C'est le premier matin du monde, Comme une fleur confuse exhalée de la nuit, Au souffle nouveau qui se lève des ondes, Un jardin bleu s'épanouit. Tout s'y confond encore et tout s'y mêle, Frissons de feuilles, chants d'oiseaux, Glissements d'ailes, Sources qui sourdent, voix des airs, voix des eaux, Murmure immense, Et qui pourtant est du silence. Ouvrant à la clarté ses doux et vagues yeux, La jeune et divine Eve S'est éveillée de Dieu, Et le monde à ses pieds s'étends comme un beau rêve. Or, Dieu lui dit: "Va, fille humaine, Et donne à tous les êtres Que j'ai créés, une parole de tes lèvres, Un son pour les connaître". Et Eve s'en alla, docile à son seigneur, En son bosquet de roses, Donnant à toutes choses Une parole, un son de ses lèvres de fleur: Chose qui fuit, chose qui souffle, chose que vole... Cependant le jour passe, et vague, comme à l'aube, Au crépuscule, peu à peu, L'Eden s'endort et se dérobe Dans le silence d'un songe bleu. La voix s'est tue, mais tout l'écoute encore, Tout demeure en l'attente, Lorsqu'avec le lever de l'étoile du soir, Eve chante. Très doucement, et comme on prie, Lents, extasiés, un à un, Dans le silence, dans les parfums Des fleurs assoupies, Elle évoque les mots divins qu'elle a créés ; Elle redit du son de sa bouche tremblante ; Chose qui fuit, chose qui souffle, chose qui vole... Elle assemble devant Dieu Ses premières paroles, En sa première chanson.
La chanson d'Ève - 1er recueil
by Robert Herberigs (1886 - 1974)
1. C'est le premier matin du monde  [sung text not yet checked]
Text Authorship:
- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, written 1903, appears in La Chanson d'Ève, in 1. Premières paroles, no. 1, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1904
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- CAT Catalan (Català) (Salvador Pila) , copyright © 2023, (re)printed on this website with kind permission
- DUT Dutch (Nederlands) (Pieter van der Woel) , copyright © 2009, (re)printed on this website with kind permission
- ENG English (Peter Low) , no title, copyright © 2000, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , copyright © 2015, (re)printed on this website with kind permission
2. Que tu es simple et claire eau vivante...  [sung text not yet checked]
Que tu es simple et claire, Eau vivante, Qui, du sein de la terre, Jaillis en ces bassins et chantes! Ô fontaine divine et pure, Les plantes aspirent Ta liquide clarté La biche et la colombe en toi se désaltèrent. Et tu descends par des pentes douces De fleurs et de mousses, Vers l'océan originel, Toi qui passes et vas, sans cesse, et jamais lasse De la terre à la mer et de la mer au ciel. Souvent, à l'heure où l'ombre te couvre Ô source, je me penche sur toi, Et j'y laisse flotter mes cheveux et mes doigts, Que tu entraînes et entr'ouvres, Mais tu te caches, tu fuis en eux, Et c'est moi-même que je trouve En te cherchant, Nymphe aux yeux bleus.
Text Authorship:
- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, written 1903, appears in La Chanson d'Ève, in 1. Premières paroles, no. 20, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1904
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- CAT Catalan (Català) (Salvador Pila) , copyright © 2023, (re)printed on this website with kind permission
- DUT Dutch (Nederlands) (Pieter van der Woel) , "Levend water", copyright © 2009, (re)printed on this website with kind permission
- ENG English (Peter Low) , "Living water", copyright © 2000, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , copyright © 2015, (re)printed on this website with kind permission
3. Est‑ce son souffle dont je frissonne  [sung text not yet checked]
Est-ce son souffle dont je frissonne En ce soir d'or, qui répand en ma chair Le rire infini de la blonde mer ? J'écoute et je tremble. Au fond des grands bois Ce sombre murmure est-ce sa voix ? Et ce bruit qui ressemble Au bruit des feuilles légères Qui tombent, Est-ce le bruit de ses pas sur la terre ? Est-ce sa face, ce soir lumineux Dont mon âme rayonne et dont mes yeux sont bleus ? Et cet émoi, ce grand silence De toutes choses tout à coup, Est-ce l'effroi de sa présence Qui fait mes mains se joindre et ployer mes genoux? Est-ce lui, ce soleil du soir où je respire? Cet effluve embrasé de roses, est-ce lui ? Vers cette ombre des fleurs est-ce lui qui m'attire Par mon cœur qui frémit ? Et Toi, qui me regardes, de ces yeux étranges, Toi qui m'écoutes, ô silencieux Ange, J'ai peur que toi-même encore tu ne sois Lui, Car peut-être n'est-il rien au monde que Lui, Que Toi, songeur divin, tranquille et solitaire. Qui souris en m'ouvrant tes ailes de lumière.
Text Authorship:
- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, appears in La Chanson d'Ève, in 2. La Tentation, first published 1904
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]4. Ma sœur la pluie  [sung text not yet checked]
Ma sœur la Pluie, La belle et tiède pluie d'été, Doucement vole, doucement fuit, A travers les airs mouillés. Tout son collier de blanches perles Dans le ciel bleu s'est délié. Chantez les merles, Dansez les pies! Parmi les branches qu'elle plie, Dansez les fleurs, chantez les nids ; Tout ce qui vient du ciel est béni. De ma bouche elle approche Ses lèvres humides de fraises des bois; Rit, et me touche, Partout à la fois, De ses milliers de petits doigts. Sur des tapis de fleurs sonores, De l'aurore jusqu'au soir, Et du soir jusqu'à l'aurore. Elle pleut et pleut encore, Autant qu'elle peut pleuvoir. Puis, vient le soleil qui essuie. De ses cheveux d'or. Les pieds de la Pluie.
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- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, appears in La Chanson d'Ève, in 1. Premières paroles, no. 22, first published 1904
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Confirmed with Charles Van Lerberghe, La Chanson d’Ève, Paris, Société du Mercure de France, 1904 (2e éd.), pages 53-54.
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5. Nous sommes l'émeraude éternelle  [sung text not yet checked]
Regarde au fond de nous : nous sommes l'Émeraude Eternelle, et feuillue, et qui semble une mer, Où rôdent des parfums à travers la nuit chaude, Où circule le flot des grands anges de l'air. Nous sommes la forêt énorme et murmurante, Pleine d'ombre éblouie et de sombre splendeur, Qui respire et qui vit, où mille oiseaux d'or chantent, Et dont la cime éclate en écumes de fleurs. Depuis le premier souffle et l'aurore première, D'un effort inlassable et d'un désir sans fin, Ensemble, nous montons des antres de la terre, Vers ce but merveilleux que toi seule as atteint. Ensemble, nous sa voix, nous son âme profonde, Dans ce feuillage immense, à jamais reverdi, Nous avons abrité tous les rêves du monde, Et c'est dans le soleil que nous avons grandi.
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- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, appears in La Chanson d'Ève, in 2. La Tentation, first published 1904
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]6. Tandis que tu reposes sur mon cœur  [sung text not yet checked]
Tandis que tu reposes sur mon cœur, Regarde : Autour de nous le ciel s'ouvre ; c'est l'heure Où tout atteint son âme, Où tout se lève en son bonheur, et chante, Où le monde n'est plus qu'une flamme, Et qu'une fleur, Qu'une vague murmurante Qui vient mourir en nous. Regarde : C'est l'instant radieux Où toute la terre atteint son dieu. Mais de toi rien ne peut me distraire, De toi, rien ne peut m'éveiller ! Non, si quelque ange, aux ailes tremblantes, Du ciel descendait en ce jour. Si, de sa main divine, il touchait Mes épaules, et de sa voix ardente A mes oreilles il murmurait, Je ne détournerais pas la tête De ton visage, Amour, Mais je t'enlacerais sur mon cœur, Plus follement, de peur Qu'il ne se glissât entre nous, L'ange radieux et jaloux.
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- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), appears in La Chanson d'Ève, in 2. La Tentation, first published 1904
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]7. Ô blanche fleur des airs  [sung text not yet checked]
Ô blanche fleur des airs, Fleur de l'inexistence, Aux immobiles mers De radieux silence. Comme la mort tu luis Dans un ciel solitaire ; De toi toute la terre Est pâle, cette nuit. Ô lune ! vers tes cimes D'irrespirable paix, Quels frissons unanimes Montent de ces bosquets Vers tes calmes rivages, Du sein tremblant des flots, Quelle plainte sauvage S'exhale, et quel sanglot ! Ô blanche fleur qui vois Notre âme inassouvie, Attire-nous à toi Au-delà de la vie !
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- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, appears in La Chanson d'Ève, in 2. La Tentation, first published 1904
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]8. Je vous suis, de mon cri, dans l'orage  [sung text not yet checked]
Et je vous suis, de mon cri, dans l'orage, Ô Souffles des airs, Souffles sauvages, Ô mes beaux anges impétueux, Qui bondissez en foule à travers les éclairs, Sur vos blanches cavales, En chasse des nuages, Sous vos flèches de feu. Et je vous suis de mon cri sur les mers, Souffles, qui dans un tourbillon d'ailes, Tombez et retombez en tempête sur elles, Souffles du ciel, dont les pieds foulent Les flots qui s'écroulent Parmi les rires du soleil. Mais entre tous vous m'êtes chers, Beaux Souffles clairs, douces haleines, Angles, qui près de moi demeurez Dans mes bosquets et dans mes plaines. Par les sentes, à l'ombre des bois, Vous allez comme l'on respire. J'écoute vos voix, Et je vois luire vos ailes bleues, Quand vous passez, Ô mes beaux Souffles enlacés.
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- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, appears in La Chanson d'Ève, in 3. La Faute, no. 15, first published 1904
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]9. Apprends‑moi, dis‑je, qui tu es  [sung text not yet checked]
Apprends-moi, dis-je, qui tu es, Azraël. Et l'ange sombre s'éleva dans le ciel, En étendant sur moi ses grandes ailes. La terre frissonna sous un souffle inconnu. Les corolles des fleurs tremblantes se fermèrent, Et le monde soudain s'effaça de mes yeux. Pourtant des choses étaient encore : J'entendais la foule légère Des heures obscures qui passaient, Et, comme en moi, des roses qui croissaient. Au loin chantaient des sphères, Des étoiles vivaient. Quand il se fit comme une aurore. Et je revis les grandes ailes d'Azraël, Qui se fermaient et descendaient du ciel, Avec l'immense nuit en elles. Il souriait à son ombre éphémère. Un oiseau poursuivait sa chanson coutumière. Une vague enchantée, immobile au rivage, Tout à coup s'abattit, comme un cygne sauvage. Et je vis un rayon arrêté sur ma main, Frémir, et doucement reprendre son chemin.
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- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, appears in La Chanson d'Ève, in 4. Crépuscule, no. 5, first published 1904
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Confirmed with Charles Van Lerberghe, La Chanson d’Ève, Paris, Société du Mercure de France, 1904 (2e éd.), pages 196-197.
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10. Au long des eaux pâles  [sung text not yet checked]
Au long des eaux pâles, dans ces vallées De lune et de saules argentées, Au bleu crépuscule, deux à deux, Une main sur l'épaule, Ou seules, De lentes Ombres se promènent : Ce sont les Âmes. Etrangères à la terre, elles viennent, -- Par quelles voies de nuit profonde Et quelles landes d'asphodèles? -- Vers cette étoile de l'Eden, Où c'est pour elles L'autre monde. En vain je demande en leur tendant les bras Êtes-vous heureuses ? Pas une d'elles qui réponde. Elles ne comprennent pas. Elles passent silencieuses, En un pâle sourire ; Au sein du bonheur elles soupirent. Ni les roses et leurs arômes, Ni ces beaux rivages où croît La fleur de l'hyacinthe et la fleur du dictame, N'ont dissipé le vague effroi Et l'amertume de ces âmes ; Elles ont souffert autrefois. Ce sont des Ombres ; et l'ombre les enchante... Sois-leur douce, ô Lumière, touche-les doucement, Suavité divine, Coupe où le ciel repose, Dont elles n'approchent qu'en tremblant, Et les paupières closes.
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- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, appears in La Chanson d'Ève, in 4. Crépuscule, no. 3, first published 1904
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Confirmed with Charles Van Lerberghe, La Chanson d’Ève, Paris, Société du Mercure de France, 1904 (2e éd.), pages 191-192.
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11. En robe de pâle clarté  [sung text not yet checked]
En robe de pâle clarté, Douce comme la nuit d'été, Soyeuse et blonde, Des fleurs de l'autre monde En sa chevelure d'or. Celui qui est l'Ange en voyage Descend l'escalier des nuages. Et vient vers celle qui dort. Messager à l'âme sereine, Il approche lentement, Gomme une aube lointaine ; Et regarde, en se haussant Sur la pointe de ses pieds brillants, Dans le profond sommeil où murmurent Des songes encore, Dans la clarté de la petite âme, Qui brûle dans la nuit. Il souffle la flamme, éteint le bruit, Met le silence de sa bouche Sur la bouche qui sourit, Et pose, doucement, sur le cœur qui s'apaise Sa main qui ne pèse Pas plus qu'une fleur.
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- by Charles van Lerberghe (1861 - 1907), no title, appears in La Chanson d'Ève, in 4. Crépuscule, no. 11, first published 1904
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Confirmed with Charles Van Lerberghe, La Chanson d’Ève, Paris, Société du Mercure de France, 1904 (2e éd.), pages 205-206.
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