On dansait sur le pont du Nord Et la bise y soufflait si fort Qu’elle enleva la Marjolaine, La Marjolaine et la futaine De sa jupe et ses bas de laine ; Et le nuage en son essor La frôlait, et loin de la ville La pauvre fille vole et file Toujours plus dru, toujours plus fort. Elle tourbillonne et s’écrie : « Jésus et Madame Marie, Puisque je vogue vers la mort, Faites qu’aussitôt étourdie De ma chute, j’entre brandie Dans votre ciel étoilé d’or. » Et, sous la nue âpre et glacée, Voilà la prière exaucée : Au clocher de Saint -Évremond, La Marjolaine, âme éperdue, Reste tout à coup suspendue Par un accroc de son jupon. Par la nuit froide et pluvieuse La gargouille silencieuse Prend soudain parole et lui dit : « Peu résistante est la futaine, Songe à ton heure, hélas ! prochaine, Entends-tu rire le Maudit ? » Et sous le vent rageur d’automne, La belle s’épeure et frissonne Au-dessus du vide entr’ouvert. Elle compte dans la nuit brune Les toits bleuissants sous la lune Et les saints du parvis désert. Et le Maudit déjà ricane, Quand un parfum monte et s’émane, De benjoin, d’encens et de nards, Et portant à la main des palmes, Dans l’espace et sous le ciel calmes Ascensionnent de grands vieillards ; De grands vieillards en robe blanche, Dont le front chauve oscille et penche Sur des chapes de lourds brocarts. Et puis ce sont par théories Des vierges en robes fleuries D’étoiles et de lys épars. Les fronts sont nimbés d’auréoles De longs archanges en étoles Font cortège, et de purs regards D’azur sombre, où l’on sent des âmes, Sillonnent de grands traits de flamme La nuit, la lune et ses brouillards. Et cela monte avec des psaumes Et des noëls, anges, fantômes De vierges saintes et d’élus, Et conduit en cérémonie La Marjolaine à l’agonie Dans le paradis de Jésus.
Trois adaptations musicales sur des vers
by Gabriel Pierné (1863 - 1937)
1. La marjolaine  [sung text checked 1 time]
Authorship:
- by Paul Duval (1855 - 1906), as Jean Lorrain, "La marjolaine", appears in Contes pour lire à la chandelle
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Researcher for this page: Johann Winkler2. Nuit divine  [sung text not yet checked]
La nuit est bleue et chaude, et le calme infini... Roulé dans son manteau, le front sur une pierre, Joseph dort, le coeur pur, ayant fait sa prière, Et l'âne à ses pieds est comme un humble ami. Entre les pieds du Sphynx appuyée à demi, La vierge pâle et douce, à fermé la paupière; Et, dans l'ombre, une étrange et suave lumière Sort du petit Jésus dans ses bras endormi. Autour d'eux le désert songe mysterieux; Et tout est si tranquille a cette heure, en ces lieux Qu'on entendrait l'enfant respirer sous ses voiles. Nul souffle... La fumée immobile du feu Monte ainsi qu'un long fil se perd dans l'air bleu... Et le Sphynx éternel atteste les étoiles.
Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Le Repos en Égypte", appears in Le chariot d'or, in 1. La symphonie héroïque, in 1. Évocations, no. 10, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1901
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Nathalie Paulin) , copyright © 2008, (re)printed on this website with kind permission
- ITA Italian (Italiano) (Ferdinando Albeggiani) , "Il riposo in Egitto", copyright © 2008, (re)printed on this website with kind permission
3. Noël  [sung text not yet checked]
Ainsi qu'ils le font chaque année, En papillotes, les pieds nus, Devant la grande cheminée, Les bébés roses sont venus. A minuit, chez les enfants sages, Le joli Jésus, qu'à genoux On adore sur les images, Va, les mains pleines de joujoux, Du haut de son ciel bleu descendre ; Et, de crainte d'être oublié, Les bébés roses, dans la cendre, Ont mis tous leurs petits souliers. Derrière une bûche, ils ont même, Tandis qu'on ne les voyait pas, Mis par précaution suprême, Leurs petits chaussons et leurs bas. Puis leurs paupières se sont closes A l'ombre des rideaux amis... Les bébés blonds, les bébés roses, En riant se sont endormis. Et jusqu'à l'heure où l'aube enlève Les étoiles du firmament, Ils ont fait un joli rêve, Qu'ils riaient encore en dormant. Ils rêvaient d'un pays magique Où l'alphabet fut interdit. Les arbres étaient d'angélique, Leurs maisons, de sucre candi. Et sur les trottoirs de réglisse, On rencontrait - c'était charmant ! Des bonshommes de pain d'épice, Qui vous saluaient gravement. Dans ce doux pays de féerie, A Guignol, on va chaque jour, Et l'on voit, sur l'herbe fleurie, Les lapins jouer du tambour ! Sur de hautes escarpolettes, Bercé par les anges, on dort. Là, tous les chiens ont des roulettes, Tous les moutons, des cornes d'or. Mais, comme venait d'apparaître En personne, le Chat botté, Le jour, entrant par la fenêtre, A mis fin au rêve enchanté... Alors, en d'adorables poses, S'étirant sur leurs oreillers, Les bébés blonds, les bébés roses, En riant se sont éveillés.
Authorship:
- by Louise-Rose Gérard (1866 - 1953), as Rosemonde Gérard, "Noël", appears in Les pipeaux, in 2. Petits poèmes, Paris, Éd. Alphonse Lemerre, first published 1889
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Confirmed with Rosemonde Gérard, Les Pipeaux, Paris, Alphonse Lemerre, 1889, pages 75-78.
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]