I
Librement mon cœur se dilate
Et s'épanouit au soleil ;
La douceur du matin vermeil,
La splendeur du soir écarlate,
La tranquillité des midis,
Là-bas, dans les forêts prochaines,
Et le sommeil au pied des chênes,
Sur des lits de mousse attiédis ;
Enfin, la vie heureuse et douce
Va me bercer entre ses bras,
Tandis que moi, franc d'embarras,
J'écouterai l'herbe qui pousse.
Je pourrai donc, libre et rêvant,
Être joyeusement poète!
Avec le cri de l'alouette
Tous mes vers s'en iront au vent,
Au vent frais qui, sous les ramures,
S'en va mêlant, parmi les fleurs,
La chanson des oiseaux siffleurs
Et le parfum des fraises mûres.
...
Dans la forêt - Poèmes de Maurice Bouchor
Song Cycle by André Gédalge (1856 - 1926)
1. Épanouissemment
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 2
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Researcher for this page: Ferdinando Albeggiani2. Ma bien‑aimée
...
III
Mais ma bien-aimée est la fleur des fleurs,
L'oiseau des oiseaux, le rêve des rêves,
Qui fait, dans les bois, palpiter les sèves,
Et fondre d'amour la rosée en pleurs.
Et ma bien-aimée embellit les choses ;
Sa voix fait plus doux les rossignolets,
Et ses grands cheveux, légers et follets,
Ravivent encor le parfum des roses.
Et quand, à travers les feuilles, je vois
La blonde aux yeux bleus, en claire toilette,
Simple et douce, ainsi qu'une violette,
Je crois voir passer l'âme des grands bois.
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 2
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Researcher for this page: Ferdinando Albeggiani3. Chanson pour ma mignonne
Au petit sentier passa ma mignonne, Et le doux sentier se mit à fleurir. Le soleil de mai sur les prés rayonne, Et mon cœur ému tremble, et va s'ouvrir. J'ai versé mon sang, tout mon sang pour Elle, J'ai jeté mon cœur de par les chemins, Pour faire un marcher plus doux à ma belle, Pour ne point heurter ses beaux pieds divins. Je n'ai jamais su donner une fête, Je ne puis aimer comme un damoiseau ; Mais je me suis fait chanteur et poëte Pour avoir une aile, et pour être oiseau. Et, sous les grands bois, rossignol mystique, Afin de la voir je me tapirai, Et je chanterai, pour seule musique, Son tout petit nom, trois fois adoré.
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, written 1874, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 3, Paris, Éd. Charpentier & Cie, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]4. Sérénade
Mes sérénades, dans la nuit, Montent vers toi, ma bien-aimée ; Cependant la jeunesse fuit, Et ton àme reste fermée. Il faut avoir au moins fleuri Un printemps, dans ce pauvre monde ; -- A peine si tu m'as souri A travers ta lumière blonde. Oh ! viens, mets ta main dans ma main, L'amour, c'est la Vie et la Voie ; Nous suivrons un même chemin Vers le paradis de la joie.
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 4, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]5. L'amour, lointain...
L'amour, lointain et tout proche à la fois, Va nous mener à lui parmi les roses, Dans un charmant et mystérieux bois Où les chansons vont se mêlant aux proses. Le rossignol nocturne et langoureux Y chante bien des roulades qu'il perle ; Mais pour narguer les pauvres amoureux, Au lendemain siffle le joyeux merle. Vous pourrez voir, chère, mes billets doux Aux verts buissons se suspendre sans cesse, Avec du sang de mon cœur, qui pour vous Laisse couler à grands flots sa jeunesse. Et quand la brise, un beau jour, dans mes bras Vous poussera, rougissante et charmée, Des vieux serments laissant là le fatras, Je vous dirai, tout pâle : « Ô bien-aimée! »
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 5, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]6. Pourquoi?...
...
Pourquoi donc alors lui parlai-je
De fleurs qui poussent n'importe où ?
La neige
Des beaux lis fleurit sur son cou.
Pourquoi donc lui conter les choses
D'avril errant par les chemins ?
Ô roses
De sa jeunesse, œillets, jasmins !
Pourquoi tout penser et tout dire ?
Quand j'aurais dû la regarder
Sourire,
A quoi bon tant lui demander ?
Lorsque j'étais sous la fenêtre,
Pourquoi parler, ivre et joyeux ?
Peut-être
Un baiser de loin valait mieux.
Mais la nuit fut belle, et qu'importe,
Ô mon cœur, puisque j'ai poussé
La porte
Par où l'on sort du noir passé ?
Et que mon àme va, sans prendre
Aucun souci de ses douleurs,
S'épandre
A travers les sentiers eu fleurs ?
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 7, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]7. Matin de mai
C'était un matin de ce mois de mai, Et par les chemins je t'avais suivie. Le printemps était vert et parfumé, Et je saluais la terre et la vie. C'était un matin de ce mois de mai, Et dans l'air filait la bleue hirondelle ; Tu m'avais voulu nommer ton aimé, Et je te suivais comme un chien fidèle. Or ton pied laissait un sillon de feu, Et par les chemins je t'avais suivie. Le jour clair montait au pâle ciel bleu Qui joyeusement d'aimer nous convie. Le rose orient s'était enflammé, La forêt chantait comme une berceuse, Le printemps était vert et parfumé! Lente tu marchais, ò ma paresseuse... Aube de bonheur, dans mon jeune cœur Se levait l'amour nouvelle et ravie ; Ton sourire doux n'était point moqueur, Et je saluais la terre et la vie.
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 9
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Researcher for this page: Ferdinando Albeggiani8. Éveil !
Toute la nature en fête pour nous Nous sourit ainsi qu'une bonne mère, Et cette éternelle a des yeux bien doux Pour nos pauvres fleurs d'amour éphémère. Ô verdissement des sentiers connus, Roses diaprant la terre embaumée, Eau tranquille et claire, où la bien-aimée Ira rafraîchir ses petits pieds nus ! Ô virginité, verdeur printanière, Léger tissu bleu de l'air doux encor, Réveil, inondant le ciel de lumière, Tu chantes en nous comme un oiseau d'or ! Sois la bienvenue, aube lumineuse, Signe rayonnant d'éternelle foi, Qui vins éveiller cette matineuse Et lui dis : « Voici l'amour, lève-toi ! »
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 10, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]9. Mon cœur dort
Par les prés, par les bois, pleins d'odeurs bien douces, L'herbe fume au soleil de mai; Le vent frais va rasant le velours des mousses, Mon cœur dort, se sentant aimé. Le sommeil lentement vient d'ouvrir son aile Sur le nid où l'oiseau se tait ; Mais dans l'air une voix sonne, gaie et frêle, Comme si tout mon cœur chantait. Le bruit sourd des mouvants peupliers me berce, Je vais clore, en rêvant, les yeux, Calme, et sous le feuillage un rayon qui perce Remplira mon vieux cœur joyeux. L'essaim fou des muets, des féeriques rêves Va danser dans l'éther calmé ; Voilez-nous, blondes nuits, nuits d'amour si brèves, Mon cœur dort, se sentant aimé.
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- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 11, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]10. Le sentier
Tu sais comme, l'autre soir, Le petit sentier que j'aime Te fit peur, étant tout noir, Et te fit rire quand même. Tu t'appuyais à mon bras ; Tu sais, - nous nous regardâmes, Et les « Ne m'oubliez pas » Avaient ce soir-là des âmes. Des âmes, non des couleurs, Des sourires, non des feuilles ; C'est comme cela, les fleurs, Toutes les fleurs, que tu cueilles. Et comme tu te taisais, Effeuillant des marguerites, Moi, dans l'ombre, je baisais Tes mains blanches et petites.
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 17, Paris, Éd. Charpentier, first published 1874
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Researcher for this page: Ferdinando Albeggiani11. Rêves
J'aime les verts sentiers qui s'effacent là-bas Au brumeux horizon de la plaine muette. J'ai laissé bien souvent se perdre là mes pas, Chaque jour dans mon cœur étant un jour de fête. Mais surtout lorsqu'un soir de juin, tiède et joyeux, Apaisant par degrés tous les bruits de la plaine, On n'entend plus au loin que le vent des hauts lieux, Et des oiseaux de nuit la musique lointaine... Moi, je suis le chemin que bordent les grands blés Doucement agités au vent frais des soirées; Et, quand monte la lune aux cieux immaculés, Je rêve de son front aux pâleurs adorées. Je rêve de ses yeux fatigués et si doux, Du plaisir infini des longues causeries, De la naïveté des premiers rendez-vous, De ses bras amoureux aux étreintes chéries. Car j'ai, par elle, appris à tout aimer, les bois Et le marcher si doux sur les feuilles fanées, Les vents et les flots bleus aux musicales voix, Et la nature, jeune en dépit des années. Aussi, dans le silence, aux choses de la nuit Je livre le secret de mon âme trop pleine, Et l'ineffable nom de mon amour, sans bruit, Parcourt comme un frisson les grands blés de la plaine.
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- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 18, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]12. Aux chênes
I
Le bois antique et jeune encore
Dans sa beauté calme apparaît,
Empourpré de lueurs d'aurore :
Salut, chênes de la forêt !
Vous vivez entre deux abîmes,
Plongeant du pied sous le sol dur,
Et portant vos têtes sublimes
Au cœur de l'immortel azur.
Vous avez la grâce et la force,
Car les oiseaux vous font chanter,
Et sur votre rugueuse écorce
L'effort du temps vient avorter.
Aussi, malgré la bise noire,
L'hiver nu, le stérile été,
Vous portez fièrement la gloire
De votre verte éternité !
II
Mais vous, les géants vainqueurs des tempêtes.
N'avez-vous parfois envié nos sorts,
Lorsque vous voyez, inclinant vos têtes,
Mes chères amours qu'en mes bras j'endors?
...
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 23, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]13. Lilas
... II Lilas, vos frissons sous le ciel doré Sont contagieux et troublent les âmes ; En avril chacun est enamouré, Vous pour la rosée, et nous pour les femmes. Lilas, nous aimons vos premiers parfums Comme nous aimons un premier sourire, Et nos cœurs, ainsi qu'aux amours défunts, Quand vous vous fanez pleurent sans rien dire. Quand les bruits du jour se sont apaisés, Votre doux murmure au vent des soirées Accompagne bien le bruit des baisers Que nous mendions à nos adorées. ...
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 26, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]14. Le charme est rompu
Le charme est rompu ! Mon beau rêve Par l'azur vient de s'en aller ; Du côté que le jour se lève Je l'ai vu voler. Moi, je regarde, l'œil atone, L'occident superbe et fiévreux ; Les tristesses du tiède automne Emplissent les cieux. Le haut blé jaune au vent frissonne, En tumulte, comme une mer ; Le grillon invisible sonne Un chant grêle et clair. Quand le grand soleil qui se couche Ne sera plus que pourpre et qu'or, Tu viendras, le doigt sur la bouche, Une fois encor, Suivre les baisers à la piste, Au travers de nos lents aveux, Et dérouler sur mon front triste Un flot de cheveux. Tu me souriras, pâle et douce, Quand la lune se lèvera; Sous nos pieds un tapis de mousse Se déroulera. Tu te rappelleras la foule De nos soirs d'amour, abîmés Dans la mer sans reflux qui roule Tous nos jours aimés ; Et nos deux âmes confondues Chanteront dans le soir dormant L'histoire des gaîtés perdues, Douloureusement!
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 29, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]15. Au revoir !
Ne pleurons pas en nous quittant,
L'avenir nous rira sans doute ;
On nous verra, le cœur chantant,
Reprendre ensemble notre route.
Il nous faut rêver jusque-là
Des belles heures écoulées,
Et du bonheur qui s'envola
A travers les jeunes feuillées.
Sans plus courir par les sentiers
Comme au temps des voluptés brèves,
De beaux rosiers et d'églantiers
Nous saurons parfumer nos rêves.
Sans nous assoupir dans les bois,
Nos pauvres âmes exilées
Verront passer comme autrefois
De gais oiseaux, plein les allées.
Comme au temps passé, les forêts
Se rempliront de frissons d'ailes,
Et nous serons portés tout près
Par nos bons souvenirs fidèles.
...
Text Authorship:
- by Maurice Bouchor (1855 - 1929), no title, appears in Les chansons joyeuses - poésies, in Dans la forêt, no. 30, first published 1874
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]