Mère des jeux latins et des voluptés grecques,
Lesbos, où les baisers languissants ou joyeux,
Chauds comme les soleils, frais comme les pastèques,
Font l’ornement des nuits et des jours glorieux,
— Mère des jeux latins et des voluptés grecques,
Lesbos, où les baisers sont comme les cascades
Qui se jettent sans peur dans les gouffres sans fonds
Et courent, sanglotant et gloussant par saccades,
— Orageux et secrets, fourmillants et profonds ;
Lesbos, où les baisers sont comme les cascades !
Lesbos où les Phrynés l’une l’autre s’attirent,
Où jamais un soupir ne resta sans écho,
À l’égal de Paphos les étoiles t’admirent,
Et Vénus à bon droit peut jalouser Sapho !
— Lesbos où les Phrynés l’une l’autre s’attirent,
Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,
Qui font qu’à leurs miroirs, stérile volupté,
Les filles aux yeux creux, de leur corps amoureuses,
Caressent les fruits mûrs de leur nubilité,
Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,
Laisse du vieux Platon se froncer l’œil austère ;
Tu tires ton pardon de l’excès des baisers,
Reine du doux empire, aimable et noble terre,
Et des raffinements toujours inépuisés.
Laisse du vieux Platon se froncer l’œil austère.
...
Les Fleurs du Mal
by Thomas Oboe Lee (b. 1945)
1. Lesbos
Text Authorship:
- by Charles Baudelaire (1821 - 1867), "Lesbos", appears in Les Fleurs du mal, in 4. Fleurs du mal, no. 80
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]2. Femmes damnées
... — « Hippolyte, cher cœur, que dis-tu de ces choses ? Comprends-tu maintenant qu’il ne faut pas offrir L’holocauste sacré de tes premières roses Aux souffles violents qui pourraient les flétrir ? Mes baisers sont légers comme ces éphémères Qui caressent le soir les grands lacs transparents, Et ceux de ton amant creuseront leurs ornières Comme des chariots ou des socs déchirants ; Ils passeront sur toi comme un lourd attelage De chevaux et de bœufs aux sabots sans pitié…. Hippolyte, ô ma sœur ! tourne donc ton visage, Toi, mon âme et mon cœur, mon tout et ma moitié, Tourne vers moi tes yeux pleins d’azur et d’étoiles ! Pour un de ces regards charmants, baume divin, Des plaisirs plus obscurs je leverai les voiles, Et je t’endormirai dans un rêve sans fin ! » Mais Hippolyte alors, levant sa jeune tête : — « Je ne suis point ingrate et ne me repens pas, Ma Delphine, je souffre et je suis inquiète, Comme après un nocturne et terrible repas. Je sens fondre sur moi de lourdes épouvantes Et de noirs bataillons de fantômes épars, Qui veulent me conduire en des routes mouvantes Qu’un horizon sanglant ferme de toutes parts. Avons-nous donc commis une action étrange ? Explique, si tu peux, mon trouble et mon effroi : Je frissonne de peur quand tu me dis : mon ange ! Et cependant je sens ma bouche aller vers toi. Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée, Toi que j’aime à jamais, ma sœur d’élection, Quand même tu serais une embûche dressée, Et le commencement de ma perdition ! » ...
Text Authorship:
- by Charles Baudelaire (1821 - 1867), "Femmes damnées", appears in Les Fleurs du mal, in 4. Fleurs du mal, no. 81
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]3. Le Léthé
Viens sur mon cœur, âme cruelle et sourde, Tigre adoré, monstre aux airs indolents ; Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants Dans l'épaisseur de ta crinière lourde ; Dans tes jupons remplis de ton parfum Ensevelir ma tête endolorie, Et respirer, comme une fleur flétrie, Le doux relent de mon amour défunt. Je veux dormir ! dormir plutôt que vivre ! Dans un sommeil, aussi doux que la mort, J'étalerai mes baisers sans remord Sur ton beau corps poli comme le cuivre. Pour engloutir mes sanglots apaisés Rien ne me vaut l'abîme de ta couche ; L'oubli puissant habite sur ta bouche, Et le Léthé coule dans tes baisers. À mon destin, désormais mon délice, J'obéirai comme un prédestiné ; Martyr docile, innocent condamné, Dont la ferveur attise le supplice, Je sucerai, pour noyer ma rancœur, Le népenthès et la bonne cigüe Aux bouts charmants de cette gorge aigüe Qui n'a jamais emprisonné de cœur.
Text Authorship:
- by Charles Baudelaire (1821 - 1867), "Le Léthé", appears in Les Épaves, in 1. Pièces condamnées — tirées des Fleurs du mal, no. 4, appears in Les Fleurs du mal, in 1. Spleen et Idéal, no. 30, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, first published 1857
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- CZE Czech (Čeština) (Jaroslav Haasz) , "Léthé"
Note: In the 1866 edition, in line 6-2, "cigüe" was spelled "ciguë" and in line 6-3, "aigüe" was spelled "aiguë"
Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Poom Andrew Pipatjarasgit [Guest Editor]4. Les métamorphoses du vampire
La femme cependant de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu’un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc :
— « Moi, j’ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d’un lit l’antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants
Et fais rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !
Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,
Lorsque j’étouffe un homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j’abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d’émoi
Les Anges impuissants se damneraient pour moi ! »
...
Text Authorship:
- by Charles Baudelaire (1821 - 1867), "Les métamorphoses du vampire", appears in Les Fleurs du mal, in 4. Fleurs du mal, no. 87, appears in Les Épaves, in 1. Pièces condamnées — tirées des Fleurs du mal, no. 7, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, first published 1857
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Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Poom Andrew Pipatjarasgit [Guest Editor]5. Les Bijoux
La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée, et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
À mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses.
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S'avançaient plus câlins que les anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal,
Où calme et solitaire elle s'était assise.
...
Text Authorship:
- by Charles Baudelaire (1821 - 1867), "Les bijoux", appears in Les Épaves, in 1. Pièces condamnées — tirées des Fleurs du mal, no. 6, appears in Les Fleurs du mal, in 1. Spleen et Idéal, no. 20, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, first published 1857
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- HUN Hungarian (Magyar) (Tamás Rédey) , "Ékszerek", copyright © 2015, (re)printed on this website with kind permission