Un enfant dedans un bocage Tendait finement ses gluaux, Afin de prendre des oiseaux Pour les emprisonner en cage, Quand il vit, par cas d'aventure, Sur un arbre amour emplumé, Qui volait, par le bois ramé, Sur l'une ou l'autre verdure. L'enfant qui ne connaissait pas Cet oiseau fut si plein de joie, Que pour prendre une si grand-proie Tendit sur l'arbre tous ses lacs. Mais quand il vit qu'il ne pouvait Pour quelques gluaux qu'il pût tendre, Ce cauteleux oiseau surprendre, Qui voletant, le décevait, Il se prit à se mutiner Et, jetant sa glu de colère, Vint trouver une vieille mère Qui se mêlait de deviner. Il lui va le fait avouer, Et sur le haut d'un buis lui montre L'oiseau de mauvaise rencontre, Qui ne faisait que se jouer. La vieille en branlant ses cheveux. Qui jà grisonnaient de vieillesse, Lui dit: "Cesse mon enfant, cesse, Si bientôt mourir tu ne veux, De prendre ce fier animal. Cet oiseau, c'est Amour qui vole, Qui toujours les hommes affole Et jamais ne fait que du mal. Ô que tu seras heureux Si tu le fuis toute ta vie, Et si jamais tu n'as envie D'être au rôle des amoureux! Mais j'ai grand doute qu'à l'instant Que d'homme parfait auras l'âge, Ce malheureux oiseau volage, Qui par ces arbres te fuit tant, Sans y penser te surprendra, Comme une jeune et tendre quête, Et, foulant de ses pieds ta tête, Que c'est que d'aimer t'apprendra."
Cinq poèmes de Ronsard
Song Cycle by Charles Camille Saint-Saëns (1835 - 1921)
1. L'amour oyseau
Text Authorship:
- by Pierre de Ronsard (1524 - 1585), "L'amour oyseau"
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- ENG English (David Wyatt) , "Love as a bird", copyright © 2012, (re)printed on this website with kind permission
2. L'amour blessé
Le petit enfant Amour Cueillait des fleurs à l'entour D'une ruche, où les avettes Font leurs petites logettes. Comme il allait les cueillant, Une avette sommeillant Dans le fond d'une fleurette Lui piqua sa main douillette. Sitôt que piqué se vit, « Ah, je suis perdu ! » se dit, Et, s'en courant près de sa mère, Lui montra sa plaie amère ; « Ma mère, voyez ma main, Ce disait Amour, tout plein De pleurs, voyez quelle enflure M'a fait une égratignure ! » Alors Vénus se sourit Et en le baisant le prit, Et sa main lui a soufflée Pour guérir sa plaie enflée. « Qui t'a, dis-moi, faux garçon, Blessé de telle façon ? Sont-ce les Grâces riantes, De leurs aiguilles poignantes ? -- Nenni, c'est un serpenteau, Qui vole au printemps nouveau Avecques deux ailerettes Ça et là sur les fleurettes. -- Ah ! vraiment je le connais, Dit Vénus ; les villageois De la montagne d'Hymette Le surnomment Mélicerte. Si doncques un animal Si petit fait tant de mal, Quand son alène époinçonne La main de quelque personne, Combien fais-tu de douleur, Auprès de lui, dans le cœur De celui en qui tu jettes Tes venimeuses sagettes ? »
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It is based on
- a text in French (Français) by Pierre de Ronsard (1524 - 1585), "L'Amour piqué par une abeille", appears in Odes de 1550, no. 16, Livre IV, first published 1550 [an adaptation]
- a text in Greek (Ελληνικά) by Theocritus (c310 BCE - c250 BCE), "Κηριολεπτησ"
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- ENG English (David Wyatt) , "Love wounded", copyright © 2014, (re)printed on this website with kind permission
3. À Saint‑Blaise
Saint Blaise, qui vis aux cieux Comme un ange précieux, Si de la terre où nous sommes, Tu entends la voix des hommes, Recevant les vœux de tous, Je te prie, écoute-nous. Ce jourd'hui que nous faisons A ton autel oraisons Et processions sacrées Pour nous, nos blés et nos prées, Chantant ton hymne à genoux : Je te prie, écoute-nous. Garde nos petits troupeaux, Laines entières et peaux, De la ronce dentelée, De tac et de clavelée, De morfonture et de tous : Je te prie, écoute-nous. Garde nos petits vergers Et nos jardins potagers, Nos maisons et nos familles, Enfants, et femmes, et filles, Et leur donne bons époux : Je te prie, écoute-nous. Donne que ceux qui viendront Prier ton nom, et rendront A ton autel leurs1 offrandes, Jouissent de leurs demandes, De tous leurs péchés absous : Je te prie, écoute-nous. Saint Blaise, qui vis aux cieux Comme un ange précieux, Si de la terre où nous sommes, Tu entends la voix des hommes, Recevant les vœux de tous, Je te prie, écoute-nous.
Text Authorship:
- by Pierre de Ronsard (1524 - 1585), "Des pères de famille. À Sainct Blaise", subtitle: "Sur le chant Te rogamus audi nos", appears in Les Hymnes, no. 12
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- ENG English (David Wyatt) , copyright © 2012, (re)printed on this website with kind permission
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
4. Grasselette et maigrelette
Une jeune pucelette,
Pucelette grasselette,
Qu'esperdument j'aime mieux
Que mon cœur ny que mes yeux,
A la moitié de ma vie
Esperdument asservie
De son grasset en-bon-point ;
Mais fasché je ne suis point
D'estre serf pour l'amour d'elle,
Pour l'en-bon-point de la belle
Qu'esperdument j'aime mieux
Que mon cœur ny que mes yeux.
Las ! une autre pucelette,
Pucelette maigrelette,
Qu'esperdument j'aime mieux
Que mon cœur ny que mes yeux,
Esperdument a ravie
L'autre moitié de ma vie
De son maigret en-bon-point ;
Mais fasché je ne suis point
D'estre serf pour l'amour d'elle,
Pour la maigreur de la belle,
Qu'esperdument j'aime mieux
Que mon cœur ny que mes yeux.
Autant me plaist la grassette
Comme me plaist la maigrette,
Et l'une à son tour autant
Que l'autre me rend contant.
...
Bien, bien, laissez-le mesdire!
Deust-il tout vif crever d'ire
Et forcené se manger,
Il ne sçauroit estranger
L'amitié que je vous porte,
Tant elle est constante et forte.
Ny le temps ny son effort,
Ny violence de mort,
Ny les mutines injures,
Ny les mesdisans parjures,
Ny les outrageux brocars
De vos voisins babillars,
Ny la trop soigneuse garde
D'une cousine bavarde,
Ny le soupçon des passans,
Ny les maris menaçans,
Ny les audaces des freres,
Ny les preschemens des meres,
Ny les oncles sourcilleux,
Ny les dangers périlleux
Qui l'amour peuvent deffaire,
N'auront puissance de faire
Que tousjours je n'aime mieux
Que mon cœur ny que mes yeux
L'une et l'autre pucelette,
Grasselette et maigrelette.
Text Authorship:
- by Pierre de Ronsard (1524 - 1585), "Gayeté III", appears in Gayetez et Epigrammes, first published 1553
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (David Wyatt) , "The plump lass and the slim lass", copyright © 2012, (re)printed on this website with kind permission
5. L'amant malheureux
A ce malheur qui jour et jour me point
Et qui ravit ma jeune liberté,
Dois-je toujours obéir en ce point,
Ne recevant que toute cruauté ?
Fidellement
Aimant,
Je sens
Mes sens
Troubler,
Et mon mal redoubler.
Cet or frisé et le lys de son teint,
Sous un soleil doublement éclairci,
Ont tellement mes moëlles atteint,
Que je me vois déjà presque transi.
Son œil ardant,
Dardant
En moi,
L'émoi
Du feu,
Me brûle peu à peu.
...
Et nonobstant, cruelle, que je meurs
En observant une sainte amitié,
Il ne te chaut de toutes mes clameurs,
Qui te devraient inciter à pitié.
Vien donc, archer
Tres-cher,
Volant,
Doublant
Le pas,
Me guider au trespas !
Text Authorship:
- by Pierre de Ronsard (1524 - 1585), "Chanson", appears in Pièces retranchées
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (David Wyatt) , "The lover's illness", copyright © 2012, (re)printed on this website with kind permission
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]