Il gèle et des arbres pâlis de givre clair Montent au loin, ainsi que des faisceaux de lune ; Au ciel purifié, aucun nuage ; aucune Tache sur l'infini silencieux de l'air. Le fleuve où la lueur des astres se réfracte Semble dallé d'acier et maçonné d'argent ; Seule une barque est là, qui veille et qui attend, Les deux avirons pris dans la glace compacte. Quel ange ou quel héros les empoignant soudain Dispersera ce vaste hiver à coups de rames Et conduira la barque en un pays de flammes Vers les océans d'or des paradis lointains ? Ou bien doit-elle attendre à tout jamais son maître, Prisonnière du froid et du grand minuit blanc, Tandis que des oiseaux libres et flagellant Les vents, volent, là-haut, vers les printemps à naître ?
Trois chansons
Song Cycle by Ernst Křenek (1900 - 1991)
1. La barque  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Text Authorship:
- by Émile Verhaeren (1855 - 1916), "La barque", written 1882-94, appears in Poèmes, in 1. Les bords de la route
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]2. Un soir  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Avec les doigts de ma torture Gratteurs de mauvaise écriture, Maniaque inspecteur de maux, J'écris encor des mots, des mots... Quant à mon âme, elle est partie. Morosement et pour extraire L'arrière-faix de ma colère, Aigu d'orgueil, crispé d'effort, Je râcle en vain mon cerveau mort. Quant à mon âme, elle est partie. Je voudrais me cracher moi-même, La lèvre en sang, la face blême : L'ivrogne de son propre moi S'éructerait en un renvoi. Quant à mon âme, elle est partie. Homme las de rage, qui rage D'être lassé de son orage, La vie en lui ne se prouvait Que par l'horreur qu'il en avait. Quant à mon âme, elle est partie. Mes poings ont tordu dans le livre L'intordable fièvre de vivre ; Ils ne l'ont point tordue assez Bien que mes poings en soient cassés. Quant à mon âme, elle est partie. Le han du soir suprême, écoute ! S'entend là-bas sur la grand'route ; Clos tes volets - c'est bien fini Le mors-aux-dents vers l'infini.
Text Authorship:
- by Émile Verhaeren (1855 - 1916), "Un soir", written 1882-94, appears in Poèmes, in 1. Les bords de la route
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]3. L'heure mauvaise  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Depuis ces temps troublés d'adieux et de retours Et de soudaine lassitude D'être celui qui va, cerné de solitude, Mes jours toujours plus lourds s'en vontroulant leur cours. J'avais foi dans ma tête; elle était ma hantise. Et mon entêtement - haine et splendeur - vermeil, Où s'allumait l'intérieur soleil, Dardait contre le bloc de roc de la bêtise. De vivre ainsi hautement, j'avais Muette joie à me sentir et seul et triste, Ne croyant plus qu'à ma perdurance d'artiste Et à l'oeuvre que je rêvais. Celle qui se levait tranquille et douce et bonne Et s'en allait par de simples chemins, Vers les foyers humains, Où l'on pardonne. Ah! comme il fut plombant ce soir d'opacité, Quand mon âme minée infiniment de doutes, En tout à coup d'arbre à terre barra mes routes Et lézarda, craquement noir, ma volonté. A tout jamais mortes, mes fermetés brandies! Mespoings? flasques; mes yeux? fanés; mes orgueils? serfs; Mon sang coulait péniblement jusqu'à mes nerfs Et comme des suçoirs gluaient mes maladies. Et maintenant que je m'en vais vers le hasard... Dites, le voeu qu'en un lointain de sépulture, Comme un marbre brûlé de gloire et de torture, Rouge éternellement se crispera mon art!
Text Authorship:
- by Émile Verhaeren (1855 - 1916), "L'heure mauvaise", written 1887
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]Total word count: 492