À l’heure où l’ombre noire Brouille et confond La lumière et la gloire Du ciel profond, Sur le clavier d’ivoire Mes doigts s’en vont. Quand les regrets et les alarmes Battent mon sein comme des flots, La musique traduit mes larmes Et répercute mes sanglots. Elle me verse tous les baumes Et me souffle tous les parfums ; Elle évoque tous mes fantômes Et tous mes souvenirs défunts. Elle m’apaise quand je souffre, Elle délecte ma langueur, Et c’est en elle que j’engouffre L’inexprimable de mon cœur. Elle mouille comme la pluie, Elle brûle comme le feu ; C’est un rire, une brume enfuie Qui s’éparpille dans le bleu. Dans ses fouillis d’accords étranges Tumultueux et bourdonnants, J’entends claquer des ailes d’anges Et des linceuls de revenants ; Les rythmes ont avec les gammes De mystérieux unissons ; Toutes les notes sont des âmes, Des paroles et des frissons. Ô Musique, torrent du rêve, Nectar aimé, philtre béni, Cours, écume, bondis sans trêve Et roule-moi dans l’infini. À l’heure où l’ombre noire Brouille et confond La lumière et la gloire Du ciel profond, Sur le clavier d’ivoire Mes doigts s’en vont.
Harmonies. Dix mélodies, paroles de Maurice Rollinat
by Maurice Rollinat (1846 - 1903)
1. La Musique  [sung text not yet checked]
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- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "La Musique", appears in Les névroses, in 1. Les Âmes
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Confirmed with Maurice Rollinat, Les Névroses, Paris, Fasquelle, 1917, pages 49-50.
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2. La Lune  [sung text not yet checked]
La lune a de lointains regards Pour les maisons et les hangars Qui tordent sous les vents hagards Leurs girouettes ; Mais sa lueur fait des plongeons Dans les marais peuplés d’ajoncs Et flotte sur les vieux donjons Pleins de chouettes ! Elle fait miroiter les socs Dans les champs, et nacre les rocs Qui hérissent les monts, par blocs Infranchissables ; Et ses chatoiements délicats Près des gaves aux sourds fracas Font luire de petits micas Parmi les sables ! Avec ses lumineux frissons Elle a de si douces façons De se pencher sur les buissons Et les clairières ! Son rayon blême et vaporeux Tremblote au fond des chemins creux Et rôde sur les flancs ocreux Des fondrières. Elle promène son falot Sur la forêt et sur le flot Que pétrit parfois le galop Des vents funèbres ; Elle éclaire aussi les taillis Où, cachés sous les verts fouillis, Les ruisseaux font des gazouillis Dans les ténèbres. Elle argente sur les talus Les vieux troncs d’arbres vermoulus Et rend les saules chevelus Si fantastiques, Qu’à ses rayons ensorceleurs, Ils ont l’air de femmes en pleurs Qui penchent au vent des douleurs Leurs fronts mystiques. En doux reflets elle se fond Parmi les nénuphars qui font Sur l’étang sinistre et profond De vertes plaques ; Sur la côte elle donne aux buis Des baisers d’émeraude, et puis Elle se mire dans les puits Et dans les flaques ! Et, comme sur les vieux manoirs, Les ravins et les entonnoirs, Comme sur les champs de blés noirs Où dort la caille, Elle s’éparpille ou s’épand, Onduleuse comme un serpent, Sur le sentier qui va grimpant Dans la rocaille ! Oh ! quand, tout baigné de sueur, Je fuis le cauchemar tueur, Tu blanchis avec ta lueur Mon âme brune ; Si donc, la nuit, comme un hibou, Je vais rôdant je ne sais où, C’est que je t’aime comme un fou ; Ô bonne Lune ! Car, l’été, sur l’herbe, tu rends Les amoureux plus soupirants, Et tu guides les pas errants Des vieux bohèmes ; Et c’est encore ta clarté, Ô reine de l’obscurité, Qui fait fleurir l’étrangeté Dans mes poèmes !
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- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "La Lune", appears in Dans les brandes, poèmes et rondels
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Confirmed with Maurice Rollinat, Dans les brandes, poèmes et rondels, Paris, Charpentier, 1883, pages 17-21.
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3. À quoi pense la nuit ?  [sung text not yet checked]
À quoi pense la Nuit, quand l'âme des marais Monte dans les airs blancs sur tant de voix étranges, Et qu'avec des sanglots qui font pleurer les anges Le rossignol module au milieu des forêts ?... À quoi pense la Nuit, lorsque le ver luisant Allume dans les creux des frissons d'émeraude, Quand murmure et parfum, comme un zéphyr qui rôde, Traversent l'ombre vague où la tiédeur descend ?... Elle songe en mouillant la terre de ses larmes Qu'elle est plus belle, ayant le mystère des charmes, Que le jour regorgeant de lumière et de bruit. Et — ses grands yeux ouverts aux étoiles — la Nuit Enivre de secret ses extases moroses, Aspire avec longueur le magique des choses.
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- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "À quoi pense la nuit", subtitle: "Sonnet", appears in Paysages et paysans, first published 1899
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]4. Le Lierre  [sung text not yet checked]
Non ! jamais je ne vis de rocher plus affreux Ceinturé large et dru d’un plus superbe lierre Ayant l’énormité verte aussi singulière Epanoui si frais sur un gris si cendreux. Et pourtant, tout en haut, le fantastique bloc Trônait sur une côte absolument chenue. Qu’importe ! l’arbrisseau né de la pierre nue Avait fait sa noueuse étreinte autour du roc. Et comme je quittais le soir ce coin farouche, Devinant ma pensée — avec leur voix sans bouche Les choseis tristement me chuchotaient en chœur : « Ce lierre te suivra longtemps quoi que tu fasses ! Pur symbole qu’il est des souvenirs vivaces S’obstinant à verdir la pierre de ton cœur ! »
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- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "Le Lierre", appears in Les Apparitions, first published 1896
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Confirmed with Maurice Rollinat, Les Apparitions, Paris, Bibliothèque-Charpentier, 1896, pages 85-86.
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5. Le Silence des morts  [sung text not yet checked]
On scrute leur portrait, espérant qu’il en sorte Un cri qui puisse enfin nous servir de flambeau. Ah ! si même ils venaient pleurer à notre porte Lorsque le soir étend ses ailes de corbeau ! Non ! Mieux que le linceul, la bière et le tombeau Le silence revêt ceux que le temps emporte : L’âme en fuyant nous laisse un horrible lambeau Et ne nous connaît plus dès que la chair est morte. Pourtant, que d’appels fous, longs et désespérés, Nous poussons jour et nuit vers tous nos enterrés ! Quels flots de questions coulent avec nos larmes ! Mais toujours, à travers ses plaintes, ses remords, Ses prières, ses deuils, ses spleens et ses alarmes, L’homme attend vainement la réponse des morts.
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- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "Le Silence des morts", appears in Les névroses, in 5. Les Ténèbres
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Confirmed with Maurice Rollinat, Les Névroses, Paris, Fasquelle, 1917, page 382.
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6. Le Rêve
Dans les visions de la nuit
. . . . . . . . . .
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Text Authorship:
- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "Le Rêve, d'après Edgar Poë", first published 1919
Based on:
- a text in English by Edgar Allan Poe (1809 - 1849), "A dream", appears in Tamerlane and Other Poems, first published 1827
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7. L’Espérance  [sung text not yet checked]
L’Espérance est un merle blanc Dont nous sommes la triste haie : Elle voltige sur la plaie Et siffle au bord du cœur tremblant. Mais son vol n’est qu’un faux semblant ; Sa sérénade n’est pas vraie. L’Espérance est un merle blanc Dont nous sommes la triste haie. Et tandis que, rapide ou lent, Le Désespoir est une orfraie Dont le cri certain nous effraie, Et dont le bec va nous criblant, L’Espérance est un merle blanc.
Text Authorship:
- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "L’Espérance", appears in Les névroses, in 1. Les Âmes
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Confirmed with Maurice Rollinat, Les Névroses, Paris, Fasquelle, 1917, page 41.
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8. La Parole  [sung text not yet checked]
Avec le masque du mensonge La parole suit son chemin, Rampe aujourd’hui, vole demain, Se raccourcit ou bien s’allonge. Elle empoigne comme une main Et se dérobe comme un songe. Avec le masque du mensonge La parole suit son chemin. Cœurs de gaze et de parchemin, Chacun la boit comme une éponge, Et jusqu’au fond du gouffre humain Elle s’insinue et se plonge Avec le masque du mensonge.
Text Authorship:
- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "La Parole", appears in Les névroses, in 1. Les Âmes
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Confirmed with Maurice Rollinat, Les Névroses, Paris, Fasquelle, 1917, page 31.
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9. La Mort au printemps  [sung text not yet checked]
La nature, au printemps, semble par sa féerie Glorifier tous les trépas qu’elle a conçus. Passe un enterrement ? elle répand dessus Son parfum, sa musique et sa grâce fleurie. On dirait qu’elle veut que chaque arbre sourie Aux mignonnets cercueils des tout petits Jésus, Que ces panaches, d’ombre et de vapeur tissus, Célèbrent la candeur de leur âme inflétrie. Alors, son beau soleil qui fait pâlir les cierges, Nimbant aux chemins creux les convois blancs des vierges, Elle fond ses couleurs à celles de leur mort. Et leurs bières, hélas ! si roides et si closes, Harmonieusement, passent dans le décor Des cerisiers neigeux et des pommiers tout roses.
Text Authorship:
- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "La Mort au printemps", appears in Paysages et paysans
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Confirmed with Maurice Rollinat, Paysages et paysans, Paris, Fasquelle, 1899, page 307.
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10. Jusqu’aux cimes  [sung text not yet checked]
À mesure que l’on s’élève Au-dessus des mornes terrains, On sent le poids de ses chagrins Se désalourdir comme en rêve. Pour l’âme, alors, libre existence !… Car, subtilisée à l’air pur, Son enveloppe vers l’azur Semble évaporer sa substance. On monte encor, toujours ! Enfin, On n’est plus qu’un souffle divin Flottant sur l’immense campagne : Et, dans le plein ciel qui sourit, Le blanc sommet de la montagne Devient le trône de l’esprit.
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- by Maurice Rollinat (1846 - 1903), "Ascension", written 1899, appears in Paysages et paysans, Paris, Éd. E. Fasquelle, first published 1899
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