Écoute-moi, Madeleine ! L'hiver a quitté la plaine Qu'hier il glaçait encor. Viens dans ces bois d'où ma suite Se retire, au loin conduite Par les sons errants du cor. [ ... ] Si j'étais, ô Madeleine, L'agneau dont la blanche laine Se démêle sous tes doigts !... Si j'étais l'oiseau qui passe, Et que poursuit dans l'espace Un doux appel de ta voix !... Si j'étais, ô Madeleine, L'ermite de Tombelaine Dans son pieux tribunal, Quand ta bouche à son oreille De tes péchés de la veille Livre l'aveu virginal !... [ ... ] Si tu voulais, Madeleine Ta demeure serait pleine De pages et de vassaux ; Et ton splendide oratoire Déroberait sous la moire La pierre de ses arceaux ! Si tu voulais, Madeleine, Au lieu de la marjolaine Qui pare ton chaperon, Tu porterais la couronne De comtesse ou de baronne, Dont la perle est le fleuron ! Si tu voulais, Madeleine, Je te ferais châtelaine ; Je suis le comte Roger ; Quitte pour moi ces chaumières, A moins que tu ne préfères Que je me fasse berger !
20 Ballades et Mélodies
by Léon Charles François Kreutzer (1817 - 1868)
19. L'Aveu du Châtelain  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Text Authorship:
- by Victor Hugo (1802 - 1885), "Écoute moi, Madeleine", written 1825, appears in Odes et Ballades, in 6. Ballades - 1823-1828, no. 9
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Researcher for this page: Johann Gaitzsch20. Le Danube en colère  [sung text not yet checked]
Language: French (Français)
Belgrade et Semlin sont en guerre. Dans son lit, paisible naguère, Le vieillard Danube leur père S’éveille au bruit de leur canon. Il doute s’il rêve, il trésaille, Puis entend gronder la bataille, Et frappe dans ses mains d’écaille, Et les appelle par leur nom. « Allons ! la turque et la chrétienne ! Semlin ! Belgrade ! qu’avez-vous ? On ne peut, le ciel me soutienne ! Dormir un siècle, sans que vienne Vous éveiller d’un bruit jaloux Belgrade ou Semlin en courroux ! « Hiver, été, printemps, automne, Toujours votre canon qui tonne ! Bercé du courant monotone, Je sommeillais dans mes roseaux ; Et, comme des louves marines Jettent l’onde de leurs narines, Voilà vos longues couleuvrines Qui soufflent du feu sur mes eaux ! « Ce sont des sorcières oisives Qui vous mirent, pour rire un jour, Face à face sur mes deux rives, Comme au même plat deux convives, Comme au front de la même tour Une aire d’aigle, un nid d’autour. « Quoi ! ne pouvez vous vivre ensemble, Mes filles ? Faut-il que je tremble Du destin qui ne vous rassemble Que pour vous haïr de plus près, Quand vous pourriez, sœurs pacifiques, Mirer dans mes eaux magnifiques, Semlin, tes noirs clochers gothiques, Belgrade, tes blancs minarets ? « Mon flot, qui dans l’océan tombe, Vous sépare en vain, large et clair ; Du haut du château qui surplombe Vous vous unissez, et la bombe, Entre vous courbant son éclair, Vous trace un pont de feu dans l’air. « Trêve ! taisez-vous, les deux villes ! Je m’ennuie aux guerres civiles. Nous sommes vieux, soyons tranquilles. Dormons à l’ombre des bouleaux. Trêve à ces débats de familles ! Hé ! sans le bruit de vos bastilles, N’ai-je donc point assez, mes filles, De l’assourdissement des flots ? « Une croix, un croissant fragile, Changent en enfer ce beau lieu. Vous échangez la bombe agile Pour le koran et l’évangile ? C’est perdre le bruit et le feu : Je le sais, moi qui fus un dieu ! « Vos dieux m’ont chassé de leur sphère Et dégradé, c’est leur affaire ! L’ombre est le bien que je préfère, Pourvu qu’ils gardent leurs palais, Et ne viennent pas sur mes plages Déraciner mes verts feuillages, Et m’écraser mes coquillages Sous leurs bombes et leurs boulets ! « De leurs abominables cultes Ces inventions sont le fruit. De mon temps point de ces tumultes. Si la pierre des catapultes Battait les cités jour et nuit, C’était sans fumée et sans bruit. « Voyez Ulm, votre sœur jumelle : Tenez-vous en repos comme elle. Que le fil des rois se démêle, Tournez vos fuseaux, et riez. Voyez Bude, votre voisine ; Voyez Dristra la sarrasine ! Que dirait l’Etna, si Messine Faisait tout ce bruit à ses pieds ? « Semlin est la plus querelleuse : Elle a toujours les premiers torts. Croyez-vous que mon eau houleuse, Suivant sa pente rocailleuse, N’ait rien à faire entre ses bords Qu’à porter à l’Euxin vos morts ? « Vos mortiers ont tant de fumée Qu’il fait nuit dans ma grotte aimée, D’éclats d’obus toujours semée ! Du jour j’ai perdu le tableau ; Le soir, la vapeur de leur bouche Me couvre d’une ombre farouche, Quand je cherche à voir de ma couche Les étoiles à travers l’eau. « Sœurs, à vous cribler de blessures Espérez-vous un grand renom ? Vos palais deviendront masures. Ah ! qu’en vos noires embrasures La guerre se taise, ou sinon J’éteindrai, moi, votre canon. « Car je suis le Danube immense. Malheur à vous, si je commence ! Je vous souffre ici par clémence. Si je voulais, de leur prison, Mes flots lâchés dans les campagnes, Emportant vous et vos compagnes, Comme une chaîne de montagnes Se lèveraient à l’horizon ! » Certe, on peut parler de la sorte Quand c’est au canon qu’on répond, Quand des rois on baigne la porte, Lorsqu’on est Danube, et qu’on porte, Comme l’Euxin et l’Hellespont, De grands vaisseaux au triple pont ; Lorsqu’on ronge cent ponts de pierres, Qu’on traverse les huit Bavières, Qu’on reçoit soixante rivières Et qu’on les dévore en fuyant ; Qu’on a, comme une mer, sa houle ; Quand sur le globe on se déroule Comme un serpent, et quand on coule De l’occident à l’orient !
Text Authorship:
- by Victor Hugo (1802 - 1885), "Le Danube en colère", written 1828, appears in Les Orientales, no. 35
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Confirmed with Victor Hugo, Les Orientales, Ollendorf, 1912, 24, pages 738-742. Preceded by an epigraph reading
Admonet, et magna testatur voce per umbras. --Virgile.
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
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