La cigale, ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. «Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'août, foi d'animal, Intérêt et principal.» La Fourmi n'est pas prêteuse; C'est là son moindre défaut. «Que faisiez-vous au temps chaud? Dit-elle à cette emprunteuse. -- Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. -- Vous chantiez? j'en suis fort aise. Et bien! dansez maintenant.»
Hommage à Jean de laFontaine
Song Cycle by Ida Rose Esther Gotkovsky (b. 1933)
2. La cigale et la fourmi  [sung text not yet checked]
Text Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "La cigale et la fourmi", written 1668, appears in Fables
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- ENG English (Emily Ezust) , "The grasshopper and the ant", copyright © 2016
- ENG English (Grant Hicks) , copyright © 2025, (re)printed on this website with kind permission
See also La cigale vengée.
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3. Les Poissons et le Berger qui joue de la flûte  [sung text not yet checked]
Tircis qui pour la seule Annette Faisait résonner les accords D’une voix et d’une musette1, Capables de toucher les morts, Chantait un jour le long des bords D’une onde arrosant des prairies, Dont Zéphire2 habitait les campagnes fleuries. Annette cependant à la ligne pêchait ; Mais nul poisson ne s’approchait. La Bergère perdait ses peines. Le Berger qui para ses chansons Eût attiré des inhumaines, Crut, et crut mal, attirer des poissons. Il leur chanta ceci : Citoyens de cette onde, Laissez votre Naïade en sa grotte profonde. Venez voir un objet mille fois plus charmant. Ne craignez point d’entrer aux prisons de la Belle : Ce n’est qu’à nous qu’elle est cruelle : Vous serez traités doucement, On n’en veut point à votre vie : Un vivier vous attend plus clair que fin cristal. Et quand à quelques-uns l’appât serait fatal, Mourir des mains d’Annette est un sort que j’envie. Ce discours éloquent ne fit pas grand effet : L’auditoire était sourd aussi bien que muet. Tircis eut beau prêcher : ses paroles miellées S’en étant aux vents envolées, Il tendit un long rets. Voilà les poissons pris, Voilà les poissons mis aux pieds de la Bergère. Ô vous Pasteurs d’humains et non pas de brebis : Rois qui croyez gagner par raisons les esprits D’une multitude étrangère, Ce n’est jamais par-là que l’on en vient à bout : Il y faut une autre manière. Servez-vous de vos rets, la puissance fait tout.
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- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "Les Poissons et le Berger qui joue de la flûte", appears in Fables, first published 1678
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musette = Instrument de musique à ventZéphire = Dieu du vent"
Rois = Allusion probable aux évènements politiques de l'époque : Charles II, roi d'Angleterre, avait été amené par son Parlement à cesser son alliance avec Louis XIV dans la Guerre de Hollande.
Confirmed with Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 411
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4. Le rat de ville et le rat des champs  [sung text not yet checked]
Autrefois le Rat de ville Invita le Rat des champs, D'une façon fort civile, A des reliefs d'Ortolans. Sur un Tapis de Turquie Le couvert se trouva mis. Je laisse à penser la vie Que firent ces deux amis. Le régal fut fort honnête, Rien ne manquait au festin ; Mais quelqu'un troubla la fête Pendant qu'ils étaient en train. A la porte de la salle Ils entendirent du bruit : Le Rat de ville détale ; Son camarade le suit. Le bruit cesse, on se retire : Rats en campagne aussitôt ; Et le citadin de dire : Achevons tout notre rôt. - C'est assez, dit le rustique ; Demain vous viendrez chez moi : Ce n'est pas que je me pique De tous vos festins de Roi ; Mais rien ne vient m'interrompre : Je mange tout à loisir. Adieu donc ; fi du plaisir Que la crainte peut corrompre.
Text Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "Le rat de ville et le rat des champs", written 1668, appears in Fables
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]5. La jeune Veuve  [sung text not yet checked]
La perte d'un époux ne va point sans soupirs. On fait beaucoup de bruit, et puis on se console. Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole ; Le Temps ramène les plaisirs. Entre la Veuve d'une année Et la Veuve d'une journée La différence est grande : on ne croirait jamais Que ce fût la même personne. L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits. Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne ; C'est toujours même note et pareil entretien : On dit qu'on est inconsolable ; On le dit, mais il n'en est rien, Comme on verra par cette Fable, Ou plutôt par la vérité. L'Epoux d'une jeune beauté Partait pour l'autre monde. À ses côtés sa femme Lui criait : Attends-moi, je te suis ; et mon âme, Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler. Le Mari fait seul le voyage. La Belle avait un père, homme prudent et sage : Il laissa le torrent couler. À la fin, pour la consoler, Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes : Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des noces ces transports ; Mais, après certain temps, souffrez qu'on vous propose Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt. -- Ah ! dit-elle aussitôt, Un Cloître est l'époux qu'il me faut. Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Un mois de la sorte se passe. L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure. Le deuil enfin sert de parure, En attendant d'autres atours, Toute la bande des Amours Revient au colombier : les jeux, les ris, la danse, Ont aussi leur tour à la fin. On se plonge soir et matin Dans la fontaine de Jouvence. Le Père ne craint plus ce défunt tant chéri ; Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle : Où donc est le jeune mari Que vous m'avez promis ? dit elle.
Text Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "La jeune Veuve", appears in Fables
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]6. Le savetier et le financier  [sung text not yet checked]
Un Savetier chantait du matin jusqu'au soir : C'était merveille de le voir, Merveilles de l'ouïr; il faisait des passages, Plus content qu'aucun des sept sages. Son voisin au contraire, [étant]1 tout cousu d'or, [Chantait]2 peu, [dormait]3 moins encore. C'était un homme de finance. Si sur le point du jour, parfois il sommeillait, Le Savetier alors en chantant l'éveillait, Et le Financier se plaignait Que les soins de la Providence N'eussent pas au marché fait vendre le dormir, Comme le manger et le boire. En son hôtel il fait venir Le Chanteur, et lui dit : Or çà, sire Grégoire, Que gagnez-vous par an ? Par an ! Ma foi, monsieur, Dit avec un ton de rieur Le gaillard Savetier, ce n'est point ma manière De compter de la sorte ; et je n'entasse guère Un jour sur l'autre : il suffit qu'à la fin J'attrape le bout de l'année : Chaque jour amène son pain. Et bien, que gagnez-vous, dites-moi, par journée ? Tantôt plus, tantôt moins, le mal est que toujours (Et sans celà nos gains seraient assez honnêtes), Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours Qu'il faut chômer ; [on]4 nous ruine en fêtes. L'une fait tort à l'autre ; et monsieur le curé De quelque nouveau saint charge toujours son prône. Le Financier, riant de sa naïveté, Lui dit : Je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône. Prenez ces cent écus : gardez-les avec soin, Pour vous en servir au besoin. Le Savetier crût voir tout l'argent que la terre Avait, depuis plus de cent ans Produit pour l'usage des gens. Il retourne chez lui ; dans sa cave il enserre L'argent et sa joie à la fois. Plus de chant ; il perdit la voix Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines. Le sommeil quitta son logis, Il eut pour hôtes les soucis, Les soupçons, les alarmes vaines. Tout le jour il avait l'œil au guet; et la nuit, Si quelque chat faisait du bruit, Le chat prenait l'argent : à la fin le pauvre homme S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus. Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme, Et reprenez vos cent écus.
Text Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "Le savetier et le financier"
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View original text (without footnotes)Confirmed with Textes classiques de la littérature Française ... par J. Demogeot, Paris, 1889.
1 Viardot-García: "était"2 Viardot-García: "Dormait"
3 Viardot-García: "chantait"
4 Viardot-García: "L'on"
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