Je rêve que je suis encore enfant
Et hoche ma tête grisonnante ;
Pourquoi frappez-vous à ma porte, vous images,
Que je croyais oubliées depuis longtemps.

Sur le domaine ombragé se dresse altier
Un lumineux château,
J'en connais les tours, les créneaux,
Le pont de pierre, le portail.

Les lions de l'écu
Me regardent si tristement,
Je salue ces vielles connaissances
Et me presse dans la cour.

Ici est le sphinx de la fontaine,
Là, verdit le figuier,
Là-bas, derrière ces fenêtres
J'ai fait mes premiers rêves.

J'entre dans la chapelle du château
Et cherche le tombeau de mes ancêtres,
Le voilà, ici, devant un pilier
Sont accrochées les anciennes armes.

Encore brouillés, mes yeux
Ne peuvent déchiffrer l'épitaphe,
Alors qu'au travers des vitraux
Une vive lumière se réfracte.

Ainsi tu te dresses, ô château de mes ancêtres,
Fidèle et ancré dans mes pensées,
Pourtant tu as disparu de la terre,
La charrue passe au-dessus de toi.

Sois fertile, ô précieuse terre,
Je te bénis avec douceur et émotion,
Je le bénis doublement, celui qui toujours
Au-dessus de toi conduit la charrue.

Moi, je vais faire mon sac,
Ma lyre à la main,
Parcourir le vaste monde
Et chanter de pays en pays.