by Charles-Marie-René Leconte de Lisle (1818 - 1894)
L'épée d'Angantyr
Language: French (Français)
Angantyr, dans sa fosse étendu, pâle et grave, À l’abri de la lune, à l’abri du soleil, L’épée entre les bras, dort son muet sommeil ; Car les aigles n’ont point mangé la chair du brave, Et la seule bruyère a bu son sang vermeil. Au faîte du cap noir sous qui la mer s’enfonce, La fille d’Angantyr que nul bras n’a vengé Et qui, dans le sol creux, gît d’un tertre chargé, Hervor, le sein meurtri par la pierre et la ronce, Trouble de ses clameurs le héros égorgé. HERVOR Angantyr, Angantyr ! c’est Hervor qui t’appelle. Ô Chef, qui labourais l’écume de la mer, Donne-moi ton épée à la garde de fer, La lame que tes bras serrent sur ta mamelle, Le glaive qu’ont forgé les Nains, enfants d’Ymer. ANGANTYR Mon enfant, mon enfant, pourquoi hurler dans l’ombre Comme la maigre louve au bord des tombeaux sourds ? La terre et le granit pressent mes membres lourds, Mon œil clos ne voit plus que l’immensité sombre ; Mais je ne puis dormir si tu hurles toujours. HERVOR Angantyr, Angantyr ! sur le haut promontoire Le vent qui tourbillonne emporte mes sanglots, Et ton nom, ô guerrier, se mêle au bruit des flots. Entends-moi, réponds-moi de ta demeure noire, Et soulève la terre épaisse avec ton dos. ANGANTYR Mon enfant, mon enfant, ne trouble pas mon rêve : Si le sépulcre est clos, l’esprit vole au dehors. Va ! Je bois l’hydromel dans la coupe des forts ; Le ciel du Valhalla fait resplendir mon glaive, Et la voix des vivants est odieuse aux morts. HERVOR Angantyr, Angantyr ! donne-moi ton épée. Tes enfants, hormis moi, roulent, nus et sanglants, Dans l’onde où les poissons déchirent leurs reins blancs. Moi, seule de ta race, à la mort échappée, Je suspendrai la hache et le glaive à mes flancs. ANGANTYR Mon enfant, mon enfant, restons ce que nous sommes : La quenouille est assez pesante pour ta main. Hors d’ici ! va ! La lune éclaire ton chemin. Ô femme, hors d’ici ! Le fer convient aux hommes, Et ton premier combat serait sans lendemain. HERVOR Angantyr, Angantyr ! rends-moi mon héritage. Ne fais pas cette injure à ta race, ô guerrier ! De ravir à ma soif le sang du meurtrier. Ou, sinon, par Fenris ! puisse le loup sauvage Arracher du tombeau tes os et les broyer ! ANGANTYR Mon enfant, mon enfant, c’est bien, ton âme est forte. La fille des héros devait parler ainsi Et rendre à leur honneur son éclat obscurci. Prends l’Épée immortelle, ô mon sang, et l’emporte ! Cours, venge-nous, et meurs en brave. La voici. Angantyr, soulevant le tertre de sa tombe, Tel qu’un spectre, les yeux ouverts et sans regards, Se dresse, et lentement ouvre ses bras blafards D’où l’épée au pommeau de fer s’échappe et tombe. Et le héros aux dents blanches dit : Prends et pars ! Puis, tandis qu’il s’étend sur le dos dans sa couche, Qu’il recroise les bras et se rendort sans bruit, Hervor, en brandissant l’acier qui vibre et luit, Ses cheveux noirs au vent, comme une ombre farouche, Bondit et disparaît au travers de la nuit.
Text Authorship:
- by Charles-Marie-René Leconte de Lisle (1818 - 1894), "L'épée d'Angantyr", appears in Poèmes barbares, no. 12 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Georges Sporck (1870 - 1943), "L'épée d'Angantyr", copyright © 1924 [ vocal duet with piano ], Éd. A. Quinzard & Cie [sung text not yet checked]
Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- CZE Czech (Čeština) (Jaroslav Vrchlický) , "Meč Angantyrův"
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2016-01-14
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