Deux cavaliers sortent du palais royal,
Ils descendent à cheval vers la plage ;
Là-haut dans les airs le vent siffle,
Les vagues écument sur la grève.

Le roi parle à son page,
D'une humeur sombre, il lui dit :
» Compagnon, qui t'a donné cette petite rose,
La petite rose sur ton chapeau ?

» Ma mère m'a donné cette petite rose
Quand elle m'a laissé dans le chagrin !
Je le met dans l'eau chaque nuit,
Et ainsi elle est en fleur chaque matin. «

Ils chevauchent le long de la baie d'azur,
Les vagues monotones murmurent,
Les mouettes s'envolent en criaillant,
A nouveau le roi demande:

» De qui vient la boucle que je vois
Accrochée sur ta poitrine,
Tout à l'heure une chevauchée débridée
L'a fait sortir de ton pourpoint ?

» Ce sont les cheveux châtains de ma sœur,
Aussi fins et doux que la soie !
Ils sentent bon comme l'essence de rose,
Elle a pleuré dessus quand nous nous sommes séparés «

Ils chevauchent sur un chemin parmi les rochers ;
Près du sentier sont gravées
Des runes de sang des temps immémoriaux,
Une troisième fois le roi demande :

» Parle, et dis_moi la vérité,
Compagnon, il en va de ta vie,
L'anneau à ton doigt,
L'anneau d'or, qui te l'a donné ?

» Celle qui m'a donné l'anneau à mon doigt
M'a de même donné son cœur ;
C'est la plus belle de toutes les filles
De tout ton royaume. «

Le front du roi devient rouge sang,
Ses yeux furieux le brûlent ;
» L'anneau est l'anneau de mon enfant !
Je peux reconnaître son éclat.

Et tu oses, avec un désir effronté,
Convoiter son corps,
Aussi je ne me soucie point de ta jeune vie,
Tu dois mourir de malemort «.

Il tire son épée acérée,
Il la plante dans le cœur de son compagnon ;
Le sang coule sur la pierre runique
Et s'écoule dans les vagues.

Il jette son cadavre dans les flots :
» Et puisque tes sens sont aussi vifs,
Alors tu peux maintenant
Courtiser la reine des ondines ! «

Le long de la plage, vers le palais royal
Chevauche un sombre cavalier ;
Dans la mer,au large, flotte un cadavre,
Les vagues continuent de murmurer.