Elle avait de beaux cheveux, blonds Comme une moisson d'août, si longs Qu'ils lui tombaient jusqu'aux talons. Elle avait une voix étrange, Musicale, de fée ou d'ange, Des yeux verts sous leur noire frange. Lui, ne craignait pas de rival, Quand il traversait mont ou val, En l'emportant sur son cheval. Car, pour tous ceux de la contrée, Altière elle s'était montrée, Jusqu'au jour où il l'eut rencontrée. L'amour la prit si fort au cœur, Que pour un sourire moqueur, Il lui vint un mal de langueur. Et dans ses dernières caresses: Fais un archet avec mes tresses, Pour charmer tes autres maîtresses. Puis, dans un long baiser nerveux, Elle mourut. Suivant ses vœux, Il fit l'archet de ses cheveux. Comme un aveugle qui marmonne, Sur un violon de Crémone Il jouait, demandant l'aumône. Tous avaient d'enivrants frissons A l'écouter. Car dans ses sons Vivaient la morte et ses chansons. Le roi, charmé, fit sa fortune. Lui, sut plaire à la reine brune Et l'enlever au clair de lune. Mais chaque fois qu'il y touchait Pour plaire à la reine, l'archet Tristement le lui reprochait. Au son du funèbre langage, Ils moururent à mi-voyage. Et la morte reprit son gage. Elle reprit ses cheveux blonds Comme une moisson d'août, si longs Qu'ils lui tombaient jusqu'aux talons.
Chansons perpétuelles de Charles Cros
Song Cycle by Henri-Paul Büsser (1872 - 1973)
1. L'archet  [sung text not yet checked]
Text Authorship:
- by Charles Cros (1842 - 1888), "L'archet", appears in Le Coffret de Santal, in Chansons perpétuelles, no. 11, Paris, Éd. Alphonse Lemerre
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Peter Low) , "The Violin Bow", copyright © 2022, (re)printed on this website with kind permission
First published in the revue La Parodie (September, 1869), with music by Ernest Cabaner.
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2. Roses et muguets  [sung text not yet checked]
Subtitle: Ronde
Dans le vallon qu'arrose L'eau courante, j'allais Un jour cueillir la rose, La rose et les muguets. Mon amoureux qui n'ose Rien me dire, y passait ; Moi je cueillais la rose, La rose et le muguet. « Oh vilain ! oh morose ! » Au nez je lui riais, Tout en cueillant la rose, La rose et les muguets. Sur l'herbe je me pose En jetant mon bouquet, Mon beau bouquet de rose, De rose et de muguet. « Dis-moi donc quelque chose ! Les oiseaux sont plus gais Gazouillant à la rose, Becquetant les muguets. N'aye pas peur qu'on glose. Le lézard fait le guet Couché sur une rose, Caché dans le muguet. » Mais sur ma bouche close Son baiser me narguait. « Tes lèvres sont de rose Et tes dents de muguet. » Le méchant ! Il est cause (Moi qui tant me moquais !) Que dans l'eau court ma rose, Ma rose et mes muguets.
Text Authorship:
- by Charles Cros (1842 - 1888), "Roses et muguets", subtitle: "Ronde", appears in Le Coffret de Santal, in Chansons perpétuelles, no. 6
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First published 1873.
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3. L'Orgue  [sung text not yet checked]
Sous un roi d'Allemagne, ancien, Est mort Gottlieb le musicien. On l'a cloué sous les planches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Il est mort pour avoir aimé La petite Rose-de-Mai. Les filles ne sont pas franches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Elle s'est mariée, un jour, Avec un autre, sans amour. "Repassez les robes blanches!" Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Quand à l'église ils sont venus, Gottlieb à l'orgue n'était plus, Comme les autres dimanches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Car depuis lors, à minuit noir, Dans la forêt on peut le voir À l'époque des pervenches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Son orgue a les pins pour tuyaux. Il fait peur aux petits oiseaux. Morts d'amour ont leurs revanches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches.
Text Authorship:
- by Charles Cros (1842 - 1888), "L'Orgue", written 1869?, appears in Le Coffret de Santal, in Chansons perpétuelles, no. 3, first published 1869
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First appeared in the revue La Parodie, September 1, 1869, with music by Armand Gouzien.
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4. Ronde flamande  [sung text not yet checked]
Si j'étais roi de la forêt,
Je mettrais une couronne
Toute d'or ; en velours bleuet
J'aurais un trône,
En velours bleu, garni d'argent
Comme un livre de prière,
J'aurais un verre en diamant
Rempli de bière,
Rempli de bière ou de vin blanc.
Je dormirais sur des roses.
Dire qu'un roi peut avoir tant
De belles choses.
Dire qu'un roi prend quand il veut
La plus belle fille au monde
Dont les yeux sont du plus beau bleu.
Et la plus blonde,
Avec des tresses comme en a
Jusqu'aux genoux, Marguerite.
Si j'étais roi, c'est celle-là
Que j'aurais vite.
J'irais la prendre à son jardin,
Sur l'eau, dans ma barque noire.
Mât de nacre et voile en satin.
Rames d'ivoire.
Satin blanc, nacre et câbles d'or...
Des flûtes, des mandolines
Pour bercer la belle qui dort
Sur des hermines !
Hermine, agrès d'or et d'argent.
Doux concert, barque d'ébène,
Couronne et verre en diamant...
J'en suis en peine.
Si j'étais roi de la forêt,
Je mettrais une couronne
Toute d'or ; en velours bleuet
J'aurais un trône,
[ ... ]
Text Authorship:
- by Charles Cros (1842 - 1888), "Ronde flamande", written 1873, appears in Le Coffret de Santal, in Chansons perpétuelles, no. 4, À Mademoiselle Mauté de Fleurville.
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First published 1873.
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5. Rendez‑vous  [sung text not yet checked]
Ma belle amie est morte,
Et voilà qu'on la porte
En terre, ce matin,
En souliers de satin.
Elle dort toute blanche,
En robe de dimanche,
Dans son cercueil ouvert
Malgré le vent d'hiver.
Creuse, fossoyeur, creuse
A ma belle amoureuse
Un tombeau bien profond,
Avec ma place au fond.
Avant que la nuit tombe
Ne ferme pas la tombe;
Car elle m'avait dit
De venir cette nuit,
[ ... ]
Au lit que tu sais faire,
Fossoyeur, dans la terre.
Et, dans ce lit étroit,
Seule, elle aurait trop froid.
J'irai coucher près d'elle,
Comme un amant fidèle,
Pendant toute la nuit
Qui jamais ne finit.
Text Authorship:
- by Charles Cros (1842 - 1888), "Rendez-vous", written 1873, appears in Le Coffret de Santal, in Chansons perpétuelles, no. 5, Paris, Éd. Alphonse Lemerre, first published 1873
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]6. Le bleu matin  [sung text not yet checked]
Le bleu matin Fait pâlir les étoiles. Dans l'air lointain La brume a mis ses voiles. C'est l'heure où vont, Au bruit clair des cascades, Danser en rond, Sur le pré, les Dryades. Matin moqueur, Au dehors tout est rose. Mais dans mon coeur Règne l'ennui morose. Car j'ai parfois A son bras, à cette heure, Couru ce bois. Seule à présent j'y pleure. Le jour parait, La brume est déchirée, Et la forêt Se voit pourpre et dorée. Mais, pour railler La peine qui m'oppresse, J'entends piailler Les oiseaux en liesse.
Text Authorship:
- by Charles Cros (1842 - 1888), "Romance : Le bleu matin", written 1873, appears in Le Coffret de Santal, in Chansons perpétuelles, no. 1
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First published 1873.
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