I La gomme coule en larmes d'or des cerisiers. Cette journée, ô ma chérie, est tropicale : Endors-toi donc dans le parterre où la cigale Crie aigrement aux cœurs touffus des vieux rosiers. Dans le salon où l'on causait, hier vous posiez... Mais aujourd'hui nous sommes seuls -- Rose Bengale ! Endormez-vous tout doucement dans la percale De votre robe, endormez-vous sous mes baisers. Il fait si chaud que l'on n'entend que les abeilles... Endors-toi donc, petite mouche au tendre cœur ! Cet autre bruit ?... C'est le ruisseau sous les corbeilles Des coudriers où dorment les martins-pêcheurs... Endors-toi donc... Je ne sais plus si c'est ton rire Ou l'eau qui court sur les cailloux qu'elle fait luire... II Ton rêve est doux -- si doux qu'il fait bouger tes lèvres Tout doucement, tout doucement -- comme un baiser... Dis, rêves-tu que sur un roc vont se poser Parmi des thyms chèvrefeuilles de blanches chèvres ? Dis, rêves-tu que sur la mousse, en notes mièvres, La source pure au fond du bois vient à jaser. -- Ou qu'un oiseau tout rose et bleu s'en va briser Les fils de Vierge et faire au loin s'enfuir les lièvres ? Rêves-tu que la lune est un hortensia ?... -- Ou bien encor que sur le puits l'acacia Jette des fleurs de neige d'or sentant la myrrhe ? -- Ou que ta bouche, au fond du seau, si bien se mire, Que je la prends pour une fleur qu'un coup de vent A fait tomber, du vieux rosier, dans l'eau d'argent ?
Cinq Poèmes de Francis Jammes
by Louis Durey (1888 - 1979)
1. La gomme coule en larmes d'or des cerisiers  [sung text not yet checked]
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- by Francis Jammes (1868 - 1938), appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]2. Du courage? Mon âme éclate de douleur  [sung text not yet checked]
Du courage ? Mon âme éclate de douleur. Cette vie me déchire. Je ne puis plus pleurer. Qu’y a-t-il, qu’y a-t-il, qu’y a-t-il, dans mon cœur ? Il est silencieux, terrible et déchiré. Pourtant qu’avais-je fait que de fumer ma pipe devant les doux enfants qui jouaient dans la rue ? Un serrement affreux me casse la poitrine. Je ne puis plus railler… C’est trop noir, trop aigu. Ô toi que j’ai aimée, conduis-moi par la main vers ce que les hommes ont appelé la mort, et laisse, à tout jamais, sur le mortel chemin, ton sourire clair comme un ciel d’azur dans l’eau. L’espoir n’existe plus. C’était un mot d’enfance. Souviens-toi de ta triste enfance et des oiseaux qui te faisaient pleurer, tristes dans les barreaux de la cage où ils piaillaient de souffrance. Aimer. Aimer. Aimer. Abîmez-moi encore. Je crève de pitié. C’est plus fort que la vie. Je voudrais pleurer seul comme une mère douce qui essuie avec son châle la tombe de son fils.
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), "Du courage ?", written 1897, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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Confirmed with Francis Jammes, De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir : 1888-1897, Mercure de France., 1921 (p. 247-248).
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3. Comme un chant de cloches  [sung text not yet checked]
Comme un chant de cloche pour les vêpres douces s’arrête doucement sur la colline en mousse près d’une tourterelle aux pattes roses, mon âme qui chante auprès de vous se pose. Comme un lis blanc au jardin du vieux presbytère se parfume doucement par la douceur des pluies, par votre douceur, qui est une rosée de taillis, mon âme triste et douce comme un lis s’est parfumée. Que la cloche, le lis, les pluies, la tourterelle vous rappellent désormais un enfant un peu amer qui passa près de vous en laissant tomber à vos pieds son âme en roses trémières.
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), "Comme un chant", written 1895, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir
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Confirmed with Francis Jammes, De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir : 1888-1897, Mercure de France., 1921 (p. 78).
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4. La maison serait pleine de roses  [sung text not yet checked]
La maison serait pleine de roses et de guêpes. On y entendrait, l'après-midi, sonner les vêpres ; et les raisins couleurs de pierre transparente sembleraient dormir au soleil sous l'ombre lente. Comme je t'y aimerais ! Je te donne tout mon cœur qui a vingt-quatre ans, et mon esprit moqueur, mon orgueil et ma poésie de roses blanches ; et pourtant je ne te connais pas, tu n'existes pas. Je sais seulement que, si tu étais vivante, et si tu étais comme moi au fond de la prairie, nous nous baiserions en riant sous les abeilles blondes, près du ruisseau frais, sous les feuilles profondes. On n'entendrait que la chaleur du soleil. Tu aurais l'ombre des noisetiers sur ton oreille, puis nous mêlerions nos bouches, cessant de rire, pour dire notre amour que l'on ne peut pas dire ; et je trouverais, sur le rouge de tes lèvres, le goût des raisins blonds, des roses rouges et des guêpes.
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), no title, written 1888-1897, appears in De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir , Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]5. Si tout ceci n'est qu'un pauvre rêve  [sung text not yet checked]
Si tout ceci n'est qu'un pauvre rêve, et s'il faut que j'ajoute dans ma vie, une fois encore, la désillusion aux désillusions ; et, si je dois encore, par ma sombre folie, chercher dans la douceur du vent et de la pluie les seules vaines voix qui m'aient en passion : je ne sais si je guérirai, ô mon amie...
Text Authorship:
- by Francis Jammes (1868 - 1938), no title, appears in Clairières dans le ciel, in Tristesses, no. 10, first published 1906
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Faith J. Cormier) , "If all were naught but a poor dream", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission