by Joséphin Soulary (1815 - 1891)
Verdure aux bois ! boutons aux tiges !
Language: French (Français)
Verdure aux bois ! boutons aux tiges !
Rayons dans l'air ! baume aux ravins !
Terre et ciel sont pris de vertiges
Divins !
Sous l'aubépine qu'il assiége,
L'essaim des bourdons querelleurs
A l'envi fait pleuvoir la neige
Des fleurs.
Brûlant de désirs qui la grisent,
La fillette, mûre aux baisers,
A des airs de tête qui disent :
« Osez. »
Le beau garçon qui lui rit contre,
Tente un mot qu'un soupir finit,
Et, tout ému, du doigt lui montre
Un nid.
Le vieillard, dont le pied dévie,
Ne sait vraiment s'il doit mourir,
Tant il sent à pleins flots la vie
Courir.
Allons, linot, pinson, mésange,
Aux petits becs si bien fourbis,
Pour plaire aux femelles, qu'on change
D'habits !
Allons, l'orchestre ! et que tout bouge,
Dans les buissons, les creux, les bois,
Sous l'herbe, et sur la tuile rouge
Des toits.
Allons, les rustiques nourrices !
Les gueux du licol et du mors !
Taureaux, brebis, chevaux, génisses,
Dehors !
Ouvrez l'huis, détachez l'entrave,
Le printemps a mis le couvert ;
Envoyez l'infirme et l'esclave
Au vert.
Noël aux champs ! c'est pour la bête,
Comme pour l'homme, un heureux mois :
Beaux muets, jetez dans la fête
Vos voix !
O présomptueux que nous sommes !
Qui sait si le maître éternel
N'a pas mis dans le ciel des hommes
Leur ciel !
Comme une cuve qui fermente
La terre petille au dehors,
Dans une invisible tourmente
D'efforts.
Ouvre-toi, mon cœur ! sur tout être
Laisse fuir ton sang chaud qui bout !
Je voudrais me foudre et renaître
Dans tout !
Jardin du cœur, que rien ne ferme
Et dont mon frère a la moitié,
Où, semé bonheur, le grain germe
Pitié,
Que ne peux-tu loger au large
Tous les maudits au joug liés,
Et tous les souffrants sous la charge
Pliés !
Cher ennemi, prends-y ta place !
La brise de mai souffle au fond ;
Il y fait si chaud que la glace
Y fond.
Nature ! ô mère enchanteresse !
Je veux t'épuiser à ma faim,
Et pâmer dans une caresse
Sans fin !
Des pieds, des mains, des yeux, des lèvres,
J'ai beau palper ton gai contour,
Rien ne peut apaiser mes fièvres
D'amour.
Mais voilà qu'une ombre rigide
Aprement me vient gourmander,
Et me fait, sur ton sein splendide,
Bouder.
C'est l'Esprit ! son orgueil le mène
De l'égoïsme au désespoir ;
Il voile ta beauté sereine
De noir.
Malheur ! cet hôte solitaire
A ta fête n'est point entré !
Il reste en son deuil volontaire
Cloîtré.
Et, tandis que la Chair vivante
Au renouveau s'épanouit,
Lui, dans la mort qui l'épouvante,
Jouit !
Il dit de ta verte magie :
« C'est du fumier bon pour l'hiver !
De tes fleurs : « C'est le lit d'orgie
Du ver ! »
Du Verbe flottant sur les mondes
Il voudrait noyer le berceau,
Et mettre aux matrices fécondes
Son sceau !
Sur toutes les choses fleuries
Portant la menace du feu,
Il damne les agaceries
De Dieu !
Mais le Père qu'il veut proscrire,
Chaque matin, par son soleil,
D'en haut nous dit, dans un sourire
Vermeil :
« N'en croyez rien, enfants moroses !
Je ne règne point par l'effroi.
Si toutes séves sont écloses
De moi,
« Pourrais-je sur la chair que j'aime
De l'enfer sceller le barreau,
Et de mon sang être moi-même
Bourreau ?
« L'infini n'a pas double zone :
Un ciel clément, un ciel brutal.
Où je trône, où serait le trône
Du Mal ?
« Vu par l'œil infirme de l'homme,
Je suis le Janus inconstant :
C'est dans sa frayeur qu'il me nomme
Satan.
« Mais je tiens, pour que tout y rentre,
Tout grand ouvert mon paradis,
Et n'ai point d'enfants dès le ventre
Maudits.
« Si la Félicité forcée
Possédait l'Etre malgré lui,
Son âme s'userait lassée
D'ennui.
« Mais vous êtes créés en butte
A deux courants, libres esprits,
Afin d'être à vous-mêmes lutte
Et prix.
« Car je suis la Vie expansive,
Et de mon nom même il ne sort
Qu'une formule progressive
D'essor.
« Sur la route où l'homme varie,
Pour le sauver de ses excès,
Se tient la Douleur qui lui crie :
« Assez ! »
« Et s'il trébuche en quelque abîme,
Il trouve, aposté sur le bord,
Le bras d'un sauveteur sublime :
La Mort,
« Qui, bien doucement le relève,
Et lui dit : « Enfant pour surcroît,
Il te faut remonter la grève ;
Va droit ! »
« Donc, aimez-vous, soyez en joie !
Cueillez vos primenrs au printemps !
Pour en user, je vous envoie
Le Temps ;
« Sur ses pas, j'ai mis l'Espérance ;
Après la nuit, j'ai mis le jour,
Et j'ai mis, près de la Souffrance,
L'Amour ! »
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View original text (without footnotes)Confirmed with Œuvres poétiques de Joséphin Soulary, IIe partie. -- Poëmes et poesies (1847-1871), Paris, Éd. Alphonse Lemerre, 1880, pages 34-41.
Text Authorship:
- by Joséphin Soulary (1815 - 1891), "Maius", written 1860, appears in Œuvres poétiques en 2 volumes, in 2. Poèmes et poésies 1847-1871, in 1. Poèmes, no. 3, Paris, Éd. Alphonse Lemerre, first published 1880 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Victor Massé (1822 - 1884), "Mai" [ high voice and piano ], from Troisième recueil de mélodies de V. Massé, no. 13, Éditions Léon Grus [sung text not yet checked]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
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