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by André Gide (1869 - 1951)

La Réprimande du Frère Aîné
Language: French (Français) 
L'enfant prodigue tâche d'abord de le prendre de haut.

-- Mon grand frère, commence-t-il, nous ne nous ressemblons guère. Mon
   frère, nous ne nous ressemblons pas.

Le frère aîné :

-- C'est ta faute.

-- Pourquoi la mienne ?

Parce que moi je suis dans l'ordre ; tout ce qui s'en distingue est
fruit ou semence d'orgueil.

-- Ne puis-je avoir de distinctif que des défauts ?

-- N'appelle qualité que ce qui te ramène à l'ordre, et tout le reste, réduis-le.

-- C'est cette mutilation que je crains. Ceci aussi, que tu vas supprimer, vient du Père.

-- Eh ! non pas supprimer : réduire, t'ai-je dit.

-- Je t'entends bien. C'est tout de même ainsi que j'avais réduit mes vertus.

-- Et c'est aussi pourquoi maintenant je les retrouve. Il te les faut
   exagérer. Comprends-moi bien : ce n'est pas une diminution, c'est
   une exaltation de toi que je propose, où les plus divers, les plus
   insubordonnés éléments de ta chair et de ton esprit doivent
   symphoniquement concourir, où le pire de toi doit alimenter le
   meilleur, où le meilleur doit se soumettre à…

-- C'est une exaltation aussi que je cherchais, que je trouvais dans
   le désert -- et peut-être pas très différente de celle que tu me
   proposes.

-- À vrai dire, c'est te l'imposer que je voudrais.

-- Notre Père ne parlait pas si durement.

-- Je sais ce que t'a dit le Père. C'est vague. Il ne s'explique plus
   très clairement ; de sorte qu'on lui fait dire ce qu'on veut. Mais
   moi je connais bien sa pensée. Auprès des serviteurs j'en reste
   l'unique interprète et qui veut comprendre le Père doit m'écouter.

-- Je l'entendais très aisément sans toi.

-- Cela te semblait ; mais tu comprenais mal. Il n'y a pas plusieurs
   façons de comprendre le Père ; il n'y a pas plusieurs façons de
   l'écouter. Il n'y a pas plusieurs façons de l'aimer ; afin que nous
   soyons unis dans son amour.

-- Dans sa Maison.

-- Cet amour y ramène ; tu le vois bien, puisque te voici de
   retour. Dis-moi, maintenant qu'est-ce qui te poussait à partir ?

-- Je sentais trop que la Maison n'est pas tout l'univers. Moi-même je
   ne suis pas tout entier dans celui que vous vouliez que je
   fusse. J'imaginais malgré moi d'autres cultures, d'autres terres,
   et des routes pour y courir, des routes non tracées ; j'imaginais
   en moi l'être neuf que je sentais s'y élancer. Je m'évadai.

-- Songe à ce qui serait advenu si j'avais comme toi délaissé la
   Maison du Père. Les serviteurs et les bandits auraient pillé tout
   notre bien.

-- Peu m'importait alors, puisque j'entrevoyais d'autres biens…

-- Que s'exagérait ton orgueil. Mon frère, l'indiscipline a été. De
   quel chaos l'homme est sorti, tu l'apprendras si tu ne le sais pas
   encore. Il en est mal sorti ; de tout son poids naïf il y retombe
   dès que l'Esprit ne le soulève plus au-dessus. Ne l'apprends pas à
   tes dépens : les éléments bien ordonnés qui te composent
   n'attendent qu'un acquiescement, qu'un affaiblissement de ta part
   pour retourner à l'anarchie… Mais ce que tu ne sauras jamais, c'est
   la longueur de temps qu'il a fallu à l'homme pour élaborer
   l'homme. À présent que le modèle est obtenu, tenons-nous-y. « Tiens
   ferme ce que tu as », dit l'Esprit à l'Ange de l'Église[1], et il
   ajoute : « afin que personne ne prenne ta couronne. » Ce que tu as,
   c'est ta couronne, c'est cette royauté sur les autres et sur
   toi-même. Ta couronne, l'usurpateur la guette ; il est partout ; il
   rôde autour de toi, en toi. Tiens ferme, mon frère ! Tiens ferme.

-- J'ai depuis trop longtemps lâché prise, je ne peux plus refermer ma
   main sur mon bien.

-- Si, si ; je t'aiderai. J'ai veillé sur ce bien durant ton absence.

-- Et puis, cette parole de l'Esprit, je la connais ; tu ne la citais
   pas tout entière.

-- Il continue ainsi, en effet : « Celui qui vaincra, j'en ferai une
   colonne dans le temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus. »

-- « Il n'en sortira plus. » C'est là précisément ce qui me fait peur.

-- Si c'est pour son bonheur.

-- Oh ! j'entends bien. Mais dans ce temple, j'y étais…

-- Tu t'es mal trouvé d'en sortir, puisque tu as voulu y rentrer.

-- Je sais ; je sais. Me voici de retour ; j'en conviens.

-- Quel bien peux-tu chercher ailleurs, qu'ici tu ne trouves en
   abondance ? ou mieux : c'est ici seulement que sont tes biens.

-- Je sais que tu m'as gardé des richesses.

-- Ceux de tes biens que tu n'as pas dilapidés, c'est-à-dire cette
   part qui nous est commune, à nous tous : les biens fonciers.

-- Ne possédé-je donc plus rien en propre ?

-- Si ; cette part spéciale de dons que notre Père consentira
   peut-être encore à t'accorder.

-- C'est à cela seul que je tiens ; je consens à ne posséder que cela.

-- Orgueilleux ! Tu ne seras pas consulté. Entre nous, cette part est
   chanceuse ; je te conseille plutôt d'y renoncer. Cette part de dons
   personnels, c'est elle déjà qui fit ta perte ; ce sont ces biens
   que tu dilapidas aussitôt.

-- Les autres je ne les pouvais pas emporter.

-- Aussi vas-tu les retrouver intacts. Assez pour aujourd'hui. Entre
   dans le repos de la Maison.

-- Cela va bien parce que je suis fatigué.

-- Bénie soit ta fatigue, alors ! À présent dors. Demain ta mère te
   parlera.

Confirmed with André Gide, Vers et Prose, March-May 1907, in Le Retour de l'enfant prodigue. Note: this is a prose text. Line breaks have been added arbitrarily.


Text Authorship:

  • by André Gide (1869 - 1951), "La Réprimande du Frère Aîné", appears in Le Retour de l'enfant prodigue, no. 3, first published 1907 [author's text checked 1 time against a primary source]

Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):

    [ None yet in the database ]

Settings in other languages, adaptations, or excerpts:

  • Also set in German (Deutsch), a translation by Rainer Maria Rilke (1875 - 1926) , "Der Verweis des älteren Bruders", written 1912, appears in Die Rückkehr des verlorenen Sohnes, no. 3 ; composed by Hermann Reutter.
      • Go to the text.

Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]

This text was added to the website: 2023-09-20
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