« Oh ! la terre, — murmurai-je à la nuit, — est un calice embaumé dont le pistil et les étamines sont la lune et les étoiles ! » Et, les yeux lourds de sommeil, je fermai la fenêtre qu’incrusta la croix du calvaire, noire dans la jaune auréole des vitraux. * Encore, — si ce n’était à minuit, — l’heure blasonnée de dragons et de diables ! — que le gnome qui se soûle de l’huile de ma lampe ! Si ce n’était que la nourrice qui berce avec un chant monotone, dans la cuirasse de mon père, un petit enfant mort-né ! Si ce n’était que le squelette du lansquenet emprisonné dans la boiserie, et heurtant du front, du coude et du genou ! Si ce n’était que mon aïeul qui descend en pied de son cadre vermoulu, et trempe son gantelet ' dans l’eau bénite du bénitier ! Mais c’est Scarbo qui me mord au cou, et qui, pour cautériser ma blessure sanglante, y plonge son doigt de fer rougi à la fournaise !
Nuit Phantastique, quatre proses de Louis Bertrand
Song Cycle by Robert Hanf (1894 - 1944)
La chambre gothique
Text Authorship:
- by Aloysius Bertrand (1807 - 1841), "La chambre gothique", appears in Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Callot et Rembrandt, in Les Fantaisies de Gaspard de la Nuit, in 3. La nuit et ses prestiges, no. 1 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
Set by Robert Hanf (1894 - 1944) [ tenor and string quartet ]Confirmed with Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, Paris : Mercure de France, 1920, p.101. Note: the prose text (we have added line breaks) is headed by the following epigraphs:
Nox et solitudo plenæ sunt diabolo. Les Pères de l’Église. La nuit, ma chambre est pleine de diables.
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Le clair de lune
Oh ! qu’il est doux, quand l’heure tremble au clocher, de regarder la lune qui a le nez fait comme un carolus d’or ! * Deux ladres se lamentaient sous ma fenêtre, un chien hurlait dans le carrefour, et le grillon de mon foyer vaticinait tout bas. Mais bientôt mon oreille n’interrogea plus qu’un silence profond. Les lépreux étaient rentrés dans leur chenil, aux coups de Jacquemart qui battait sa femme. Le chien avait enfilé une venelle, devant les pertuisanes du guet enrouillé par la pluie et morfondu par la bise. Et le grillon s’était endormi, dès que la dernière bluette avait éteint sa dernière lueur dans la cendre de la cheminée. Et moi, il me semblait, — tant la fièvre est incohérente, — que la lune, grimant sa face, me tirait la langue comme un pendu !
Text Authorship:
- by Aloysius Bertrand (1807 - 1841), "Le clair de lune", appears in Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Callot et Rembrandt, in Les Fantaisies de Gaspard de la Nuit, in 3. La nuit et ses prestiges, no. 5 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
Set by Robert Hanf (1894 - 1944) [ tenor and string quartet ]Confirmed with Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, Paris : Mercure de France, 1920, p.103. Note: the poem is headed by the following epigraph:
Réveillez-vous, gens qui dormez, Et priez pour les trépassés. Le cri du crieur de nuit.
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Scarbo
« Que tu meures absous ou damné, marmottait Scarbo cette nuit à mon oreille, tu auras pour linceul une toile d’araignée, et j’ensevelirai l’araignée avec toi ! — Oh ! que du moins j’aie pour linceul, lui répondais-je, les yeux rouges d’avoir tant pleuré, — une feuille du tremble dans laquelle me bercera l’haleine du lac. — Non ! — ricanait le nain railleur, — tu serais la pâture de l’escarbot qui chasse, le soir, aux moucherons aveuglés par le soleil couchant ! — Aimes-tu donc mieux, lui répliquai-je, larmoyant toujours, — aimes-tu donc mieux que je sois sucé d’une tarentule à trompe d’éléphant ? — Eh bien, — ajouta-t-il, — console-toi, tu auras pour linceul ' les bandelettes tachetées d’or d’une peau de serpent, dont je t’emmailloterai comme une momie. » Et de la crypte ténébreuse de Saint-Bénigne, où je te coucherai debout contre la muraille, tu entendras à loisir les petits enfants pleurer dans les limbes. »
Text Authorship:
- by Aloysius Bertrand (1807 - 1841), "Scarbo", appears in Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Callot et Rembrandt, in Les Fantaisies de Gaspard de la Nuit, in 3. La nuit et ses prestiges, no. 2 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
Set by Robert Hanf (1894 - 1944) [ tenor and string quartet ]Confirmed with Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, Paris : Mercure de France, 1920, p.97. Note: the poem has the following epigraph:
Mon Dieu, accordez-moi, à l’heure de ma mort, les prières d’un prêtre, un linceul de toile, une bière de sapin et un lieu sec. Les patenôtres de Monsieur le Maréchal.
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Le fou
La lune peignait ses cheveux avec un démêloir d’ébène qui argentait d’une pluie de vers luisants les collines, les prés et les bois. * Scarbo, gnome dont les trésors foisonnent, vannait sur mon toit, au cri de la girouette, ducats et florins qui sautaient en cadence, les pièces fausses jonchant la rue. Comme ricana le fou qui vague, chaque nuit, par la cité déserte, un œil à la lune et l’autre — crevé ! — « Foin de la lune ! grommela-t-il, ramassant les jetons du diable, j’achèterai le pilori pour m’y chauffer au soleil ! » Mais c’était toujours la lune, la lune qui se couchait, — et Scarbo monnayait sourdement dans ma cave ducats et florins à coups de balancier. Tandis que, les deux cornes en avant, un limaçon qu’avait égaré la nuit cherchait sa route sur mes vitraux lumineux.
Text Authorship:
- by Aloysius Bertrand (1807 - 1841), "Le fou", appears in Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Callot et Rembrandt, in Les Fantaisies de Gaspard de la Nuit, in 3. La nuit et ses prestiges, no. 3 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
Set by Robert Hanf (1894 - 1944) [ tenor and string quartet ]Confirmed with Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, Paris : Mercure de France, 1920, p.99. Note: the poem is preceded by the following epigraph:
Un carolus, ou bien encor, Si l’aimez mieux, un agneau d’or. Manuscrits de la Bibliothèque du roi.
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