by Louis-Henri Murger (1822 - 1861)
Le chien du braconnier
Language: French (Français)
Pour fortune sur cette terre, Où Dieu m'a fait naître sans bien. J'ai le fusil de feu mon père, Pour ami je n'ai que mon chien : Je l'ai choisi dans la portée, Comme il venait d'être mis bas, Et pour lui faire la pâtée Souvent j'ai rogné mon repas. Au marais, en plaine, en forêt, Bon à courre et ferme à l'arrêt, Il quête, haut le nez dans la brise ; Quand le coup part la pièce est prise. Il est aussi bon qu'il est beau, Mon Ramoneau. C'est Ramoneau que je l'appelle, Et pour le vendre on m'offrirait De l'or trois fois plein son écuelle, Que je dirais : « Non, » sans regret ; Car depuis vingt ans que je chasse, Par pluie, ou vent, ou plein soleil, J'ai dressé bien des chiens de race Sans jamais trouver son pareil. Griffon pur à tête superbe, Où dans le poil le regard luit Tel que le ver luisant sous l'herbe, Il est tout noir comme la nuit ; Et les limiers de vénerie Qu'on estampille sur le flanc D'un chiffre ou bien d'une armoirie Ne sont pas nés d'un meilleur sang. C'est un rude et madré compère : Quand nous maraudons dans un bois, S'il entend le propriétaire, Il me l'annonce par la voix ; Et pour ne point donner l'alarme Lorsqu'il évente un fin gibier, Il est prudent comme un gendarme Qui veut surprendre un braconnier. Quand il a bien fourni sa tâche, Et qu'au foyer, brisé, rendu, Secouant sa queue en panache, Il sommeille, long-étendu, Croyant toujours mener le lièvre, Il aboie intérieurement Avec des mouvements de fièvre, De petits sursauts en dormant. Ses dents ne lui marquent plus d'âge ; Aussi vieux que le temps jadis, La vieillesse a sur son pelage Imprimé des chevrons blanchis ; Mais il a toujours bonne gueule, Et, lorsque revient le printemps, Autour de sa vieille épagneule Il rôde encor de temps en temps. Homme ou chien, ici-bas tout passe : Ramoneau n'a plus le nez fin, Son œil s'éteint, sa voix se casse ; Mais les vrais chiens n'ont pas de fin... Dieu là-haut leur garde un bon gîte, Frais en été, chaud dans l'hiver, Au paradis des chiens d'élite, Dans la meute de saint Hubert. Au marais, en plaine, en forêt, Bon à courre et ferme à l'arrêt, Il quête, haut le nez dans la brise ; Quand le coup part, la pièce est prise. Il est aussi bon qu'il est beau, Mon Ramoneau.
Confirmed with Henry Murger, Les Nuits d'Hiver: Poésies complètes, Paris, Michel Lévy Frères, 1861, pages 75-79.
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
Text Authorship:
- by Louis-Henri Murger (1822 - 1861), "Le chien du braconnier", written 1859, appears in Les Nuits d'hiver, in 2. Chansons rustiques, no. 6, Paris, Éd. Michel Lévy frères, first published 1861 [author's text checked 1 time against a primary source]
Musical settings (art songs, Lieder, mélodies, (etc.), choral pieces, and other vocal works set to this text), listed by composer (not necessarily exhaustive):
- by Jules Bordier (1846 - 1896), "Le chien du braconnier", published 1880? [ medium voice and piano ], from Douze mélodies, no. 4, Paris, Éd. G. Hartmann [sung text not yet checked]
- by Émile Bourgeois (1849 - 1922), "Le chien du braconnier" [ high voice and piano ], from Six mélodies, no. 5, Éd. H. Tellier [sung text not yet checked]
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
This text was added to the website: 2014-09-19
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