Cloris, pour ce petit moment D’une volupté frénétique, Crois-tu que mon esprit se pique De t’aimer éternellement ? Lorsque mes ardeurs sont passées La raison change mes pensées, Et perdant l’amoureuse erreur, Je me trouve dans des tristesses Qui font que tes délicatesses Commencent à me faire horreur. À voir tant fuir ta beauté, Je me lasse de la poursuivre, Et me suis résolu de vivre Avec un peu de liberté. Il ne me faut qu’une disgrâce, Qu’encore un trait de cette audace Qui t’a fait tant manquer de foi, Après tiens-moi pour un infâme Si jamais mes yeux ni mon âme Songent à s’approcher de toi. Je me trouve prêt à te voir Avec beaucoup d’indifférence, Et te faire une révérence Moins d’amitié que de devoir. Toutes les complaisances feintes Où tes affections mal peintes Ont trompé mes sens hébétés, Je les tiens pour faibles feintises, Et n’appelle plus que sottises Ce que je nommais cruautés. Je ne veux point te décrier Après t’avoir loué moi-même ; Ce serait tacher du blasphème L’autel où l’on m’a vu prier. T’ayant prodigué des louanges Que je ne devais qu’à des Anges, Je ne te les veux point ravir, Je les donne à ta tyrannie Pour déguiser l’ignominie Que j’ai soufferte à te servir. Je ne veux point mal à propos Mes vers ni ton honneur détruire ; Mon dessein n’est pas de te nuire, Je ne songe qu’à mon repos : Encore auras-tu cette gloire Que si la voix de ta mémoire Parle à quelqu’un de mes douleurs, On dira que ma servitude Respecta ton ingratitude Jusqu’au dernier de mes malheurs. J’ai souffert autant que j’ai pu, Je n’ai plus de nerfs pour tes gênes, Ni goutte de sang dans mes veines Qui ne brûle à petit feu : Je me sens honteux de mes larmes, Amour n’a déjà plus de charmes, Je suis pressé de toutes parts, Et bientôt, quoi que tu travailles, Je m’arracherai des entrailles Tout le venin de tes regards. Sachant bien que je meurs d’amour, Que je brûle d’impatience, As-tu si peu de conscience Que de m’abandonner un jour ? Après ton ingrate paresse, Si tu n’as que cette caresse Fatale à ma crédulité, Puisses-tu périr d’un tonnerre, Ou que le centre de la terre Cache ton infidélité ! Non, je ne saurais plus souffrir Cette liberté de vie ! Tout me blâme, et tout me convie De me plaindre et de me guérir. Aussi bien ta beauté se passe, Mon amitié change de face, L’ardeur de mes premiers plaisirs Perd beaucoup de sa violence, Ma raison et ta nonchalance Ont presque amorti mes désirs. Je sais bien que la vanité Qui te fait plaire en mes supplices Chercher encore dans tes malices De quoi trahir ma liberté. Encore tes regards perfides Préparent à mes sens timides L’effort de leur éclat pipeur, Et malgré le plus noir outrage, S’imaginent que mon courage Devant eux n’est que vapeur. Mais je fais le plus grand serment Que peut faire une âme bouillante De la fureur la plus sanglante Qui peut tourmenter un amant, Je jure l’air, la terre et l’onde, Je jure tous les dieux du monde Que ni force ni trahison, Ni m’outrager ni me complaire, N’empêcheront point ma colère De me donner ma guérison. Mon tourment ne t’émeut en rien, Ta fierté rit de ma mollesse, Je ne crois point qu’une déesse Eût un orgueil comme le tien. C’en est fait, je sens que mon âme Soupire sa dernière flamme, Tous ces regards sont superflus, Je ne vois rien, rien ne me touche, Je suis sans oreille et sans bouche, Laisse-moi, ne me parle plus.
Chansons d'amour - 2ème recueil
Song Cycle by Maxime Jacob (1906 - 1977)
1. Ode sur un baiser  [sung text not yet checked]
Text Authorship:
- by Théophile de Viau (1590 - 1626), "Ode", first published 1623
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Note: modernized spelling.Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
2. Les dédains
Voici le grand trophée, où les armes j'appens
. . . . . . . . . .
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Text Authorship:
- by Claude Expilly (1561 - 1636), "Desdains", appears in Les poèmes du sieur d'Expilly à madame la marquise de Monceaux, in 1. Sonnets, no. 1, Paris, Éd. A. Langellier, first published 1596
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3. Des baisers il nous faut  [sung text not yet checked]
De baisers il nous faut combattre, Donne, et prends-en deux, trois et quatre ; Longs, chauds, humides, savoureux ; Et puis mille autres file à file, Tous également amoureux. Mais plutôt brouillons-les sans compte : Notre amour rougirait de honte Si leur nombre était limité ; Que leur profusion les cache, Et que jamais on ne les sache Que par le mot d'infinité.
Text Authorship:
- by Anonymous / Unidentified Author, first published 1619
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From Le Cabinet des Muses.
Confirmed with Les poètes du Baiser : anthologie des poésies relatives au baiser du XVe siècle à nos jours, ed. by Marius Boisson, Paris : Louis-Michaud, 1912, page 59.
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4. Idylle  [sung text not yet checked]
Entre les fleurs, entre les lis, Doucement dormait ma Philis, Et tout autour de son visage Les petits amours, comme enfants, Jouaient, folâtraient, triomphants, Voyant des cieux la belle image. J'admirai toutes ses beautés, Egales à mes loyautés, Quand l'esprit me dit en l'oreille : Fou, que fais-tu ? le temps perdu Souvent est chèrement vendu ; S'on le recouvre, c'est merveille. Alors je m'abaissai tout bas, Sans bruit je marchai pas à pas, Et baisai ses lèvres pourprines : Savourant un tel bien, je dis Que tel est dans le paradis Le plaisir des âmes divines.
Text Authorship:
- by Jean Vauquelin de la Fresnaye (1536 - 1608), "Entre les fleurs", appears in Pastorales
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]5. Croyez‑moi, hâtons‑nous  [sung text not yet checked]
Croyez-moi, hâtons-nous, ma Sylvie, Usons bien des moments précieux ; Contentons ici notre envie, De nos ans le feu nous y convie : Nous ne saurions, vous et moi, faire mieux. Quand l'hiver a glacé nos guérets, Le printemps vient reprendre sa place, Et ramène à nos champs leurs attraits ; Mais, hélas ! quand l'âge nous glace, Nos beaux jours ne reviennent jamais. Ne cherchons tous les jours qu’à nous plaire, Soyons-y l’un et l’autre empressés ; Du plaisir faisons notre affaire, Des chagrins songeons à nous défaire ; Il vient un temps où l’on en prend assez. Quand l’Hiver a glacé nos guérets, Le Printemps vient reprendre sa place, Et ramène à nos champs leurs attraits, Mais hélas ! quand l’âge nous glace, Nos beaux jours ne reviennent jamais.
Text Authorship:
- by Jean-Baptiste Pocquelin (1622 - 1673), as Molière, no title, appears in La pastorale comique, Second air de Coridon
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]6. Pauvres amants, quelle erreur  [sung text not yet checked]
Pauvres amants, quelle erreur D’adorer des inhumaines ? Jamais les âmes bien saines Ne se payent de rigueur ; Et les faveurs sont les chaînes Qui doivent lier un cœur. On voit cent belles ici, Auprès de qui je m’empresse ; À leur vouer ma tendresse, Je mets mon plus doux souci ; Mais, lors que l’on est tigresse, Ma foi, je suis tigre aussi.
Text Authorship:
- by Jean-Baptiste Pocquelin (1622 - 1673), as Molière, no title, written 1667, appears in Le sicilien ou l'amour peintre
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]7. Avril  [sung text not yet checked]
Avril, l'honneur [et]1 des [bois]2 Et des mois : Avril, la douce espérance Des fruicts qui sous le [coton Du bouton]3 Nourissent leur jeune enfance. Avril, l'honneur des prez verds, Jaunes, pers, Qui d'une humeur bigarrée Emaillent de mille fleurs De couleurs, Leur parure diaprée. Avril, l'honneur des soupirs Des Zéphyrs, Qui sous le vent de leur ælle Dressent encor és forests Des doux rets, Pour ravir Flore la belle. Avril, c'est ta douce main Qui du sein De la nature desserre Une moisson de senteurs, Et de fleurs, Embaumant l'Air et la Terre. Avril, l'honneur verdissant, Florissant Sur les tresses blondelettes De ma Dame et de son sein, Tousjours plein De mille et mille fleurettes. Avril, la grace, et le ris De Cypris, Le flair et la douce haleine: Avril, le parfum des Dieux, Qui des cieux Sentent l'odeur de la plaine. C'est toy courtois et gentil, Qui d'exil Retires ces passagéres, Ces arondelles qui vont, Et qui sont Du printemps les messagéres. L'aubespine et l'aiglantin, Et le thym, L'œillet, le lis et les roses En ceste belle saison, A foison, Monstrent leurs robes écloses. Le gentil rossignolet, Doucelet, Découpe [dessous]4 l'ombrage Mille fredons [babillars, Frétillars]5, Au doux chant de son ramage. C'est à ton heureux retour Que l'amour Souffle à doucettes haleines, Un feu croupi et couvert, Que l'hyver Receloit dedans nos veines. Tu vois en ce temps nouveau L'essaim beau De ces pillardes avettes Volleter de fleur en fleur, Pour l'odeur Qu'ils mussent en leurs cuissettes. May vantera ses fraischeurs, Ses fruicts meurs, Et sa feconde rosée, La manne et le sucre doux, Le miel roux, Dont sa grace est arrosée. Mais moy je donne ma voix A ce mois, Qui prend le surnom de celle Qui de l'escumeuse mer Veit germer Sa naissance maternelle.
Text Authorship:
- by Rémy Belleau (1527/8 - 1577), "Avril", written 1560, appears in La bergerie
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Bertram Kottmann) , "April", copyright © 2006, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "April", copyright © 2006, (re)printed on this website with kind permission
Leguerney uses a modernized version: fruicts -> fruits ; prez verds -> prés verts
1 omitted by Godard2 Thomas: "fleurs"
3 Thomas: "bouton/ Du couton"
4 Thomas: "sous"
5 Thomas: "gazouillants/... Et brillants"
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