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by Charles Baudelaire (1821 - 1867)

Chacun sa chimère
Language: French (Français) 
Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse, 
sans chemins, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, 
je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.

Chacun d’eux portait sur son dos une énorme Chimère, 
aussi lourde qu’un sac de farine ou de charbon, 
ou le fourniment d’un fantassin romain.

Mais la monstrueuse bête n’était pas un poids inerte ; 
au contraire, elle enveloppait et opprimait l’homme 
de ses muscles élastiques et puissants ; elle s’agrafait 
avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture ; 
et sa tête fabuleuse surmontait le front de l’homme, 
comme un de ces casques horribles par lesquels 
les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l’ennemi.

Je questionnai l’un de ces hommes, et je lui demandai 
où ils allaient ainsi. Il me répondit qu’il n’en savait rien, 
ni lui, ni les autres ; mais qu’évidemment ils allaient 
quelque part, puisqu’ils étaient poussés par un 
invincible besoin de marcher.

Chose curieuse à noter : aucun de ces voyageurs n’avait 
l’air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou 
et collée à son dos ; on eût dit qu’il la considérait 
comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages 
fatigués et sérieux ne témoignaient d’aucun désespoir ; 
sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés 
dans la poussière d’un sol aussi désolé que ce ciel, 
ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux 
qui sont condamnés à espérer toujours.

Et le cortége passa à côté de moi et s’enfonça dans l’atmosphère 
de l’horizon, à l’endroit où la surface arrondie de la planète 
se dérobe à la curiosité du regard humain.

Et pendant quelques instants je m’obstinai à vouloir comprendre 
ce mystère ; mais bientôt l’irrésistible Indifférence s’abattit 
sur moi, et j’en fus plus lourdement accablé qu’ils ne 
l’étaient eux-mêmes par leurs écrasantes Chimères.

Confirmed with Charles Baudelaire, Petits Poèmes en prose, Paris, Michel Lévy frères, 1869, pages 16-17. Note: this is a prose text. Line breaks have been added arbitrarily.


Text Authorship:

  • by Charles Baudelaire (1821 - 1867), "Chacun sa chimère", written 1862?, appears in Le Spleen de Paris -- ou Petits poèmes en prose, no. 6 [author's text checked 1 time against a primary source]

Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):

  • by Henriette Puig-Roget (1910 - 1992), "Chacun sa chimère", 1930 [ tenor and piano ] [sung text not yet checked]

Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]

This text was added to the website: 2023-04-11
Line count: 34
Word count: 295

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