by Rainer Maria Rilke (1875 - 1926)
À Merline
Language: French (Français)
À Merline Schloss Berg an Irchel, Canton de Zürich, seize décembre dixneufcentvingt, jeudi Oh mon Amie, toute chère, ...c'est encore vous, oh amoureuse de la terre et du ciel, que je chante! c'est encore la force de vos bras et c'est leur gloire ineffable d'obéir tant à votre cœur souverain, à votre coeur glorieux, À votre cœur antique et nouveau, votre cœur printanier et estival, à votre cœur qui, s'il ne portait pas cette floraison éblouissante, serait depuis longtemps une étoile, pas si terriblement grande que la Vénus, mais du mine feu, du même incendie céleste! Ce sept Mars 1921, mardi vous me parlez d'un “abime de souffrance" et de votre “tristesse”. J'aurais voulu être un soleil puissant pour sécher beaucoup d'larmes futures qu' vous préparez dans quelque vallée de votre cœur où il pleut constamment. Je suis si égoïste en ce moment qu'je désir(er)ais, non certes lire que vous êtes heureuse, mais au moins recevoir quelqu's preuves de votr’ tranquillité, de votr’ courage. Est-ce trop si je demande cela à la force de votre amour? Je serais tranquille si je savais que vous prenez votre vie sur vous. comme vous l'avez fait tout le temps à G... avec un si admirable énergie; voulez-vous m'écraser sous le poids du soupçon que c'est moi qui ai détruit en vous cet élan jeune et malgré tout joyeux? Faites-moi moins souffrir pour un temps, mon Amie, supportez-vous, laisser d'heureux souvenirs vous porter. Mon Dieu, si je pouvais vous montrer le sourire que vous aviez l'autre lundi au moment de nos adieux dans le train - c'est riche, à en vivre trois ans! Lundi matin, vingtetun mars disneufcentvingtetun Que j'aime cette feuille que tu as écrit comme sous la dictée du premier chant du merle - das ist wie ein seeliges Notenblatt, das ich einem Merle hier vorhalten möchte, er müsste es, vom Blatt weg, wiederholen können. Je vous vois à la fenêtre de la cuisine deviner les points jaunes du marronnier, et quand vous n'arez montré die gespreizten Finger-je les ai vus aussi. Comme c'est beau c'que vous n'avez écrit au commencement de votre dernière lettre: Wenn du mein Leben so verstehst, wie du'a da fühlst, so wird's dir noch ganz anders, als Du es ja geahnt hast, reich und erfüllend bleiben. Das einzige ist, dass Du in meiner Arbeit nie die Rivalin siehst und in dem, was sie von mir fordert , das Gesetz erkennst , dem wir alle unterworfen sind , desto mehr, je mehr wir gestei- gerten Herzens sind . Ce six juin 1921, Lundi, vers le soir Princesse ne s'est point encore annoncée mon “honorable protectrice” vous la nommez un peu malicieusement , car c'est cela qu'elle ne fut jamais - ; ne vous êtes - vous pas aperçue , amie , qu'il vous arrive toujours de parler avec quelque ironie ou même avec une incompréhensible dureté de ces personnes qui me sont chères par de longs rapports amicaux? Cela m'attriste pour la seule raison que cela rend à peu près impossible de vous parler d'elles, arglos und einfach comme cela ne vient. Je sais bien que c'est votre souffrance qui s'exprime decette façon ce n'est pas votre propre voix: mais ne croyez-vous pas que nous gagnons beaucoup en forçant notre douleur de ne chanter que ce que nous sommes...? Moi aussi, ma tendre Ante, je pourrais faire bien des torts si je permettais mon cœur de se venger de tout ce qu'il a dû souffrir depuis des mois; mais moi, au contraire, sans me vanter de cela, je dois avouer que je me réjouis quand vous me parlez de vos amis et que, même en ne les connaissant pas, je les aime au fur et à mesure que je vous sens aimée par eux. Ce vingtquatre décembre, Noël (le soir même) Mais la chose la plus étonnante et qui n'occupe tout le cœur, c'est ce dessin, ta peinture si inspirée, si légère, si rêveuse, cela est un miracle, vraiment, que tu aies pu faire cela. Il faut que tu me racontes comment cette idée t'est venus. À tout moment j'y cours pour revoir. Bonne nuit, Chérie, tu n'as fait la plus grande joie que nul n'eût pu imaginer. René
Authorship:
- by Rainer Maria Rilke (1875 - 1926) [author's text not yet checked against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Caroline Ansink (b. 1959), "À Merline", 1992, copyright © 1992 [ soprano, mezzo-soprano and instrumental ensemble ], from Liebe Freundinnen, chères amies, no. 9, Amsterdam : Donemus [sung text checked 1 time]
Researcher for this page: Joost van der Linden [Guest Editor]
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