by Jean Richepin (1849 - 1926)
Je n'oublierai jamais ton premier mot...
Language: French (Français)
Je n'oublierai jamais ton premier mot d'amour, Quoi qu'il m'en ait coûté d'en avoir fait ma bible. Aux regrets, aux remords, je saurai rester sourd. Je ne penserai pas à ce qui fut terrible, Mais à ce qui fut doux, n'aurait-ce été qu'un jour. Je n'oublierai jamais ta caresse première. Ni le mal enduré, ni le temps, ni l'oubli N'en terniront la pure et lointaine lumière. Au livre de mon sort j'ai fait un large pli Pour y mettre le cœur de ma rose trémière. Je n'oublierai jamais notre premier printemps, Lorsque le ciel, le bois, le soleil qui se couche, Tout me parut plus beau dans tes yeux éclatants, Lorsque je buvais l'air au sortir de ta bouche. Je n'oublierai jamais, quand je vivrais cent ans. Les oiseaux se grisaient au suc d'or des corolles ; Mille chansons dansaient avec mille couleurs. Car, rien que pour avoir écouté nos paroles, Les oiseaux étaient fous, folles étaient les fleurs. Nos paroles, hélas ! étaient encor plus folles. Nous étions à cette heure absurde qu'on bénit, Où l'on croit que tout passe et que l'amour demeure. Où l'on arrange son avenir comme un nid. Pauvres, pauvres enfants, nous étions à cette heure Où l'on commence avec ce mot : Rien ne finit. Mais non ! je ne veux pas réveiller ma rancune, O ma maîtresse, ô ma bien-aimée, ô ma sœur ! Des souffrances d'antan je n'en irrite aucune. Je veux me rappeler seulement la douceur De tes baisers pareils à des baisers de lune. Je veux me rappeler aussi ton corps divin, Ton corps que mes désirs avaient pris pour leur crèche. Le parfum de ta peau plus capiteux qu'un vin. Les effluves troublants de ta gorge si fraîche, Et notre lit fougueux creusé comme un ravin. Je veux me rappeler. Je veux souvent descendre Au plus profond de mon souvenir adoré. Et quand je serai vieux, laid, froid, tel qu'un Cassandre, Au feu de mon avril je me réchaufferai, Car je saurai toujours le trouver sous la cendre. Quand l'hiver et la mort viendront dans ma maison, Je me rappellerai notre saison première. Je n'aurai qu'à souffler sur le dernier tison Pour emplir ma pensée et mon cœur de lumière, Et pour mourir en paix dans un clair horizon.
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Text Authorship:
- by Jean Richepin (1849 - 1926), "Le bon souvenir", written 1877, appears in Les Caresses, in 4. Nivôse, no. 33, Paris, Éd. M. Dreyfous, first published 1882 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Auguste Chapuis (1858 - 1933), "Premier souvenir", 1888, published c1889 [high voice and piano], from Les caresses, no. 10, Paris, Léon Grus [ sung text not verified ]
- by Paul-Charles-Marie Curet (1848 - 1917), as Paul Puget, "Éternel souvenir", published 1884 [medium voice and piano], from Vingt mélodies, Vol. 2, no. 7, Paris, Éd. Henry Lemoine [ sung text not verified ]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2016-01-12
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