Oh que j'aime mon rouet !
Oh que j'aime ma quenouille et ma bobine,
Qui m'habille bien, des pieds à la tête,
Et m'enveloppe confortablement et chaudement le soir !
Je vais m'installer et chanter et filer,
Tandis que le soleil d'été descend sur l'horizon,
Pourvue de plaisir, de lait et de farine,
Oh que j'aime mon rouet !

De chaque côté, les flots courent
Et se rejoignent sous ma chaumière.
Le bouleau odorant et la blanche aubépine
Marient leurs bras au-dessus de l'étang,
Comme pour masquer le nid des petits oiseaux
Et rafraîchir le repos des petits poissons :
Le soleil brille gentiment dans l'abri
Où je fais gaiement tourner mon rouet.

Sur les grands chênes la palombe gémit,
Et Écho prolonge sa triste histoire ;
Les linottes dans les noisetiers de la côte,
Ravies, entre elles rivalisent de chants :
Le râle des genêts dans le foin à trèfle,
La perdrix vrombissant au-dessus de la prairie,
L'hirondelle se jetant autour de mon abri,
Me divertissent à mon rouet.

Avec peu à vendre, et moins à acheter,
Au-dessus de la détresse, en-dessous de l'envie,
Ô, qui quitterait cet humble état
Pour toute la splendeur de tous les Grands ?
Au milieu de leurs jouets flamboyants, immobiles,
Au milieu de leurs joies confuses, bruyantes,
Peuvent-ils ressentir la paix et le plaisir
De Bessy à son rouet ?