Ô nuit, berceuse d'harmonies, Nuit dont les graves symphonies, Trame sonore aux fins réseaux, Déroulent, molles ou stridentes, Les désespoirs de leurs andantes, Les ris narquois de leurs scherzos ! Nuit musicale, ô nuit muette, De ta main dolente et coquette Effleurant notre front pâli, Tu cicatrises nos blessures, Contre ton sein tu nous rassures, Tes pavots nous versent l'oubli. L'esprit que ton souffle délivre, S'envole et plus haut se sent vivre, Plus loin de l'homme aux vains combats, Dans l'air pur, où, d'un coup d'aile, Porté par ton charme fidèle, Il monte s'affranchir d'en bas.
Musiques extraits de "Crépuscules et Nocturnes"
Song Cycle by Maurice Emmanuel (1862 - 1938)
1. Prélude
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer2. Vibrations
Passer aimant et doux, chaste, immatériel, Le long des sentiers verts qu'azure un coin du ciel, En un rêve si pur, un tel frisson d'extase Que, d'un nimbe d'amour ceint et transfiguré, L'univers à nos yeux s'auréole, s'embrase Et, pu cent voix, entonne un crescendo sacré ! Apercevoir le monde, où le décor des formes Absorbe tant d'esprits, ainsi qu'un grand concert Où les vibrations d'instruments lourds, énormes, Seules mettent un sens et, s'essaimant dans l'air, Gazouillements, parfums, couleurs, tout ce qui grise, Tout ce qui tord le coeur, souffrances, voluptés, Désirs, espoirs, remords, rêves tôt avortés, Font, en se combinant, une harmonie exquise !.. Puis, quand on a chanté sa note en ce chant pur, Qu'on a mis tout soi-même en un élan rythmique, Un soir, comme un nuage au fond du clair azur, Comme un accord mourant d'enivrante musique En modulations disparaître, et se fondre.
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer3. Le vieux coucou
Tic tac, tic tac, tic tac, tic tac! Lancinante et bavarde horloge, Chemineau que le temps déloge, Qu'as-tu de nouveau dans ton sac ? Tic tac! Voyez, dans le silence, Comme impitoyable et passif, Travaillant à coup de canif, Ce battant maudit sa balance! Tic tac! du temps qui fuit, plus rien! Au panier la seconde morte ; Il n'est pas besoin qu'on l'emporte : Elle succombe, une autre vient! Tic tac, tic tac! Oh le mystère, L'énigme atroce de l'instant Inconnu, vers nous se hâtant!... Oh! l'arrêter, la faire taire!...
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer4. Sous les pins
Le grincement des pins qu'entrechoque le vent, Leur craquement soudain passent comme une alerte dans la triste forêt assombrie et déserte ; On ne sait quel travail fait ce bruit décevant... C'est comme un cabestan qui tire sur la corde. Et la brise glacée avec ce bruit s'accorde : Nous somme sur la mer, livrés aux flots mouvants, Aux flots dont le remous grince en nous soulevant !... Nous sommes sur la mer; dans l'immense étendue Notre barque fragile est branlante et perdue ; Nous courons l'Océan dans la terrible nuit, Portés, où, qui le sait : l'ouragan nous conduit... Nous sommes emportés par l'afflux du vertige, D'un vol inconscient, vers l'éternel repos ; Et ce bruit, ce seul bruit, c'est, infernal prodige, Le ver qui se hâtant, nous décharne les os !...
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer5. Résonances
Comme, à l'heure où tout dort, dans la salle déserte, Où l'invisible essor des rythmes se concerte, Les mornes instruments, nocturnes pèlerins, Harpes et violons, cymbales, tambourins, Contrebasses, altos, tout l'orchestre- silence, Dont le rêve inquiet la nuit au loin s'élance, Parfois, pour un accord passant d'un lent frisson, S'ébranlent et, pieux, vibrent à l'unisson : Ainsi, de l'océan barques désemparées, Les âmes, par l'espace et le temps séparés, Peuvent, à certains mots que prononce un esprit Pour un ordre entendu dans leur sommeil flétri, Un souffle qui les frôle en sa lente caresse, Sentir toutes ensemble un élan qui les dresse, Toutes ensemble aimer, espérer, s*attendrir, Ensemble ayant souffert, ensemble se guérir !
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer6. Invitation à la valse
Les masques souriants qu'elles mettent le soir Avec leur jupe neuve et leurs fleurs au corsage Pour valser quelques tours, écouter au passage Des mots indifférents et revenir s'asseoir Le coeur un peu troublé près de leur mère sage ; Ces masques souriants, dont le regard s'enfuit Et qui ne parlent pas, les font toutes pareilles Comme les fleurs des champs, roses, blanches, vermeilles, Ont des calices gris qui les voilent la nuit. Cependant il est doux, si peu qu'on en jouisse, De tourner en disant des mots qu'on entends pas, Mais que l'on dit plus près et que l'on dit tout bas Jusqu'à ce que le monde entier s'évanouisse En un rêve confus entraîné sur vos pas.
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer7. Villanelle du temps passé
L'avenir a des airs altiers; Le futur prétend qu'on l'encense ; Et l'on suppose volontiers En voyant lever la semence Que demain la moisson commence. Mais, pour guérir un coeur lassé, La chanson douce est la romance, La romance du temps passé. Qu'importe que nos héritiers Voient plus loin! Je frémis d'avance En songeant avec grand pitié Combien ils verront de démence Et de laideur. O providence, Merci d'en être dispensé! La chanson douce est la romance, La romance du temps passé! Aller plus vite! Et les sentiers De fine mousse ; et l'ombre dense Où l'amour fait de deux moitiés Un tout que bénit la clémence De l'azur immuable, intense!... Marchons pas à pas enlacés! La chanson douce est la romance, La romance du temps passé! Aurez-vous dattes sans dattier, Sans rosier rose ? est-ce prudence D'attendre que tous soient rentiers, Du travail obtenant dispense Et sans fourneau faisant bombance ? Le bonheur veut qu'on l'ait forcé! La chanson douce est la romance, La romance du temps passé! Bah, cherchez, flûteurs et luthiers! Choisissez la plus rare essence, Des fils vibrants, de fins boîtiers! Tous vos calculs pour mener danse Ne vaudront pas une cadence Où l'écho des temps a passé! La chanson douce est la romance, La romance du temps passé!
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer8. Berceuse
Ils dorment dans leurs berceaux blancs; Ils dorment, doux oiseaux tremblants, Bourgeons de vie; Ils dorment, notre joie en eux, De vagues songes lumineux L'âme ravie; Il sont l'amour, lis sont l'esprit, Ils sont ce qui chante et fleurit, Ils sont la sève Qui, dans les troncs hier tout nus, Mettant des frissons inconnus, Chaude s'élève. Oh, dormez bien, dormez si calmes! Nos orgueil, nos hochets, nos palmes, Tout est pour vous! Soin, travail, souci, crainte vaine, Quand c'est de vous que vient la peine, Semblent si doux! Dormez! la monstrueuse bête, L'avenir dans l'ombre vous guette, Pauvres petits! Contre sa dent féroce, étrange, Sa mâchoire qui broie et mange, Ses appétits. Que pouvons-nous? Que peut la mère? Oh, dormez; laissez la chimère Baiser vos fronts! Blottissez-vous, que je vous cache! Moi seul, hélas, que je les sache, Ces réveils prompts, Ces écroulements où tout sombre!... Pour vous le jour; oh, pour moi l'ombre! Dormez, dormez! Je voudrais éterniser l'heure, Où, sur vous penché, je demeure, Mes bien-aimés!...
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer9. Marche au bonheur
Vers la joie, en avant! Torche au vent! Se pressant, se suivant, Les clairons, les tambours, à la tête, sans arrêt vont jouant pour la fête. Le cortège à grand bruit Part la nuit, S'écriant : « Le jour luit! » Et, gaîment, la peau d'âne ou le cuivre Clame : « Joie! O bonheur vivre, oh vivre! » Vins et fleurs, baisers fous! Garde à vous! Serrez bien les rangs tous! Les traînards sont aux loups en pâture!... Bah, qui marche a gagné l'aventure! Et l'on marche, et l'on rit À grand cri Et l'on fait de l'esprit Qui faiblit de la mort connaît l'affre!... Serrons-nous; moins on est plus on bâfre! Il est long, ce chemin, Genre humain! Aujourd'hui, puis demain!...
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer10. Valse hongroise
Langoureuse et molle, elle s'enlève Comme un rêve, La valse muette au rythme lent, Nonchalant. Elle a la douceur, la poésie De l'Asie; C'est comme un parfum des fleurs la nuit Qui s'enfuit ; C'est comme un ramier aux ailes blanches Dans les branches Ou comme un nuage au gré du vent Se mouvant. Puis d'un coup d'archer, elle s'effare, En fanfare, S'emporte, bondit de volupté, De fierté ; Devient vertige où tout s'efface, Une chasse. Une ivresse folle avec des flots De sanglots. La valse reprend douce comme un songe Et s'allonge Comme un frisson d'air, le long des roseaux Sur les eaux.
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Faith J. Cormier) , "Hungarian waltz", copyright © 2006, (re)printed on this website with kind permission
11. Des mots! Des mots!
Aimons des mots les chansons folles! Aimons les mots en farandoles, Les mots, les fiers, les sveltes mots, Qui brillent, luisent et chatoient, Dont les allégresses déploient Des colliers scintillants d'émaux ! Les faits sont tous mélancoliques, Et la raison qui les explique Laisse un arrière-goût amer. Les mots, guéris de leurs pensées, Ont des souplesses cadencées, Pareilles aux voix de la mer. Organisons des symphonies ! Accordez-vous en harmonies. Mes amis, mes musiciens ! Discours, sermon, précepte lasse, Oubliez tout ; la contrebasse, La viole et le violon, Le hautbois, la flûte amoureuse, Sauront, sans rhétorique creuse, Sans argument maussade et long, Par les seules vertus magiques Du rythme aux effluves mystiques, Aux caresses de voluptés, Amuser jusqu'à la nuit close, Malgré la science qui glose, Nos coeurs de jeunesse entêtés.
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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Researcher for this page: Olivier Gratzer12. Postlude
Ô doux baiser de la lumière, Ô flamme, ô feu, source première De toute vie et toute ardeur, Clarté divine, enchanteresse, O voluptueuse caresse, Parfum des cieux, pure splendeur !... Tu luis, soleil : tout est propice ; Le pied, qui longe un précipice, Ne tremble pas ; le coeur puissant Bat largement et se déploie ; Le but sourit ; l'effort est joie ; L'orgueil promet ; l'amour consent ! Tristesse au loin, fantôme blême ! Doute, va-t-en point de problème ! Arrière, ennui Mort, cache-toi ! L'espoir chantant montre la route ; Ce fol ami, comme on l'écoute ! Le pas est ferme ; on a la foi !...
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- by Louis de Launay (1860 - 1938)
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