Voici [le soir charmant]1, ami du criminel ; Il vient comme un complice, à pas de loup ; — le ciel Se ferme lentement comme une grande alcôve, Et l’homme impatient se change en bête fauve. [Ô soir, aimable soir, désiré par]2 celui Dont les bras, sans mentir, peuvent dire : Aujourd’hui Nous avons travaillé ! — C’est le soir qui soulage Les esprits que dévore une douleur sauvage, Le savant obstiné dont le front s’alourdit, Et l’ouvrier courbé qui regagne son lit. Cependant des démons malsains dans l’atmosphère S’éveillent lourdement, comme des gens d’affaire, Et cognent en volant les volets et l’auvent. À travers les lueurs que tourmente le vent La Prostitution s’allume dans les rues ; Comme une fourmilière elle ouvre ses issues ; Partout elle se fraye un occulte chemin, Ainsi que l’ennemi qui tente un coup de main ; Elle remue au sein de la cité de fange Comme un ver qui dérobe à l’Homme ce qu’il mange. On entend çà et là les cuisines siffler, Les théâtres glapir, les orchestres ronfler ; Les tables d’hôte, dont le jeu fait les délices, S’emplissent de catins et d’escrocs, leurs complices, Et les voleurs, qui n’ont ni trêve ni merci, Vont bientôt commencer leur travail, eux aussi, Et forcer doucement les portes et les caisses Pour vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses. Recueille-toi, mon âme, en ce grave moment, Et ferme ton oreille à ce [rugissement]3. C’est l’heure où les douleurs des malades s’aigrissent ! La sombre Nuit les prend à la gorge ; — ils finissent Leur destinée et vont vers le gouffre commun ; L’hôpital se remplit de leurs soupirs. — Plus d’un Ne viendra plus chercher la soupe parfumée, Au coin du feu, le soir, auprès d’une âme aimée. Encore la plupart n’ont-ils jamais connu La douceur du foyer et n’ont jamais vécu !
Confirmed with Charles Baudelaire, Semaine théâtrale : revue artistique, littéraire et musicale, untitled, the second poem in a pair titled Les deux crépuscules, 1 February 1852, pages 26-27. Also confirmed with Charles Baudelaire, Hommage à C. F. Denecourt. Fontainebleau : paysages — légendes — souvenirs — fantaisies, "Le soir", the first poem in a pair titled Les deux crépuscules, Paris: Librairie de L. Hachette et Cie , 1855, pages 74-76. Also confirmed with Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Spleen et Idéal, Paris: Poulet-Malassis et de Broise, 1857, pages 156-158. Punctuation, capitalization, and formatting follows the 1857 version. Note: this was number 67 under Spleen et Idéal in the first edition of Les Fleurs du mal but number 95 or 119 under Tableaux parisiens in subsequent editions. The title "Le Crépuscule du soir" is used in all editions of Les Fleurs du mal.
1 1852 edition: "le crépuscule"; 1855 edition: "venir le Soir"2 1852 edition: "Oui, voilà bien le soir, le soir cher à"; 1855 edition: "Oui, voilà bien le Soir, le Soir cher à"
3 1852 and 1855 editions: "bouillonnement"
Text Authorship:
- by Charles Baudelaire (1821 - 1867), appears in Les deux crépuscules, appears in Les Fleurs du mal, in 1. Spleen et Idéal, no. 67, appears in Les Fleurs du mal, in 2. Tableaux parisiens, no. 95, Paris, Semaine théâtrale, first published 1852 [author's text checked 4 times against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Gaston Doin (1878 - 1962), "Le crépuscule du soir", published 1950 [ high voice and piano ], from Mélodies romantiques, no. 12, Éd. Alphonse Leduc [sung text not yet checked]
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