Cette rose, je l'ai cueillie ici,
Dans un pays [lointain]1,
Tendre [amie]2, à toi, ah, à toi,
Je l'offrirais si volontiers!

Pourtant pour arriver jusqu'à toi
Il y a de longs et nombreux milles,
La rose depuis longtemps serait fanée;
Car les roses sont pressées.

Jamais l'amoureux ne doit s'aventurer
Plus loin de son amour,
Que dans sa main une rose en fleur
Ne pourrait le supporter.

Ou que le rossignol
Qui rapporte une brindille au nid,
Ou que son doux chant
Porté par le vent d'ouest.

Sapins sauvages, rabougris, sombres,
La source ne cesse de gémir doucement  ;
Mon cœur, c'est le bon endroit
Pour ta douloureuse renonciation !

Dans les branches un oiseau gris
Solitaire chante ta plainte,
Et à tes interrogations,
La forêt, muette, n'apporte pas de réponse.

Même si le silence règne toujours,
Ne cesse pas de gémir ; l'esprit de l'amour
Qui t'écoute et te comprend
Souffle ici doucement.

Mon cœur, tes larmes secrètes
Tombent dans la mousse sans se perdre,
Dieu comprend ton amour,
Profond, désespéré !

Ne passe pas si vite au-dessus
De cette calme lande,
Ne passe pas si craintif au-dessus
De ma profonde douleur,
Toi, nuage, là-haut,
Reste silencieux devant ma peine !

Et dans ton voyage, emporte
Ce message pour elle :
Mon cœur, ce pauvre orphelin
Saigne d'une blessure
Que l'infidèle m'a infligées
Par ses tromperies.

Et si en chemin
Tu passes devant sa maison,
Alors déverse-toi en pluie
Tout autour, avec grand bruit,
Pour qu'au milieu de la nuit
Elle sorte de ses rêves.

Frappe aux carreaux de la fenêtre
Et frappe à sa porte,
Et rappelle à la traîtresse
Le serment
Qu'elle m'a fait en pleurant,
Et qu'elle a brisé en riant.

Et si elle ne veux pas t'entendre,
Alors d'où tu es, Tonnerre
Tu peux t'indigner ;
Et vous, tous les éclairs,
Si vous passez à-côté d'elle,
Secouez-lui les paupières.