Jadis on vit un ours cruel Laissant les doux gâteaux de miel Pour dévorer les belles femmes Sans pitié pour leurs tendres flammes. C’était un sanguinaire amant, Pourtant, comme il était charmant ! De sa beauté l’ours fut charmé Et les plus belles l’ont aimé. Un beau jour l’adorable bête Revêtit ses habits de fête ; L’ours radieux, vif et malin, Feignait d’avoir un cœur humain, Plein de langueur, plein de tendresse, Brûlant d’une amoureuse ivresse. Mais tout à coup il a hurlé, Burlesque il est tout affolé ; Sans autre habit que son poil noir, Il danse, il est terrible à voir, Partout gambade avec cadence, Faisant des bonds prodigieux. Et lourdement, il court, s’élance Semblant vouloir sauter aux cieux !
La Légendes des ours = Bärenlieder
Song Cycle by Marie Jaëll (1846 - 1925)
1. Folies d'ours
Language: French (Français)
Text Authorship:
- by Marie Jaëll (1846 - 1925)
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Researcher for this page: Joost van der Linden [Guest Editor]2. Amour brûlant
Language: French (Français)
Les belles par mainte chanson Louaient les charmes de l’ourson. Enextase, d’une voix pure, La mignonne tout bas murmure : « Ah, ah, pourquoi donc le soleil L’embrasse-t-il à son réveil ? Ah, ah, par sa beauté ravie, Je porte au clair soleil envie ! Je cache dans mes sombres yeux Plus de lumière que les cieux. Jamais, soleil, ta vive flamme, Ne brûlera plus que mon âme, Et la splendeur du plus beau jour Pâlit au feu de mon amour. Un seul moment, soleil, de grâce, Discrètement laisse à ta place Comme un rayon furtif, glisser Vers lui mon tendre et douxbaiser. S’il mord, je réponds sans murmure Par un baiser à sa morsure. »
Text Authorship:
- by Marie Jaëll (1846 - 1925)
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Researcher for this page: Joost van der Linden [Guest Editor]3. Désirs ardents
Language: French (Français)
La femme aux regards languissants En ses désirs ardents l'appelle. Il s'est enfui, l'ourson rebelle, Et nul n'entend ses doux accents. « Soupirant nuit et jour je sonde Les sombres profondeurs des ondes, Et plein d'espoir mon regard pur S'envole joyeux vers l'azur. Je vogue entre l'azur sublime Et l'ombre affreuse de l'abîme. De rive en rive, errant toujours, Je vais cherchant mes chers amours. S'il ne revient pas je succombe, Le gouffre noir sera ma tombe. Mais s'il revenait vers le ciel, J'emmènerais mon ours cruel En caressant sa tête noire. J'irais fière de ma victoire. À mes pieds, de fleurs couronné, Toujours il irait enchaîné. » La barque glisse sur les ondes, Et tout bas dans les nuits profondes Passe l'écho de la chanson Que la belle chante à l'ourson.
Text Authorship:
- by Marie Jaëll (1846 - 1925)
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Researcher for this page: Joost van der Linden [Guest Editor]4. Amour involontaire
Language: French (Français)
Mais l'oursonne jeune et jolie Ne sait rien encor de la vie. Joyeuse et vive tout le jour, Elle grandit, simple, innocente. Au soleil dans la basse-cour, Parmi la volaille gloussante, Elle vit, admirant toujours Des poules les charmants atours, Cherchant vainement à comprendre Comment elle ne peut glousser ; Et voulant par force l'apprendre, Elle n'arrive qu'à pousser Des hurlements, très furieuse De son effroyable chanson. Toujours pourtant elle est joyeuse. Un jour vers elle vint l'ourson. Ô dieux ! quel animal étrange dit-elle, folle de terreur ! Ses compagnes, l'ourson les mange. Un charme alors saisit son cœur. Devant l'ours noir elle frissonne ; Elle admire, la pauvre oursonne, Son beau poil sombre et son ceil noir : Elle aime l'ours sans le savoir.
Text Authorship:
- by Marie Jaëll (1846 - 1925)
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Researcher for this page: Joost van der Linden [Guest Editor]5. Union malheureuse
Language: French (Français)
Quel vacarme, quelle tempête ! Tout ce bruit vous casse la tête ! Quel tumulte désordonné, Un ouragan s'est déchaîné ! Le ciel serein est sans nuages, Ce sont les ours qui font l'orage. Leur union n'est que tourments, Toujours des cris, des hurlements ! De tous ces maux l'oursonne est lasse : Gaîté, jeunesse, tout lui passe. Abhorrant le joug odieux Du tyran qui la persécute, Elle veut fuir l'ours furieux, Les hurlements et la dispute. Enfin la pauvre ourse, un beau jour, Meurt victime de son amour. L'ours effaré, tout en détresse, Est stupéfait d'un pareil sort ; Et sur la tombe de sa maîtresse Lui-même s'est donné la mort.
Text Authorship:
- by Marie Jaëll (1846 - 1925), "Unión malheureuse"
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Researcher for this page: Joost van der Linden [Guest Editor]6. Épilogue
Language: French (Français)
À l’ombre des buissons en fleurs, L’oursonne auprès de l’ours repose. À l’aube la rosée en pleurs Y brille en perles sur la rose ; L’amante dort près de l’amant, Ils font tous deux le même rêve. Mais sous le ciel serein s’élève Une voix qui dit tristement : « Adieu ! Coulez mes sombres larmes Pour mon ourson aux tendres charmes. Pour lui, le cœur tout enflammé, Plus d’une victime succombe, Et tant de belles l’ont aimé Que l’amour l’a mis dans la tombe. »
Text Authorship:
- by Marie Jaëll (1846 - 1925)
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