Perrette sur sa tête ayant un Pot au lait Bien posé sur un coussinet, Prétendait arriver sans encombre à la ville. Légère et court vêtue elle allait à grands pas; Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile, Cotillon simple, et souliers plats. Notre laitière ainsi troussée Comptait déjà dans sa pensée Tout le prix de son lait, en employait l'argent, Achetait un cent d'oeufs, faisait triple couvée; La chose allait à bien par son soin diligent. Il m'est, disait-elle, facile, D'élever des poulets autour de ma maison: Le Renard sera bien habile, S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon. Le porc à s'engraisser coûtera peu de son; Il était quand je l'eus de grosseur raisonnable: J'aurai le revendant de l'argent bel et bon. Et qui m'empêchera de mettre en notre étable, Vu le prix dont il est, une vache et son veau, Que je verrai sauter au milieu du troupeau? Perrette là-dessus saute aussi, transportée. Le lait tombe; adieu veau, vache, cochon, couvée; La dame de ces biens, quittant d'un oeil marri Sa fortune ainsi répandue, Va s'excuser à son mari En grand danger d'être battue. Le récit en farce en fut fait; On l'appela le Pot au lait. Quel esprit ne bat la campagne? Qui ne fait châteaux en Espagne? Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous, Autant les sages que les fous? Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux: Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes: Tout le bien du monde est à nous, Tous les honneurs, toutes les femmes. Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi; Je m'écarte, je vais détrôner le Sophi; On m'élit roi, mon peuple m'aime; Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant: Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même; Je suis gros Jean comme devant.
Collection des chœurs amusants
by Wulfran Moreau (1827 - 1905)
1. La Laitière et le pot de lait  [sung text not yet checked]
Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695)
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]2. Le Lièvre et la tortue  [sung text not yet checked]
Subtitle: Grand steeple-chase musical avec fanfare de mirlitons
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point Sitôt que moi ce but. - Sitôt ? Etes-vous sage ? Repartit l'animal léger. Ma commère, il vous faut purger Avec quatre grains d'ellébore. - Sage ou non, je parie encore. Ainsi fut fait : et de tous deux On mit près du but les enjeux : Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire, Ni de quel juge l'on convint. Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ; J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes, Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir, et pour écouter D'où vient le vent, il laisse la Tortue Aller son train de Sénateur. Elle part, elle s'évertue ; Elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire, Tient la gageure à peu de gloire, Croit qu'il y va de son honneur De partir tard. Il broute, il se repose, Il s'amuse à toute autre chose Qu'à la gageure. A la fin quand il vit Que l'autre touchait presque au bout de la carrière, Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit Furent vains : la Tortue arriva la première. Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? De quoi vous sert votre vitesse ? Moi, l'emporter ! et que serait-ce Si vous portiez une maison ?
Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "Le lièvre et la tortue", written 1671, appears in Fables
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3. Le Meunier, son fils et l'âne  [sung text not yet checked]
L’invention des arts étant un droit d’aînesse, Nous devons l’apologue à l’ancienne Grèce : Mais ce champ ne se peut tellement moissonner Que les derniers venus n’y trouvent à glaner. La feinte est un pays plein de terres désertes ; Tous les jours nos auteurs y font des découvertes. Je t’en veux dire un trait assez bien inventé : Autrefois à Racan Malherbe l’a conté. Ces deux rivaux d’Horace, héritiers de sa lyre, Disciples d’Apollon, nos maîtres, pour mieux dire, Se rencontrant un jour tout seuls et sans témoins (Comme ils se confiaient leurs pensers et leurs soins), Racan commence ainsi : Dites-moi, je vous prie, Vous qui devez savoir les choses de la vie, Qui par tous ses degrés avez déjà passé, Et que rien ne doit fuir en cet âge avancé, À quoi me résoudrai-je ? Il est temps que j’y pense. Vous connaissez mon bien, mon talent, ma naissance : Dois-je dans la province établir mon séjour, Prendre emploi dans l’armée, ou bien charge à la cour ? Tout au monde est mêlé d’amertume et de charmes : La guerre a ses douceurs, l’hymen a ses alarmes. Si je suivais mon goût, je saurais où buter ; Mais j’ai les miens, la cour, le peuple à contenter. Malherbe là-dessus : Contenter tout le monde ! Écoutez ce récit avant que je réponde. J’ai lu dans quelque endroit qu’un meunier et son fils, L’un vieillard, l’autre enfant, non pas des plus petits, Mais garçon de quinze ans, si j’ai bonne mémoire, Allaient vendre leur âne, un certain jour de foire. Afin qu’il fût plus frais et de meilleur débit, On lui lia les pieds, on vous le suspendit ; Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre. Pauvres gens ! idiots ! couple ignorant et rustre ! Le premier qui les vit de rire s’éclata : Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-là ? Le plus âne des trois n’est pas celui qu’on pense. Le meunier, à ces mots, connaît son ignorance ; Il met sur pieds sa bête, et la fait détaler. L’âne, qui goûtait fort l’autre façon d’aller, Se plaint en son patois. Le meunier n’en a cure, Il fait monter son fils, il suit : et, d’aventure, Passent trois bons marchands. Cet objet leur déplut. Le plus vieux au garçon s’écria tant qu’il put : Oh là ! oh ! descendez, que l’on ne vous le dise, Jeune homme, qui menez laquais à barbe grise ! C’était à vous de suivre, au vieillard de monter. Messieurs, dit le meunier, il vous faut contenter. L’enfant met pied à terre, et puis le vieillard monte ; Quand trois filles passant, l’une dit : C’est grand’honte Qu’il faille voir ainsi clocher ce jeune fils, Tandis que ce nigaud, comme un évêque assis, Fait le veau sur son âne, et pense être bien sage. Il n’est, dit le meunier, plus de veaux à mon âge : Passez votre chemin, la fille, et m’en croyez. Après maints quolibets coup sur coup renvoyés, L’homme crut avoir tort, et mit son fils en croupe. Au bout de trente pas, une troisième troupe Trouve encore à gloser. L’un dit : Ces gens sont fous ! Le baudet n’en peut plus ; il mourra sous leurs coups. Eh quoi ! charger ainsi cette pauvre bourrique ! N’ont-ils point de pitié de leur vieux domestique ? Sans doute qu’à la foire ils vont vendre sa peau. Parbleu ! dit le meunier, est bien fou du cerveau Qui prétend contenter tout le monde et son père. Essayons toutefois si par quelque manière Nous en viendrons à bout. Ils descendent tous deux. L’âne se prélassant marche seul devant eux. Un quidam les rencontre et dit : Est-ce la mode Que baudet aille à l’aise, et meunier s’incommode ? Qui de l’âne ou du maître est fait pour se lasser ? Je conseille à ces gens de le faire enchâsser. Ils usent leurs souliers, et conservent leur âne ! Nicolas, au rebours : car, quand il va voir Jeanne, Il monte sur sa bête ; et la chanson le dit. Beau trio de baudets ! le meunier repartit : Je suis âne, il est vrai, j’en conviens, je l’avoue ; Mais que dorénavant on me blâme, on me loue, Qu’on dise quelque chose ou qu’on ne dise rien, J’en veux faire à ma tête. Il le fit, et fit bien. Quant à vous, suivez Mars, ou l’Amour, ou le prince ; Allez, venez, courez ; demeurez en province ; Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement : Les gens en parleront, n’en doutez nullement.
Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "Le Meunier, son fils et l'âne", appears in Fables, Livre III
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Confirmed with Jean de La Fontaine, Fables,, Livre III, Bernardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1874 (p. 91-94).
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
4. Le Loup et l'agneau  [sung text not yet checked]
La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l'allons montrer tout à l'heure. Un agneau se désaltérait Dans le courant d'une onde pure. Un loup survint à jeun, qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité. Sire, répond l'agneau, que Votre Majesté Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu'elle considère Que je me vas désaltérant Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d'elle ; Et que, par conséquent, en aucune façon Je ne puis troubler sa boisson. Tu la troubles ! reprit cette bête cruelle ; Et je sais que de moi tu médis l'an passé. Comment l'aurais-je fait, si je n'étais pas né ? Reprit l'agneau : je tette encore ma mère. -- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. -- Je n'en ai point. -- C'est donc quelqu'un des tiens ; Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers et vos chiens. On me l'a dit : il faut que je me venge. Là-dessus, au fond des forêts Le loup l'emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès.
Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "Le loup et l'agneau", written 1668, appears in Fables
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (David Jonathan Justman) , "The wolf and the lamb", copyright ©, (re)printed on this website with kind permission
5. Les Grenouilles qui demandent un roi  [sung text not yet checked]
Les grenouilles se lassant De l'état démocratique Par leurs clameurs firent tant Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique. Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique : Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant, Que la gent marécageuse, Cent fort sotte et fort peureuse, S'alla cacher sous les eaux, Dans les joncs, dans les roseaux, Dans les trous du marécage, Sans oser de longtemps regarder au visage Celui qu'elles croyaient être un géant nouveau. Or c'était un soliveau, De qui la gravité fit peur à la première Qui, de le voir, s'aventurant, Osa bien quitter sa tanière. Elle approcha, mais en tremblant. Une autre la suivit, une autre en fit autant : Il en vint une fourmilière ; Et leur troupe à la fin se rendit familière Jusqu'à sauter sur l'épaule du roi. Le bon sire le souffre, et se tient toujours coi. Jupin en a bientôt la cervelle rompue : Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue ! Le monarque des dieux leur envoie une grue, Qui les croque, qui les tue, Qui les gobe à son plaisir Et grenouilles de se plaindre, Et Jupin de leur dire ; Eh quoi ! votre désir À ses lois croit-il nous astreindre ? Vous avez dû premièrement Garder votre gouvernement ; Mais ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire Que votre premier roi fût débonnaire et doux. De celui-ci contentez-vous, De peur d'en rencontrer un pire.
Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "Les grenouilles qui demandent un roi", written 1668, appears in Fables
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This fable inspired a "Scène comique et parodiée" of the same title.
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
6. Le Corbeau et le renard  [sung text not yet checked]
Maître Corbeau, sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître Renard, par l'odeur alléché, Lui tint à peu près ce langage: Hé! Bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli! Que vous me semblez beau! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie; Et, pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tombe sa proie. Le renard s'en saisit, et dit: Mon bon monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute: Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. Le corbeau, honteux et confus, Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "Le corbeau et le renard", written 1668, appears in Fables
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (David Jonathan Justman) , "The Raven and the Fox", copyright ©, (re)printed on this website with kind permission
See also Le renard et le corbeau.
Researcher for this page: Geoffrey Wieting
7. La Cigale et la fourmi  [sung text not yet checked]
La cigale, ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. «Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'août, foi d'animal, Intérêt et principal.» La Fourmi n'est pas prêteuse; C'est là son moindre défaut. «Que faisiez-vous au temps chaud? Dit-elle à cette emprunteuse. -- Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. -- Vous chantiez? j'en suis fort aise. Et bien! dansez maintenant.»
Authorship:
- by Jean de La Fontaine (1621 - 1695), "La cigale et la fourmi", written 1668, appears in Fables
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Emily Ezust) , "The grasshopper and the ant", copyright © 2016
See also La cigale vengée.
Researcher for this page: Ted Perry