Si le sort m'a séparé de toi,
Qu'un autre possède ma beauté !
De son étreinte, des nuits étouffantes,
Je m'envole au loin sur les ailes d'un rêve.
Je revois notre vieux jardin délaissé :
Reflété dans l'étang, le coucher du soleil s'estompe,
Les tilleuls parfument l'ombre des allées,
Au-delà de l'étang, dans le taillis, le rossignol gazouille...
J'ouvre la porte vitrée, en tremblant,
Je jette un œil dans les ténèbres mystérieuses,
Chut ! une branche s'est cassée, n'as-tu pas fait un pas ?
L'oiseau s'est envolé, c'est toi qui lui as fait peur ?
J'écoute, j'attends avec impatience,
Je suis en silence le bruit de tes pas,
Mes membres sont glacés par la passion et la peur,
Est-ce toi qui me prends la main, cher ami ?
Est-ce toi qui m'embrasse timidement ?
C'est ton baiser, un baiser sans flamme !
Avec une douleur dans ton cœur battant, avec des palpitations dans le sang,
Tu n'oses pas t'abandonner dans la folie de l'amour,
Et, écoutant ta noble voix,
Je n'ose pas libérer ma passion,
Je tremble et te murmure : Mon très cher !
Qu'il s'approprie ma pitoyable beauté,
De ses bras, de la nuit étouffante,
Je m'envole encore sur les ailes d'un rêve,
Vers ce jardin, vers cette obscurité, vers ce banc,
Où tu as entendu mon âme pour la première fois...
Et je fusionne mon âme avec la tienne,
Qu'il s'approprie ma pitoyable beauté !