis lancent au ciel bleu des flocons bleus ; et les arbres paresseux à l'horizon qui vibre à peine se balancent.
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), written 1891, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]4. J’allai à Lourdes  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
J’allai à Lourdes par le chemin de fer, le long du gave qui est bleu comme l’air. Au soleil les montagnes semblaient d’étain. Et l’on chantait : sauvez ! sauvez ! dans le train. Il y avait un monde fou, exalté, plein de poussière et du soleil d’été. Des malheureux avec le ventre en avant étendaient leurs bras, priaient en les tordant. Et dans une chaire, où était du drap bleu, Un prêtre disait : « un chapelet à Dieu ! » Et un groupe de femmes, parfois passait, qui chantait : sauvez ! sauvez ! sauvez ! sauvez ! Et la procession chantait. Les drapeaux se penchaient avec leur devises en or. Le soleil était blanc sur les escaliers. dans l’air bleu, sur les clochers déchiquetés. Mais sur un brancard, portée par ses parents, son pauvre père tête nue et priant, et ses frères qui disaient : « ainsi soit-il », une jeune fille sur le point de mourir. Oh ! qu’elle était belle ! elle avait dix-huit ans, et elle souriait ; elle était en blanc. Et la procession chantait. Les drapeaux se penchaient avec leurs devises en or. Moi je serrais les dents pour ne pas pleurer, et cette fille, je me sentais l’aimer. Oh ! elle m’a regardé un grand moment, une rose blanche en main, souriant. Mais maintenant où es-tu ? dis, où es-tu ? Es-tu morte ? je t’aime, toi qui m’as vu. Si tu existes, Dieu, ne la tue pas : elle avait des mains blanches, de minces bras. Dieu, ne la tue pas ! — et ne serait-ce que pour son père nu-tête qui priait Dieu.
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), written 1888, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]5. La vallée  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
La vallée d’Alméria. La vallée d’Alméria doit être une vallée en tubéreuse aux eaux d’argent et aux montagnes claires et bleues et aux torrents pleins de fleurs claires, de grenadiers rouges et luisants. La vallée d’Alméria. La vallée d’Alméria doit être une vallée où est un château clair, des histoires d’amour pleines de seringas, de jardins en sommeil et de belladones. La vallée d’Alméria. La vallée d’Alméria est comme une guitare aux fleurs des citronniers. Les duègnes surveillaient mal et les cavaliers engrossaient les belles jeunes filles sous les ombrages noirs. La vallée d’Alméria. La vallée d’Alméria, c’est un rêve clair comme le silence des vallées. Vers les hôtelleries elles s'en sont allées, celles qu’un muletier descendit dans ses bras.
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), written 1888, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]6. Avec les pistolets  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Avec les pistolets aux fontes, il monte, il monte, il monte, il monte, monte la côte de la route, le soir, dans la campagne rousse. Chapeau tricorne : il est marquis; relevés sont ses pans d'habit. Du tricorne une roide tresse tombe et en avant il se baisse. Il est rasé, rasé, rasé, a les yeux bleus, un rouge nez. Et il arrive près d'un bois : il écoute, écoute des voix. Les maisons sont loin, dans du bleu, sur le coteau rayé de feu. « Bourse ou vie! » quelqu'un a crié... Il se dresse sur ses étriers. Et ses mains garnies de dentelles fouillent les fontes de sa selle. Et il prend les lourds pistolets aux canons de cuivre ouvragés. Et à deux mains, à droite, à gauche, il tire, roide comme roche. Le pistolet pète et crache un tas de feu avec un grand fracas. Et il continue et il monte avec sa queue derrière le cou, avec ses pistolets aux fontes, le chemin qui mène à Ramous.
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), "Avec les pistolets", written 1888, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]7. C’est aujourd’hui  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
C'est aujourd'hui la fête de Virginie Tu étais nue sous ta robe de mousseline, Tu mangeais de gros fruits au goût de Mozambique Et la mer salée couvrait les crabes creux et gris Ta chair était pareille à celle des cocos Les marchands te portaient des pagnes couleur d'air Et des mouchoirs de tête à carreaux jaune clair. La Bourdonnais signait des papiers d'amiraux. Tu es morte et tu vis O ma petite amie, Amie de Bernardin, ce vieux sculpteur de cannes Et tu mourus en robe blanche, Une médaille à ton cou pur Dans la Passe de l'Agonie.
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), no title, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]8. Quand verrai‑je les îles  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Quand verrai-je les îles où furent des parents? Le soir, devant la porte et devant l'océan on fumait des cigares en habit bleu barbeau. Une guitare de nègre ronflait, et l'eau de pluie dormait dans les cuves de la cour. L'océan était comme des bouquets en tulle et le soir triste comme l'été et une flûte. On fumait des cigares noirs et leurs points rouges s'allumaient comme ces oiseaux aux nids de mousse dont parlent certains poètes de grand talent. Ô Père de mon Père, tu étais là, devant mon âme qui n'était pas née, et sous le vent les avisos glissaient dans la nuit coloniale. Quand tu pensais en fumant ton cigare, et qu'un nègre jouait d'une triste guitare, mon âme qui n'était pas née existait-elle? Était-elle la guitare ou l'aile de l'aviso? Était-elle le mouvement d'une tête d'oiseau caché lors au fond des plantations, ou le vol d'un insecte lourd dans la maison?
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), no title, written 1895, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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